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Reposons-nous !

Le repos est si doux:

Que la peine sommeille
Jusqu'à l'aube vermeille!

Dans le sillon, la charrue, au repos,
Attend l'aurore et la terre mouillée;
Bergers, comptez et parquez les troupeaux,
L'oiseau s'endort dans l'épaisse feuillée.
Gaules en main, bergères, aux doux yeux,
A l'eau des gués mènent leurs bêtes boire;
Les laboureurs vont délier les bœufs,
Et les chevaux soufflent dans la mangeoire.
Reposons-nous! etc.

Tous les fuseaux s'arrêtent dans les doigts,
La lampe brille, une blanche fumée

Dans l'air du soir monte de tous les toits;
C'est du repas l'annonce accoutumée.
Les ouvriers, si las, quand vient la nuit,
Peuvent partir; enfin, la cloche sonne,
Ils vont gagner leur modeste réduit,
Où, sur le feu, la marmite bouillonne.
Reposons-nous! etc.

La ménagère et les enfants sont là,
Du chef de l'âtre attendant la présence:
Dès qu'il paraît, un grand cri : Le voilà!"
S'élève au ciel, comme en réjouissance;
De bons baisers, la soupe, un doigt de vin,
Rendent la joie à sa figure blême;

Il peut dormir, ses enfants ont du pain,
Et n'a-t-il pas une femme qui l'aime?
Reposons-nous! etc.

Tous les foyers s'éteignent lentement ;
Dans le lointain, une usine, qui fume,
Pousse de terre un sourd mugissement;
Les lourds marteaux expirent sur l'enclume.
Ah! détournons nos âmes du vain bruit,
Et nos regards du faux éclat des villes :
Endormons-nous sous l'aile de la nuit
Qui mène en rond ses étoiles tranquilles !
Reposons-nous! etc.

ANDRÉ LEMOYNE

CHANSON MARINE

NOUS revenions d'un long voyage,

Las de la mer et las du ciel.

Le banc d'azur du cap Fréhel
Fut salué par l'équipage.

Bientôt nous vîmes s'élargir

Les blanches courbes de nos grèves;
Puis, au cher pays de nos rêves,
L'aiguille des clochers surgir.

Le son d'or des cloches normandes
Jusqu'à nous s'égrenait dans l'air;
Nous arrivions par un temps clair,
Marchant à voiles toutes grandes.

De loin nous fûmes reconnus
Par un vol de mouettes blanches,
Oiseaux de Granville et d'Avranches,
Pour nous revoir exprès venus.

Ils nous disaient: "L'Orne et la Vire
Savent déjà votre retour,

QUAND

Et c'est avant la fin du jour
Que doit mouiller votre navire.
"Vous n'avez pas compté les pleurs
Des vieux pères qui vous attendent.
Les hirondelles vous demandent,
Et tous vos pommiers sont en fleurs.

"Nous connaissons de belles filles,
Aux coiffes en moulin à vent,
Qui de vous ont parlé souvent,
Au feu du soir dans vos familles.

"Et nous en avons pris congé
Pour vous rejoindre à tire-d'ailes,
Vous avez trop vécu loin d'elles,
Mais pas un seul cœur n'a changé.”

UN FLEUVE A LA MER

UAND un grand fleuve a fait trois ou quatre cents lieues

Et longtemps promené ses eaux vertes ou bleues
Sous le ciel refroidi de l'ancien continent,
C'est un voyageur las, qui va d'un flot traînant.

Il n'a pas vu la mer, mais il l'a pressentie.

Par de lointains reflux sa marche est ralentie.

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Le désert, le silence accompagnent ses bords.
Adieu les arbres verts. Les tristes fleurs des landes,
Bouquets de romarins et touffes de lavandes,
Lui versent les parfums qu'on répand sur les morts.

Le seul oiseau qui plane au fond du paysage,
C'est le goëland gris, c'est l'éternel présage
Apparaissant le soir qu'un fleuve doit mourir,
Quand le grand inconnu devant lui va s'ouvrir.

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La rosée, à la fleur
Défleurie

Rend sa vive couleur ;

Mais j'aime mieux un pleur
De ma mie.

Le temps vient tout briser.
On l'oublie :

Moi, pour le mépriser,
Je ne veux qu'un baiser
De ma mie.

La rose sur le lin

Meurt flétrie;

J'aime mieux pour coussin

Les lèvres et le sein

De ma mie.

On change tour à tour
De folie :

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JEUN

Blond comme un soleil d'Italie,
Garde bien ta belle folie.

C'est la sagesse! Aimer le vin,
La beauté, le printemps divin,
Cela suffit. Le reste est vain.
Souris, même au destin sévère !
Et quand revient la primevère,
Jettes-en les fleurs dans ton verre.
Au corps sous la tombe enfermé
Que reste-t-il? D'avoir aimé

Pendant deux ou trois mois de mai.

"Cherchez les effets et les causes," Nous disent les rêveurs moroses. Des mots! des mots! cueillons les roses.

BALLADE DES PENDUS

Sur ses larges bras étendus,
La forêt où s'éveille Flore,

A des chapelets de pendus
Que le matin caresse et dore.
Ce bois sombre, où le chêne arbore

Des grappes de fruits inouïs

Même chez le Turc et le More,

C'est le verger du roi Louis.

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