MIEUX que l'aigle chasseur, familier de la nue,
Homme! monte par bonds dans l'air resplendissant. La vieille terre, en bas, se tait et diminue.
Monte. Le clair abîme ouvre à ton vol puissant Les houles de l'azur que le soleil flagelle. Dans la brume, le globe, en bas, va s'enfonçant. Monte. La flamme tremble et pâlit, le ciel gèle, Un crépuscule morne étreint l'immensité. Monte, monte et perds-toi dans la nuit éternelle: Un gouffre calme, noir, informe, illimité, L'évanouissement total de la matière Avec l'inénarrable et pleine cécité.
Esprit! monte à ton tour vers l'unique lumière, Laisse mourir en bas tous les anciens flambeaux, Monte où la Source en feu brûle et jaillit entière. De rêve en rêve, va! des meilleurs aux plus beaux. Pour gravir les degrés de l'Echelle infinie, Foule les dieux couchés dans leurs sacrés tombeaux.
L'intelligible cesse, et voici l'agonie,
Le mépris de soi-même, et l'ombre, et le remord, Et le renoncement furieux du génie.
Lumière, où donc es-tu?
OMME un morne exilé, loin de ceux que j'aimais,
Je m'éloigne à pas lents des beaux jours de ma vie,
Du pays enchanté qu'on ne revoit jamais.
Sur la haute colline où la route dévie Je m'arrête, et vois fuir à l'horizon dormant Ma dernière espérance, et pleure amèrement. O malheureux! crois-en ta muette détresse : Rien ne refleurira, ton cœur ni ta jeunesse, Au souvenir cruel de tes félicités. Tourne plutôt les yeux vers l'angoisse nouvelle, Et laisse retomber dans leur nuit éternelle L'amour et le bonheur que tu n'as point goûtés. Le temps n'a pas tenu ses promesses divines. Tes yeux ne verront point reverdir tes ruines; Livre leur cendre morte au souffle de l'oubli. Endors-toi sans tarder en ton repos suprême, Et souviens-toi, vivant dans l'ombre enseveli, Qu'il n'est plus dans ce monde un seul être qui t'aime.
La vie est ainsi faite, il nous la faut subir.
Le faible souffre et pleure, et l'insensé s'irrite; Mais le plus sage en rit, sachant qu'il doit mourir. Rentre au tombeau muet où l'homme enfin s’abrite, Et là, sans nul souci de la terre et du ciel, Repose, ô malheureux, pour le temps éternel!
ANS le ciel clair rayé par l'hirondelle alerte,
Le matin qui fleurit comme un divin rosier Parfume la feuillée étincelante et verte
Où les nids amoureux, palpitants, l'aile ouverte, A la cime des bois chantent à plein gosier Le matin qui fleurit comme un divin rosier Dans le ciel clair rayé par l'hirondelle alerte.
En grêles notes d'or, sur les graviers polis,
Les eaux vives, filtrant et pleuvant goutte à goutte, Caressent du baiser de leur léger roulis
La bruyère et le thym, les glaïeuls et les lys; Et le jeune chevreuil, que l'aube éveille, écoute Les eaux vives filtrant et pleuvant goutte à goutte En grêles notes d'or sur les graviers polis.
Le long des frais buissons où rit le vent sonore, Par le sentier qui fuit vers le lointain charmant Où la molle vapeur bleuit et s'évapore, Tous deux, sous la lumière humide de l'aurore, S'en vont entrelacés et passent lentement Par le sentier qui fuit vers le lointain charmant, Le long des frais buissons où rit le vent sonore.
La volupté d'aimer clôt à demi leurs yeux, Ils ne savent plus rien du vol de l'heure brève, Le charme et la beauté de la terre et des cieux Leur rendent éternel l'instant délicieux, Et, dans l'enchantement de ce rêve d'un rêve, Ils ne savent plus rien du vol de l'heure brève, La volupté d'aimer clôt à demi leurs yeux.
Dans le ciel clair rayé par l'hirondelle alerte L'aube fleurit toujours comme un divin rosier; Mais eux, sous la feuillée étincelante et verte, N'entendront plus, un jour, les doux nids, l'aile ouverte, Jusqu'au fond de leur cœur chanter à plein gosier
Le matin qui fleurit comme un divin rosier
Dans le ciel clair rayé par l'hirondelle alerte.
PAR la chaîne d'or des étoiles vives
La Lampe du ciel pend du sombre azur Sur l'immense mer, les monts et les rives. Dans la molle paix de l'air tiède et pur Bercée au soupir des houles pensives, La Lampe du ciel pend du sombre azur Par la chaîne d'or des étoiles vives.
Elle baigne, emplit l'horizon sans fin De l'enchantement de sa clarté calme; Elle argente l'ombre au fond du ravin, Et, perlant les nids, posés sur la palme, Qui dorment, légers, leur sommeil divin, De l'enchantement de sa clarté calme Elle baigne, emplit l'horizon sans fin.
Dans le doux abîme, ô Lune, où tu plonges, Es-tu le soleil des morts bienheureux, Le blanc paradis où s'en vont leurs songes?
O monde muet, épanchant sur eux
De beaux rêves faits de meilleurs mensonges, Es-tu le soleil des morts bienheureux,
Dans le doux abîme, ô Lune, où tu plonges?
Toujours, à jamais, éternellement,
Oubli des heures amères ! Que n'absorbez-vous le désir qui ment,
Haine, amour, pensée, angoisse et chimères? Que n'apaisez-vous l'antique tourment, Nuit! Silence! Oubli des heures amères ! Toujours, à jamais, éternellement ?
Par la chaîne d'or des étoiles vives,
O Lampe du ciel, qui pends de l'azur,
Tombe, plonge aussi dans la mer sans rives! Fais un gouffre noir de l'air tiède et pur Au dernier soupir des houles pensives, O Lampe du ciel, qui pends de l'azur Par la chaîne d'or des étoiles vives!
SI l'Aurore, toujours, de ses perles arrose Cannes, gérofliers et maïs onduleux;
Si le vent de la mer, qui monte aux pitons bleus, Fait les bambous géants bruire dans l'air rose; Hors du nid frais blotti parmi les vétivers Si la plume écarlate allume les feuillages; Si l'on entend frémir les abeilles sauvages Sur les cloches de pourpre et les calices verts; Si le roucoulement des blondes tourterelles Et les trilles aigus du cardinal siffleur S'unissent çà et là sur la montagne en fleur Au bruit de l'eau qui va mouvant les herbes grêles; Avec ses bardeaux roux jaspés de mousses d'or Et sa varangue basse aux stores de Manille, A l'ombre des manguiers où grimpe la vanille Si la maison du cher aïeul repose encor;
O doux oiseaux bercés sur l'aigrette des cannes, O lumière, ô jeunesse, arome de nos bois, Noirs ravins, qui, le long de vos âpres parois, Exhalez au soleil vos brumes diaphanes!
Salut! Je vous salue, ô montagnes, ô cieux, Du paradis perdu visions infinies,
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