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Ils sont passés ! — Leur cohorte
S'envole et fuit, et leurs pieds
Cessent de battre ma porte
De leurs coups multipliés.

L'air est plein d'un bruit de chaînes,
Et dans les forêts prochaines
Frissonnent tous les grands chênes,
Sous leur vol de feu pliés !

De leurs ailes lointaines
Le battement décroît,
Si confus dans les plaines,
Si faible, que l'on croit
Ouïr la sauterelle

Crier d'une voix grêle

Ou pétiller la grêle

Sur le plomb d'un vieux toit.

D'étranges syllabes

Nous viennent encor:

Ainsi, des arabes

Quand sonne le cor,
Un chant sur la grève
Par instants s'élève,
Et l'enfant qui rêve
Fait des rêves d'or.

Les Djinns funèbres,
Fils du trépas,

Dans les ténèbres

Pressent leurs pas;
Leur essaim gronde :
Ainsi, profonde,
Murmure une onde
Qu'on ne voit pas.

Ce bruit vague
Qui s'endort,
C'est la vague
Sur le bord;

C'est la plainte
Presque éteinte

D'une sainte

Pour un mort.

On doute

La nuit...

J'écoute :

Tout fuit.

Tout passe;

L'espace

Efface

Le bruit.

ATTENTE

Esperaba, desperada.

MONTE, écureuil, monte au grand chêne,

Sur la branche des cieux prochaine,

Qui plie et tremble comme un jonc.
Cigogne, aux vieilles tours fidèle,
Oh! vole et monte à tire-d'aile
De l'église à la citadelle,

Du haut clocher au grand donjon.

Vieux aigle, monte de ton aire
A la montagne centenaire
Que blanchit l'hiver éternel.

Et toi qu'en ta couche inquiète

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Jamais l'aube ne vit muette,
Monte, monte, vive alouette,
Vive alouette, monte au ciel.

Et maintenant, du haut de l'arbre,
Des flèches de la tour de marbre,
Du grand mont, du ciel enflammé,
A l'horizon, parmi la brume,
Voyez-vous flotter une plume,
Et courir un cheval qui fume,
Et revenir mon bien-aimé ?

EXTASE

Et j'entendis une grande voix. Apocalypse.

'ÉTAIS seul près des flots, par une nuit d'étoiles.

J'E

Pas un nuage aux cieux, sur les mers pas de voiles. Mes yeux plongeaient plus loin que le monde réel.

Et les bois, et les monts, et toute la nature,
Semblaient interroger dans un confus murmure
Les flots des mers, les feux du ciel.

Et les étoiles d'or, légions infinies,

A voix haute, à voix basse, avec mille harmonies,
Disaient, en inclinant leurs couronnes de feu;
Et les flots bleus, que rien ne gouverne et n'arrête,
Disaient, en recourbant l'écume de leur crête :

- C'est le Seigneur, le Seigneur Dieu!

LORSQUE L'ENFANT PARAÎT

LORSQUE l'enfant paraît, le cercle de famille Applaudit à grands cris. Son doux regard qui brille Fait briller tous les yeux,

vien

Lorsque l'Enfant Paraît

Et les plus tristes fronts, les plus souillés peut-être,
Se dérident soudain à voir l'enfant paraître,

Innocent et joyeux.

Soit que juin ait verdi mon seuil, ou que novembre
Fasse autour d'un grand feu vacillant dans la chambre
Les chaises se toucher,

Quand l'enfant vient, la joie arrive et nous éclaire.
On rit, on se récrie, on l'appelle, et sa mère
Tremble à le voir marcher.

Quelquefois nous parlons, en remuant la flamme,
De patrie et de Dieu, des poètes, de l'âme
Qui s'élève en priant;

L'enfant paraît, adieu le ciel et la patrie
Et les poètes saints! la grave causerie
S'arrête en souriant.

ΙΟΙ

La nuit, quand l'homme dort, quand l'esprit rêve, à l'heure Où l'on entend gémir, comme une voix qui pleure,

L'onde entre les roseaux,

Si l'aube tout à coup là-bas luit comme un phare,
Sa clarté dans les champs éveille une fanfare

De cloches et d'oiseaux.

Enfant, vous êtes l'aube et mon âme est la plaine
Qui des plus douces fleurs embaume son haleine
Quand vous la respirez;

Mon âme est la forêt dont les sombres ramures
S'emplissent pour vous seul de suaves murmures
Et de rayons dorés.

Car vos beaux yeux sont pleins de douceurs infinies,
Car vos petites mains, joyeuses et bénies,

N'ont point mal fait encor;

Jamais vos jeunes pas n'ont touché notre fange,
Tête sacrée ! enfant aux cheveux blonds! bel ange
A l'auréole d'or !

Vous êtes parmi nous la colombe de l'arche.

Vos pieds tendres et purs n'ont point l'âge où l'on marche,
Vos ailes sont d'azur.

Sans le comprendre encor vous regardez le monde.
Double virginité! corps où rien n'est immonde,
Ame où rien n'est impur!

Il est si beau, l'enfant, avec son doux sourire,
Sa douce bonne foi, sa voix qui veut tout dire,
Ses pleurs vite apaisés,

Laissant errer sa vue étonnée et ravie,

Offrant de toutes parts sa jeune âme à la vie
Et sa bouche aux baisers.

Seigneur! préservez-moi, préservez ceux que j'aime,
Frères, parents, amis, et mes ennemis même
Dans le mal triomphants,

De jamais voir, Seigneur, l'été sans fleurs vermeilles,
La cage sans oiseaux, la ruche sans abeilles,

La maison sans enfants.

DANS L'ALCOVE SOMBRE

Beau, frais, souriant d'aise à cette vie amère.-SAINTE-BEUVF.

DANS l'alcôve sombre,

Près d'un humble autel,

L'enfant dort à l'ombre
Du lit maternel.

Tandis qu'il repose,
Sa paupière rose,
Pour la terre close,
S'ouvre pour le ciel.

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