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ont dépassé les limites posées par la nature même des choses. Dans ce qu'ils ont fait en ce genre, il ne faut pas toujours voir un esprit d'usurpation et d'envahissement, mais la suite de leur accord mutuel. Sous le règue de Charlemagne, on vit des assemblées qui ressembloient à des conciles, par la présence et l'autorité des évêques; et l'on vit aussi des conciles, tel que le troisième de Latran, dans le douzième siècle, qui ressembloient à des asemblées politiques, par la présence et l'autorité des princes et de leurs ambassadeurs. Dans les premières, on régla plus d'une fois ce qui concernoit la religion, comme dans les seconds on fit des réglemens sur des choses temporelles; et ce qu'il pouvoit y avoir d'irrégulier du côté de la puissance qui décidoit, étoit couvert par l'assentiment de l'autre. Dans sa défense de la Déclaration du clergé de France (1), Bossuet a très-bien observé que la sainte société des deux puissances sembloit demander qu'elles exerçassent les fonctions l'une de l'autre, par le droit qu'ont les amis de se servir du bien de leurs amis comme du leur propre; que ce qu'elles faisoient hors de leur

(1) Liv. IV, ch. 1- v.

ressort naturel avoit son effet par tement mutuel, exprès ou tacite.

leur consen

Ce n'est donc pas d'après quelques faits épars qu'il faut juger du ressort des deux puissances, mais d'après des principes fixes que fournit la nature propre de chacune d'elles, et surtout l'histoire de ces temps primitifs où elles agissoient séparément. Si l'on ne vent s'égarer, il faut toujours en revenir à cette règle fondamentale nettement exprimée par Domat (1): « Tous » les Etats où l'on professe la véritable religion » sont gouvernés par deux puissances, par par la » spirituelle et par la temporelle, que Dieu a » établies pour en régler l'ordre. Et comme l'une » et l'antre ont leurs fonctions distinguées, et » qu'elles tiennent immédiatement de Dieu leur » autorité, elles sont indépendantes l'une de >> l'antre; mais de telle sorte qu'encore que ceux >> qui ont le ministère de l'une puissent l'exercer » indépendamment de l'autre, ils doivent cepen>>dant être réciproquement soumis au ministère » les uns des autres en ce qui en dépend. Ainsi » les princes temporels doivent être soumis aux >> puissances spirituelles en ce qui regarde le

(1) Droit public, liv. I., tit. 19, sect. 3, no. 1 et 2.

» spirituel, et les ministres de l'Eglise doivent » être aussi, de leur part, soumis à la puissance » des princes, en ce qui regarde le temporel ».

Autrefois il existoit beaucoup de choses mixtes; comme le mariage, les bénéfices, les ordres religieux, qui, envisagées sous différentes faces, se rapportoient d'une manière également directe au bien de la société civile comme de la société religieuse; alors les deux puissances devoient les régler chacune dans ce qui étoit de sa compétence. Déjà nous avons indiqué ce qui appartenoit à l'Eglise; mais pour constater encore davantage que nous n'avons rien dit de nous-mêmes, écoutons un homme dont le témoignage est irrécusable; c'est Fleury (1): « Il faut en revenir à >> la distinction de la juridiction propre et essen» tielle à l'Eglise, et de celle qui lui est étran» gère. L'Église a par elle-même le droit de dé» cider toutes les questions de doctrine, soit sur >> la foi, soit sur la règle des mœurs. Elle a droit » d'établir des canons ou règles de discipline, » pour sa conduite intérieure; d'en dispenser en >> quelques occasions particulières; et de les » abroger quand le bien de la religion le demande.

(1) Inst. au Droit ecclésiast. p. 3, c. I.

» Elle

» Elle a droit d'établir des pasteurs et des minis» tres pour continuer l'œuvre de Dieu jusqu'à la » fin des siècles, et pour exercer toute cette juri>>diction; et elle peut les destituer, s'il est néces»saire. Elle a droit de corriger tous ses enfans, leur >> imposant des pénitences salutaires, soit pour les » péchés secrets qu'ils confessent, soit pour lest » péchés publics dont ils sont convaincus. Enfin, l'Eglise a droit de retrancher de son corps les » membres corrompus, c'est-à-dire, les pécheurs >> incorrigibles qui pourroient corrompre les au→ » tres. Voilà les droits essentiels à l'Eglise, dont » elle a joui sous les empereurs païens, et qui » ne peuvent lui être ôtés par aucune puissance >>> humaine; quoique l'on puisse quelquefois, par >> voie de fait et par force majeure, en empêcher >> l'exercice >>..

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C'est après avoir cité ce passage de Fleury que M. Gilbert de Voisins, dans un réquisitoire du 20 février 1731, ajoutoit ces paroles : « Ce » digne interprête de la doctrine et des maximes » de la France semble avoir rassemblé, dans » cet endroit, tout ce qu'on trouve avec plus » d'étendue, soit dans nos auteurs les plus éclai>> rés, soit dans les canons, et les autres mo>> numens de la plus vénérable antiquité

ce qui n'étoit qu'opinion, Bossuet ne fait que répéter le langage de tous les siècles, quand il dit (1); Le Fils de Dieu ayant voulu que son » Eglise fût unc, et solidement bâtie sur l'unité, » a établi et institué la primauté de saint Pierre » pour l'entretenir et la cimenter. C'est pourquoi » nous reconnoissons cette même primauté de >> saint Pierre dans les successeurs du Prince des » apôtres, auxquels on doit pour cette raison la » soumission et l'obéissance que les saints con>>> ciles et les saints Pères ont toujours enseignée à tous les fidèles »

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Ce n'est pas ici le lieu d'examiner jusqu'à quel point les fausses décrétales ont pu contribuer à étendre l'autorité du souverain Pontife au-delà de ses limites naturelles; mais ce seroit compter étrangement sur la crédulité des lecteurs, que d'en faire la source de la suprématie spirituelle des papes. Ces pièces apocryphes n'ont commencé d'avoir quelque autorité que vers le neuvième siècle: or, quelle foule de monumens ne présente pas l'histoire des six premiers siècles en faveur de la prééminence du saint Siége! Qu'il nous suffise de dire ici dans les propres

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simituszał w old bei :. (1) Exposit, de la Doct, de l'Eglise cathol. n,, 21.0

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