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ne s'élève pas au delà de cinq mille âmes; il y a loin, on le voit, de ce calcul à celui de Schélikof, qui donnait à la dernière ile que nous venons de nommer cinquante mille habitants, uniquement, dit un voyageur sérieux, pour rehausser l'importance de ses découvertes; on ne saurait se dissimuler cependant que la diminution de ces populations n'ait été rapide.

Un des traits distinctifs des hommes de cette race, qu'ils partagent du reste avec les Tchouktchis et les Esquimaux, c'est une merveilleuse habileté à manoeuvrer ces étranges embarcations que l'on désigne sous le nom de baidarkes : construites par un procédé vraiment habile avec la peau du morse, ces pirogues de cuir volent rapidement à la surface des flots, et se dirigent comme par une sorte d'instinct au milieu des vagues. L'Aléoute, que n'arrête aucun obstacle, a été appelé assez ingénieusement un homme pois son; il se meut sur les eaux en effet comme ces cétacés agiles qui sillonnent l'Océan. En mars et en avril, l'époque de la chasse aux loutres, il n'est pas rare de rencontrer des flottilles de trente à quarante baïdarkes. Ounalachka en envoie quelquefois plus de cent trente; un chef choisi par élection commande chaque bande aventureuse. Malgré l'habileté des pagayeurs, il ne faut pas croire que sur ces mers orageuses les baïdarkes ne courent aucun danger. Les rafales en font périr, et l'on rappelle des sinistres où plus de mille Aléoutes ont péri (1).

La baïdarke ou baidarc, qui joue un si grand rôle dans la navigation des peuples polaires, et qui a dû servir de véhicule à tant de navigateurs dont nous soupçonnons l'audace, mais dont les voyages sont demeurés inconnus, la baïdarke est une embarcation de vingt pieds de long, sur dix-huit pouces ou deux pieds de large. Steller en a donné une description minutieuse. Le corps de cette espèce de canot est fait de bois ou de côtes de baleines fort minces; on recouvre entièrement cette carcasse légère de peaux de morses ou de veaux marins, « à l'exception d'une ouverture pratiquée au milieu, qui a un rebord de côtes de

(1) Choris a donné plusieurs planches fort naives, qui représentent des Aléoutes, ainsi que les divers instruments de pêche dont ils se scrvent.

baleines ou de bois pour empêcher l'eau d'y pénétrer. Ce trou est fait précisément de manière à ce qu'un seul homme puisse y entrer et s'asseoir dans le canot en étendant ses jambes en avant; il y en a où de ce rebord il s'élève tout autour un morceau de peau que l'homme assis dans le canot lie autour de son corps et qui le garantit absolument de l'eau. » Les coutures de ces embarcations sont enduites d'une sorte de colle qui remplace le goudron et dont l'ingrédien principal est l'huile de veau marin (1).

C'est de l'habileté et du zèle des chasseurs intrépides dont nous venons de parler, et auxquels la manœuvre de la baïdarke est familière, que dépend le plus ou moins de profits obtenus par la Compagnie. Les Aléoutes attaquentrout: baleines, morses, lions marins. Mais s'ils regardent comme la capture la plus riche qu'ils puissent faire celle de l'énorme cétacé dont l'huile est si recherchée pour leurs festins, ce n'est point là le genre d'expédition qu'ils redoutent le plus; et lorsqu'ils vont à la chasse périlleuse des morses, ils se font tristement leurs adieux. Les dents seules de l'animal sont recherchées par le commerce, mais l'imagination est effrayée de l'épouvan table massacre qu'il faut faire annuellement parmi ces phoques, lorsque l'on considère que quatre ou cing mille individus ne fournissent pas plus de vingtcinq mille dents, et que c'est là le produit des années regardées comme très-heureuses. La chasse aux loutres de mer est en réalité la plus importante; si, comme on l'a fait remarquer, les Aléoutes sont affranchis par le gouvernement du tribut en pelleteries, ils sont obligés de servir la Compagnie pour la chasse des animaux marins, et principalement pour celle des loutres. Ils tuent ces animaux à coup de flèches en mer, et ils en prennent aussi quelquefois aux filets; les profits qu'ils peuvent faire en cette occasion sont assez considérables. Lorsqu'on ne les approvisionne pas des choses nécessaires

(1) On trouvera bien d'autres renseignements sur les baldarkes telles qu'elles existent aujourd'hui dans l'ouvrage intitulé: Essai sur la construction navale des peuples extra-européens, ou collection des navires et pirogues cons truits par les habitants de l'Asie, de l'Afrique et de l'Amérique; par M. Paris, capitaine de cor vette, 1 vol. in-fol. avec 230 pl.

à la vie, ils reçoivent pour une vieille loutre quinze roubles, pour une jeune six roubles, pour un petit un rouble vingt kopeks.

La chasse qui succède à celle des loutres est celle des renards; elle a lieu par le secours des chiens et le plus souvent en employant des piéges. On prend ainsi des renards noirs, des renards argentés et des renards rouges, dont le pelage est singulièrement moelleux; ceux d'Aliaska, appartenant à cette espèce, sont fort recherchés. Nous ne dirons rien ici ni de la chasse aux souslics (yevrachka) ni de celle aux oiseaux, qui consiste principalement en diverses espèces de macareux. Le voyageur que l'on peut consulter avec le plus de fruit sur ces faits importants a constaté que si une poursuite active mais imprudente avait fait diminuer prodigieusement le nombre des animaux à fourrures dans certains parages qui en fournissaient abondamment, d'autres contrées, telles que les îles Kouriles par exemple, se sont peuplées insensiblement : mais bien que ces îles dépendent de la Compagnie, elles n'appartiennent plus aux terres américaines, et nous ne saurions les faire entrer dans notre cadre.

Les Aléoutes, malgré la rigueur de leur climat, célèbrent fréquemment des fêtes. Celles qui ont lieu au retour des grandes chasses de l'ours, après le mois de décembre, sont incontestablement les plus curieuses. « Les hommes alors sont couverts de masques de bois peints de tou tes sortes de couleurs, avec une terre grossière qui se trouve dans ces îles (1); non-seulement ces masques représentent des animaux marins, dont chaque individu contrefait les habitudes ou les allures, mais on rencontre alors des familles entières portant ces déguisements bizarres et s'entrevisitant d'île en île pour se livrer à une joie bruyante. De tous les peuples qui visitent cet archipel il n'en est pas de plus intéressant au point de vue ethnographique que les Tchouktchis, qui, fréquentant habituellement les côtes de l'Amérique, n'en vont pas moins établir des rela

(1) N. S. Vsevolojsky, Dictionnaire géographique historique de l'empire de Russie, contenant le tableau politique et statistique de ce vaste pays; Moscou, 1823, 2 vol. in-8°.

tions commerciales avec les Russes du nord de la Sibérie. Pour obtenir par des échanges quelques-uns de ces objets qui flattent leur sensualité grossière ou leur goût pour certaines parures, les Tchouktchis n'hésitent point à entreprendre des voyages qui ne durent pas moins de cinq mois, et qui les forcent à traverser les régions les plus désolées. Ces hommes, endurcis à toutes les fatigues, paraissent avoir fréquenté les deux continents même à des époques qui échappent à nos appréciations historiques. Ils le disent positivement, le détroit de Béring a été traversé maintes fois par leurs ancêtres, et le doute le plus léger ne peut plus exister maintenant sur une communication déjà bien ancienne entre le vieux et le nouveau monde (1).

M. de Wrangell, qui a assisté si fréquemment en Sibérie aux chasses de ces peuples, et qui nous offre sur elles de si précieux renseignements, nous fournit un détail peut-être unique dans les annales de la vénerie: nous le reproduisons ici tel qu'il se trouve consigné dans le voyage du savant amiral, en faisant observer qu'il s'agit plus spécialement des Tchouktchis errant sur les rives de la mer Glaciale. « Ils prennent des loups, dit-il, par un procédé tout particulier. Les extrémités d'un morceau de fanon de baleine, plié en deux, sont aiguisées et attachées ensemble: le fanon ainsi préparé est aspergé d'eau jusqu'à ce qu'il soit entièrement couvert de glace, et l'on enduit le tout de graisse; le loup se jette sur cet appât et l'avale, mais la glace fond dans son estomac, la baleine se déploie, et ses bouts aiguisés tuent l'animal..... La chasse à l'ours blanc est fort dangereuse : les Tchouktchis vont chercher ces animaux dans la mer Glaciale, parmi des torosses inextricables, et les tuent à coups de pique. Ils emploient des espèces de corbeilles pour pêcher le poisson. Quant aux oiseaux, ils les prennent avec un filet en courroies très-minces, aux extrémités duquel sont suspendues des pierres ou des morceaux d'os de morses. Les Tchouktchis lancent ce filet en l'air avec beaucoup d'adresse; les oiseaux

(1) Voyez Wrangell et Lutké.

qu'il atteint s'y entortillent et tombent par terre avec l'engin (1).»

Le peuple le plus redoutable pour les Russes, celui dont il peut obtenir aussi par la suite les services les plus réels, forme la confédération des Kaloches (2). Cette nation belliqueuse s'est répandue dans les archipels du Roi-Georges, du Duc-d'York, du Prince-deGalles et dans l'île de l'Amirauté. Lorsque la Compagnie fonda Novo-Arkangelsk, ce furent ces terribles Indiens que Baranoff eut à combattre. Si l'on s'en rapporte au conseiller Vsévolojsky, les habitants de Kadiak, appartenant à la même race, présentaient vers 1824 un total de treize cents hommes, sans compter les femmes. Les Kaloches, qu'il nous importe de connaître, et qui résident à Sitkha, prennent eux-mêmes le titre de Silkha Khan ou homme de Sitkha. Ainsi que cela arrive chez les Esquimaux, le corbeau joue un rôle important dans la théogonie de ces peuples; si les Kadiaques, par exemple, croient que cet oiseau eut la puissance de créer la terre, les Kaloches en font une sorte de messager divin chargé d'apporter la lumière du ciel. En souvenir de ce bienfait, sans doute, c'est le seul oiseau qui ne paraisse jamais dans leurs festins. Ces peuples ont du reste une cosmogonie fort compliquée, où (chose curieuse) on trouve certains mythes analogues à ceux de la Grèce; nous ajouterons aussi qu'on y voit figurer la tradition d'un déluge universel. Kitkh-oughin-si, le premier des humains, sans cesse occupé à détruire sa progéniture; Elkh, l'être prédestiné qui donne enfin à la race des hommes ses précieux enseignements; sa mère, qui reçoit comme don filial une robe chatoyante tissue de plumes de colibris, voient leurs aventures mêlées aux traditions dont nous venons de parler.

(1) Voyez Le Nord de la Sibérie, t. II, p. 340. Nous ferons observer que M. de Wrangell modifie légèrement le nom de ces peuples, et qu'il les appelle Tchouktchas. Nous avons suivi l'ancienne dénomination. Les Tchouktchis se divisent en deux races distinctes.

(2) On la désigne aussi sous les noms de Kolu ches, Kolouches, Kolougis, Kalujes, Caliouches; Voy. Balbi. Nous avons adopté ici la dénomination reproduite par M. Lutké. Selon un ethnographe célèbre, la famille des Koluches est la souche des peuples qui habitent depuis Jakutat jusqu'aux lles de la Reine-Charlotte.

Le culte des Kaloches est néanmoins une sorte de chamanisme, comme celui que l'on trouve en vigueur chez les peuplades de l'Asie. Les chamans, ces interpretes inflexibles des génies malfaisants, ont institué des dogmes sanguinaires, par suite desquels des esclaves sont immolés. L'anthropophagie néanmoins ne se mêle pas à cette exécrable coutume, comme cela a lieu à Noutka. Chose étrange, mais conséquence naturelle de ces dogmes sanguinaires, la mort n'affranchit par l'esclave; et dans sa funèbre servitude celui-ci va rejoindre l'âme errante qui jadis lui commandait, et qui doit exercer encore sur lui un pouvoir despotique.

Les Kaloches forment une race robuste, singulièrement endureie aux rigueurs des saisons. M. Lutké nous les représente comme étant pour ainsi dire insensibles à la rude température qu'ils sont obligés d'affronter; quelquefois, dépouillés de leur manteau, ils dorment à l'ardeur d'un foyer qui les rôtit littéralement, tandis que certaines parties de leur corps sont atteintes par la gelée. lis ont parmi eux une classe privilegiée de guerriers, désignés sous le nom de Koukhontan ou Kokvontan. On peut assimiler ces hommes intrépides à une sorte d'ordre de chevalerie, conservant une prééminence réelle dans un gouvernement tout patriarcal.

L'industrie primitive des Kaloches, car ces tribus commencent à se modeler en tout sur les Russes, est loin de la grossièreté qu'on rencontre chez certains sauvages. Vont-ils au combat, « une cuirasse en lames de bois, fortement entrelacées de nerfs de baleine, garantit leur poitrine et leur dos; un masque habilement sculpté et représentant la face de quelque monstre redoutable, défend leur visage (1). Méditent-ils quelque expédition lointaine, de vastes pirogues pouvant contenir jusqu'à soixante

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dix guerriers les reçoivent. Non-seule ment ces embarcations sont désignées comme nos navires par des noms particuliers, tels que celui d'un astre, d'un animal, d'un objet qui a frappé leurs regards, mais une sculpture minutieusement habile reproduit en relief l'enseigne de l'embarcation; les Kaloches de la colonie russe sont essentiellement sculpteurs, comme le sont les peuples de Noutka et ceux de l'ile de la Reine-Charlotte (1). Cette tendance marquée vers la culture d'un art difficile n'a cependant pas adouci les mœurs de cette tribu : en certaines occasions ils poussent au plus haut degré de cruauté, dit-on, leurs rapports avec les étrangers.« Pour laver une injure reçue, affirme le voyageur qui les a le mieux observés, la vengeance par le sang, loin d'être regardée omme un crime, devient pour chacun un devoir sacré. »> Il ne s'ensuit pas de là, fait observer le même écrivain, qu'on doive considérer les Kaloches comme tout à fait indignes de porter la face humaine (2), » et il insiste sur la rare tendresse des pères pour leurs enfants; elle est telle en effet, qu'un guerrier endurci à tous les actes qu'entraîne une guerre implacable ne se sent pas le courage d'immerger son enfant dans l'eau glacée

(1) Après avoir vanté la merveilleuse habileté que déploient les Kaloches dans la construction de leurs grandes pirogues, si legeres « qu'aucune autre embarcation ne saurait lutter avec elles,» Lutke parle de sculptures vraiment remarquables dont elles sont ornees; puis il s'exprime ainsi sur la rare aptitude de ces Indiens pour divers arts industriels. «lls sculptent des masques de guerre, et des masques ordinaires pour les jeux, ainsi que des pipes de bois et d'ardoise. Ils fabriquent des anneaux de cuivre ou de corne qu'ils portent au poi gnet; des cuillers de corne et de la vaisselle de bois ornée de coquillages et d'enjolivements en os. Ils ont même appris maintenant a réparer les fusils; leurs poignards à deux tranchants, embellis de coquillages luisants, excitent l'étonnement par la netteté de leur exécution. Les femmes tissent très-adroitement des tapis en poil de chevre; elles tressent avec des racines des paniers de diverses couleurs, de petites corbeilles de travail, garnies de pochettes et des chapeaux à l'européenne très-légers et très durables, qui se vendent très-bien en Californie.

(2) En rappelant ces expressions, M. Lutké s'élève contre le récit d'un voyageur qui les emploie, et qui prétend qu'un Kaloche, ennuyé des cris de son fils, le jela dans de l'huile de ba leine bouillante. (Voyage autour du monde.)

pour l'endurcir aux rigueurs de l'air, et qu'il le confie toujours à un parent lorsqu'on juge indispensable de faire subir à l'innocente créature cette épreuve nécessaire. C'est sans doute ce sentiment protond des affections de famille qui a conduit les Kaloches à adopter l'un des usages les plus étranges que l'histoire des peuples sauvages ait encore enregistrés : « A la mort d'un onele, le neveu prend sa plus ancienne femme; aucune disproportion d'âge ne peut le dispenser de remplir ce devoir inévitable.»

Comme toutes les nations américaines, cette nation si curieuse à observer se modifie profondément aujourd'hui dans ses usages, et en s'alliant avec les promichléniks russes donne naissance à des métis que l'industrie européenne saura utiliser. Une chose qui n'est plus douteuse aussi, c'est que la race pure tend à diminuer et que la petite vérole exerce chez ces peuplades l'influence funeste qu'elle exerce chez toutes les tribus de l'Amérique. L'année 1770 a été marquée par une épidémie affreuse de ce genre. Le savant courageux auquel on doit la solution d'un problème géographique si intéressant, et qui plus tard a dirigé avec tant de succès la colonie, M. de Wrangell, compte néanmoins encore un total de quarante mille indigènes; il est vrai que ce chiffre s'applique à toute la population indienne de l'Amérique Russe (1).

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vahissement. Ce n'était pas à un homme tel qu'Alexandre Baranoff que de tels détails pouvaient être fournis vainement; il détacha de Sitkha cent Russes, sous le commandement de M. de Kuskof. Ceux-ci furent renforcés par une centaine d'Indiens kadiak, et, il faut insister sur ce point, avec la permission des Espagnols, une petite colonie de chasseurs s'éleva tout à coup dans ces solitudes qu'on se croyait trop heureux alors de voir sillonnées par des êtres vivants. Les bénéfices obtenus par la Compagnie sur ce point furent, dit-on, immenses. Les établissements se multiplièrent. Dès l'année 1815 quelques fermes russes s'élevaient déjà dans l'intérieur; mais alors vinrent les réclamations, et, comme l'a très-bien fait observer M. Duflot de Mofras, elles furent sans effet : « les troubles qui agitaient la vice-royauté du Mexique permirent aux Russes de devenir les possesseurs définitifs du terrain qu'ils occupaient. » Le port de la Bodega prit même le nom de Romanzoff (1).

Ainsi que l'a consigné dans sa relation le même voyageur, « le terrain occupé par les Russes n'a jamais eu de limites bien fixes, puisqu'à l'époque de leur établissement en 1812 il n'existait aucune ferme espagnole au nord du port de San-Francisco, et qu'ils cominirent alors la faute de ne pas y fonder quelques maisons. Cependant, d'après les renseignements les plus précis, on peut dire que la ligne de démarcation commençait au sud du port

(1) Greenhow raconte ainsi l'établissement des Russes dans ces régions. « Baranoff, l'agent en chef de la Compagnie russo-américaine, obtint du gouverneur espagnol de la Californie la permission d'élever quelques maisons et de laisser quelques hommes sur les rives de la baie de Bodega, un peu au nord du Port de San-Francisco, où ils furent employés à la chasse des troupeaux sauvages, seulement pour approvisionner de vivres Sitkha et les autres établissements. Deux ou trois ans s'étaient à

peine écoulés depuis que cette permission avait été accordée, lorsque le nombre des individus employés ainsi devint assez grand et leur habitation assez semblable à un fort, pour que le gouverneur jugeat à propos d'adresser des remontrances à ce sujet. L'historien continue en disant que ces observations furent reçues fort mal; et que lorsque le commandement de quitter les lieux fut réitéré, l'agent russe Kuskof nia froidement le droit des Espagnols sur ce territoire, qu'il affirma être ouvert à l'occupation de toute nation civilisée. Voy. History of Oregon, p. 327.

de la Bodega, à la lagune nommée El Estero Americano, et qu'elle se prolongeait vers l'est-nord-est à la rencontre de la petite rivière de San-Ignacio, Avatcha des cartes russes. » Il y a une identité parfaite entre la topographie de cette portion de la côte et celle des autres partie de la haute Californie; c'est d'abord une chaîne de collines courant parallèlement à la côte, et derrière ces éminences vers l'orient de belles prairies. Malheureusement on ne rencontre pas un seul cours d'eau navigable sur un espace de vingt lieues. Le Rio-Ignacio ou Avatcha, qui se jette dans le port de Romanzoff, le San-Sebastian ou Slawianska, qui se dessèche durant l'été, le ruisseau désigné sous le nom de Ross et le Kostromitinoff sont dans ce cas. Le climat de cette partie de la colonie est magnifique; la chaleur moyenne de l'année est de 12° centigra des; et M. de Mofras affirme qu'il n'y gèle jamais aussi les arbres fruitiers de l'Europe prospèrent-ils le long de la côte, sans en excepter la vigne. Les céréales, le tabac, certains légumes des zones tempérées viennent bien. Avec des soins les bestiaux pourront se multiplier d'une façon prodigieuse comme ils l'ont fait sur d'autres points de l'Amérique. L'établissement russe fondé dans l'excellent port que l'on désigne sous le nom de la Bodega gît par les 38° 18' 30" de latitude nord et les 125° 24′ 20′′ de longitude ouest. Il y a cinq à six ans on n'y avait élevé aucune espèce de fortification, et la Compagnie se contentait d'y posséder une pièce de bronze. Ses vastes magasins seuls lui donnent de l'importance; il y a deux ou trois maisons d'habitation seulement; il est probable que les choses ne resteront pas longtemps dans cette situation, surtout en présence des nouveaux événements que vient d'amener la guerre du Mexique.

Le fort de Ross, qui s'élève dans une petite anse où les Russes ont déjà construit des navires, a excité naguère, par l'ensemble de sa position et par la fertilité de ses jardins, l'admiration d'un voyageur dont nous aimons à recueillir les impressions: « Il n'existe rien de plus pittoresque ni de plus grandiose que les forêts de pins gigantesques qui les en

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