Panthéiste, athée, ou chrétien, Tu connais leurs luttes obscures; C'est mon martyre, et c'est le tien, De vivre avec ces deux murmures.
L'intelligence dit au cœur :
"Le monde n'a pas un bon père, Vois, le mal est partout vainqueur." Le cœur dit: "Je crois et j'espère; Espère, ô ma sœur, crois un peu, C'est à force d'aimer qu'on trouve; Je suis immortel, je sens Dieu." - L'intelligence lui dit: "Prouve."
BLEUS ou noirs, tous aimés, tous beaux,
Des yeux sans nombre ont vu l'aurore; Ils dorment au fond des tombeaux
Et le soleil se lève encore.
Les nuits, plus douces que les jours, Ont enchanté des yeux sans nombre; Les étoiles brillent toujours Et les yeux se sont remplis d'ombre.
Oh! qu'ils aient perdu le regard, Non, non, cela n'est pas possible! Ils se sont tournés quelque part Vers ce qu'on nomme l'invisible;
Et comme les astres penchants Nous quittent, mais au ciel demeurent, Les prunelles ont leurs couchants, Mais il n'est pas vrai qu'ils meurent :
Bleus ou noirs, tous aimés, tous beaux, Ouverts à quelque immense aurore, De l'autre côté des tombeaux
Les yeux qu'on ferme voient encore.
LA lune est grande, le ciel clair
Et plein d'astres, la terre est blême,
Et l'âme du monde est dans l'air. Je rêve à l'étoile suprême, A celle qu'on n'aperçoit pas, Mais dont la lumière voyage Et doit venir jusqu'ici-bas Enchanter les yeux d'un autre âge.
Quand luira cette étoile, un jour, La plus belle et la plus lointaine, Dites-lui qu'elle eut mon amour, O derniers de la race humaine!
E ne devais pas vous le dire;
forts que la vertu,
Mouillant mon douloureux sourire,
Sont allés sur vos mains écrire L'aveu brûlant que j'avais tu.
Danser, babiller, rire ensemble, Ces jeux ne nous sont plus permis: Vous rougissez, et moi je tremble, Je ne sais ce qui nous rassemble, Mais nous ne sommes plus amis.
Disposez de nous, voici l'heure Où je ne puis vous parler bas Sans que l'amitié change ou meure: Oh! dites-moi qu'elle demeure,
Je sens qu'elle ne suffit pas.
Si le langage involontaire De mes larmes vous a déplu, Eh bien, suivons chacun sur terre Notre sentier; moi, solitaire, Vous, heureuse, au bras de l'élu.
Je voyais nos deux cœurs éclore Comme un couple d'oiseaux chantants; Éveillés par la même aurore,
Ils n'ont pas pris leur vol encore, Séparons-les, il en est temps;
Séparons-les à leur naissance, De crainte qu'un jour à venir, Malheureux d'une longue absence, Ils n'aillent dans le vide immense Se chercher sans pouvoir s'unir.
UI peut dire: mes yeux ont oublié l'aurore?
Qui peut dire : c'est fait de mon premier amour?
Quel vieillard le dira si son cœur bat encore,
S'il entend, s'il respire et voit encor le jour ?
Est-ce qu'au fond des yeux ne reste pas l'empreinte Des premiers traits chéris qui les ont fait pleurer ? Est ce qu'au fond du cœur n'ont pas dû demeurer La marque et la chaleur de la première étreinte ?
Quand aux feux du soleil a succédé la nuit, Toujours au même endroit du vaste et sombre voile Une invisible main fixe la même étoile
Qui se lève sur nous silencieuse et luit . . .
Telles, je sens au cœur, quand tous les bruits du monde Me laissent triste et seul après m'avoir lassé, La présence éternelle et la douceur profonde De mon premier amour que j'avais cru passé.
E grand soleil, plongé dans un royal ennui,
Brûle au désert des cieux. Sous les traits qu'en silence
Il disperse et rappelle incessamment à lui,
Le chœur grave et lointain des sphères se balance.
Suspendu dans l'abîme il n'est ni haut ni bas; Il ne prend d'aucun feu le feu qu'il communique; Son regard ne s'élève et ne s'abaisse pas; Mais l'univers se dore à sa jeunesse antique. Flamboyant, invisible à force de splendeur, Il est père des blés, qui sont pères des races, Mais il ne peuple pas son immense rondeur D'un troupeau de mortels turbulents et voraces. Parmi les globes noirs qu'il empourpre et conduit Aux blêmes profondeurs que l'air léger fait bleues, La terre lui soumet la courbe qu'elle suit,
Et cherche sa caresse à d'innombrables lieues.
Sur son axe qui vibre et tourne, elle offre au jour Son épaisseur énorme et sa face vivante, Et les champs et les mers y viennent tour à tour Se teindre d'une aurore éternelle et mouvante.
Mais les hommes épars n'ont que des pas bornés, Avec le sol natal ils émergent ou plongent: Quand les uns du sommeil sortent illuminés, Les autres dans la nuit s'enfoncent et s'allongent.
Ah! les fils de l'Hellade, avec des yeux nouveaux Admirant cette gloire à l'Orient éclose,
Criaient Salut au dieu dont les quatre chevaux Frappent d'un pied d'argent le ciel solide et rose!
Nous autres nous crions: Salut à l'Infini!
Au grand Tout, à la fois idole, temple et prêtre, Qui tient fatalement l'homme à la terre uni, Et la terre au soleil, et chaque être à chaque être;
Il est tombé pour nous le rideau merveilleux Où du vrai monde erraient les fausses apparences, La science a vaincu l'imposture des yeux, L'homme a répudié les vaines espérances;
Le ciel a fait l'aveu de son mensonge ancien, Et depuis qu'on a mis ses piliers à l'épreuve, 11 apparaît plus stable affranchi de soutien, Et l'univers entier vêt une beauté neuve.
veux toi-même ouvrir ta tombe:
Tu dis que sous ta lourde croix Ton énergie enfin succombe; Tu souffres beaucoup, je te crois.
Le souci des choses divines Que jamais tes yeux ne verront, Tresse d'invisibles épines Et les enfonce dans ton front.
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