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Te souvient-il de notre extase ancienne?

Pourquoi voulez-vous donc qu'il m'en souvienne?

- Ton cœur bat-il toujours à mon seul nom? Toujours vois-tu mon âme en rêve? - Non.

Ah! les beaux jours de bonheur indicible
Où nous joignions nos bouches! — C'est possible.

- Qu'il était bleu, le ciel, et grand l'espoir !
— L'espoir a fui, vaincu, vers le ciel noir.

Tels ils marchaient dans les avoines folles,
Et la nuit seule entendit leurs paroles.

LA BONNE CHANSON

PUISQUE l'aube grandit, puisque voici l'aurore, Puisque, après m'avoir fui longtemps, l'espoir veut bien

Revoler devers moi qui l'appelle et l'implore,
Puisque tout ce bonheur veut bien être le mien,

C'en est fait à présent des funestes pensées,
C'en est fait des mauvais rêves, ah! c'en est fait
Surtout de l'ironie et des lèvres pincées
Et des mots où l'esprit sans l'âme triomphait.
Arrière aussi les poings crispés et la colère
A propos des méchants et des sots rencontrés;
Arrière la rancune abominable! arrière

L'oubli qu'on cherche en des breuvages exécrés!
Car je veux, maintenant qu'un Être de lumière
A dans ma nuit profonde émis cette clarté
D'une amour à la fois immortelle et première,
De par la grâce, le sourire et la bonté,

Je veux, guidé par vous, beaux yeux aux flammes douces, Par toi conduit, ô main où tremblera ma main,

Marcher droit, que ce soit par des sentiers de mousses
Ou que rocs et cailloux encombrent le chemin;

Oui, je veux marcher droit et calme dans la Vie,
Vers le but où le sort dirigera mes pas,

Sans violence, sans remords et sans envie:
Ce sera le devoir heureux aux gais combats.
Et comme, pour bercer les lenteurs de la route,
Je chanterai des airs ingénus, je me dis
Qu'elle m'écoutera sans déplaisir sans doute;
Et vraiment je ne veux pas d'autre Paradis.

La lune blanche

Luit dans les bois;
De chaque branche
Part une voix
Sous la ramée...

O bien-aimée.

L'étang reflète,
Profond miroir,
La silhouette

Du saule noir

Où le vent pleure...
Rêvons, c'est l'heure.

Un vaste et tendre

A paisement

Semble descendre

Du firmament

Que l'astre irise...

C'est l'heure exquise,

ROMANCES SANS PAROLES

L pleure dans mon cœur

IL

Comme il pleut sur la ville,
Quelle est cette langueur
Qui pénètre mon cœur?

O bruit doux de la pluie
Par terre et sur les toits!
Pour un cœur qui s'ennuie
O le chant de la pluie !
Il pleure sans raison

Dans ce cœur qui s'écœure.
Quoi! nulle trahison ?

Ce deuil est sans raison.

C'est bien la pire peine
De ne savoir pourquoi,
Sans amour et sans haine,

Mon cœur a tant de peine.

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Il faut, voyez-vous, nous pardonner les choses.

De cette façon nous serons bien heureuses,

Et si notre vie a des instants moroses,

Du moins nous serons, n'est-ce pas ? deux pleureuses.

O que nous mêlions, âmes sœurs que nous sommes,

A nos vœux confus la douceur puérile

De cheminer loin des femmes et des hommes,
Dans le frais oubli de ce qui nous exile.

Soyons deux enfants, soyons deux jeunes filles
Éprises de rien et de tout étonnées,

Qui s'en vont pâlir sous les chastes charmilles
Sans même savoir qu'elles sont pardonnées.

Dans l'interminable
Ennui de la plaine,
La neige incertaine
Luit comme du sable.

Le ciel est de cuivre,
Sans lueur aucune.
On croirait voir vivre
Et mourir la lune.

Comme des nuées
Flottent gris les chênes
Des forêts prochaines
Parmi les buées.

Le ciel est de cuivre,
Sans lueur aucune.

On croirait voir vivre

Et mourir la lune.

Corneille poussive

Et vous, les loups maigres,

Par ces bises aigres

Quoi donc vous arrive?

Dans l'interminable

Ennui de la plaine,

La neige incertaine

Luit comme du sable.

SAGESSE

ÉCOUTEZ la chanson bien douce

Qui ne pleure que pour vous plaire.

Elle est discrète, elle est légère :

Un frisson d'eau sur de la mousse!

La voix vous fut connue (et chère ?) Mais à présent elle est voilée Comme une veuve désolée,

Pourtant comme elle encore fière,

Et dans les longs plis de son voile
Qui palpite aux brises d'automne
Cache et montre au cœur qui s'étonne
La vérité comme une étoile.

Elle dit, la voix reconnue,
Que la bonté c'est notre vie,
Que de la haine et de l'envie
Rien ne reste, la mort venue.

Elle parle aussi de la gloire
D'être simple sans plus attendre,
Et de noces d'or et du tendre
Bonheur d'une paix sans victoire.

Accueillez la voix qui persiste
Dans son naïf épithalame.

Allez, rien n'est meilleur à l'âme
Que de faire une âme moins triste!

Elle est "en peine" et "de passage,"
L'âme qui souffre sans colère,
Et comme sa morale est claire !
Écoutez la chanson bien sage.

Un grand sommeil noir
Tombe sur ma vie :
Dormez, tout espoir,

Dormez, toute envie !

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