"On a pavé la route âpre et mal aplanie, Où, dans le sable pur se dessinant si bien, Et de sa petitesse étalant l'ironie, Son pied charmant semblait rire à côté du mien. "La borne du chemin, qui vit des jours sans nombre, 66 La forêt ici manque et là s'est agrandie... De tout ce qui fut nous presque rien n'est vivant : 'N'existons-nous donc plus? Avons-nous eu notre heure? Rien ne la rendra-t-il à nos cris superflus? L'air joue avec la branche au moment où je pleure ; "D'autres vont maintenant passer où nous passâmes. "Car personne ici-bas ne termine et n'achève; Oui, d'autres à leur tour viendront, couples sans tache, Puiser dans cet asile heureux, calme, enchanté, Tout ce que la nature à l'amour qui se cache "D'autres auront nos champs, nos sentiers, nos retraites. Ton bois, ma bien-aimée, est à des inconnus. D'autres femmes viendront, baigneuses indiscrètes, "Quoi donc! c'est vainement qu'ici nous nous aimâmes ! Rien ne nous restera de ces coteaux fleuris Où nous fondions notre être en y mêlant nos flammes ! L'impassible nature a déjà tout repris. "Oh! dites-moi, ravins, frais ruisseaux, treilles mûres, "Nous vous comprenions tant! doux, attentifs, austères, "Répondez, vallon pur, répondez, solitude, O nature abritée en ce désert si beau, Lorsque nous dormirons tous deux dans l'attitude "Est-ce que vous serez à ce point insensible Et de toujours sourire et de chanter toujours ? "Est-ce que, nous sentant errer dans vos retraites, Est-ce que vous pourrez, sans tristesse et sans plainte, Voir nos ombres flotter où marchèrent nos pas, Et la voir m'entraîner, dans une morne étreinte, "Et s'il est quelque part, dans l'ombre où rien ne veille, Deux amants sous vos fleurs abritant leurs transports, Ne leur irez-vous pas murmurer à l'oreille : - Vous qui vivez, donnez une pensée aux morts? "Dieu nous prête un moment les prés et les fontaines, Les grands bois frissonnants, les rocs profonds et sourds, Et les cieux azurés et les lacs et les plaines, Pour y mettre nos cœurs, nos rêves, nos amours; "Puis il nous les retire. Il souffle notre flamme. Il plonge dans la nuit l'antre où nous rayonnons, Et dit à la vallée, où s'imprima notre âme, D'effacer notre trace et d'oublier nos noms. Eh bien oubliez-nous, maison, jardin, ombrages; Herbe, use notre seuil! ronce, cache nos pas! Chantez, oiseaux! ruisseaux, coulez ! croissez, feuillages! Ceux que vous oubliez ne vous oublieront pas. 66 'Car vous êtes pour nous l'ombre de l'amour même, Vous êtes l'oasis qu'on rencontre en chemin ! Vous êtes, ô vallon, la retraite suprême Où nous avons pleuré nous tenant par la main ! "Toutes les passions s'éloignent avec l'âge, L'une emportant son masque et l'autre son couteau, "Mais toi, rien ne t'efface, Amour! toi qui nous charmes ! "Dans ces jours où la tête au poids des ans s'incline, "Quand notre âme en rêvant descend dans nos entrailles. "Comme quelqu'un qui cherche en tenant une lampe, 66 'Et là, dans cette nuit qu'aucun rayon n'étoile, A QUOI BON ENTENDRE A QUOI bon entendre Les oiseaux des bois? L'oiseau le plus tendre Que Dieu montre ou voile Les astres des cieux ! La plus pure étoile Brille dans tes yeux. Qu'avril renouvelle Cet oiseau de flamme, S'appelle l'amour. S1 CHANSON vous n'avez rien à me dire, Pourquoi venir auprès de moi? Pourquoi me faire ce sourire Qui tournerait la tête au roi ? Si vous n'avez rien à me dire, Pourquoi venir auprès de moi ? Si vous n'avez rien à m'apprendre, Si vous voulez que je m'en aille, |