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Et les fleurs des genêts nous font un diadème;
Et, par l'écartement des branches, haut dans l'air,
Paraît comme un point noir l'alouette au chant clair
Qui, de l'azur, bénit le coin d'ombre où l'on aime!

Ah! de ces jours lointains, si lointains et si doux!
De ces jours dont un seul vaut une vie entière,

Et de la blonde enfant qui dort au cimetière, Genêts de mon pays, vous en souvenez-vous?

PAUL DÉROULÈDE

LE BON GÎTE

BONNE vieille, que fais-tu là?

Il fait assez chaud sans cela;
Tu peux laisser tomber la flamme.
Ménage ton bois, pauvre femme,
Je suis séché, je n'ai plus froid.

Mais elle, qui ne veut m'entendre,
Jette un fagot, range la cendre:

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'Chauffe-toi, soldat, chauffe-toi!"

Bonne vieille, je n'ai pas faim.
Garde ton jambon et ton vin;
J'ai mangé la soupe à l'étape.
Veux-tu bien m'ôter cette nappe!
C'est trop bon et trop beau pour moi.

Mais elle, qui n'en veut rien faire,
Taille mon pain, remplit mon verre:

"Refais-toi, soldat, refais-toi!"

Bonne vieille, pour qui ces draps?
Par ma foi, tu n'y penses pas !
Et ton étable? Et cette paille
Où l'on fait son lit à sa taille?
Je dormirai là comme un roi.

Mais elle qui n'en veut démordre,
Place les draps, met tout en ordre :

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'Couche-toi, soldat, couche-toi !"

Le jour vient, le départ aussi.— Allons! adieu . . . Mais qu'est ceci ? Mon sac est plus lourd que la veille. . . . Ah! bonne hôtesse, ah! chère vieille, Pourquoi tant me gâter, pourquoi ?

Et la bonne vieille de dire,
Moitié larme, moitié sourire :

"J'ai mon gars soldat comme toi!"

GEORGES BOUTELLEAU

LE COLIBRI

'AI vu passer aux pays froids

J'AL

L'oiseau des îles merveilleuses,

Il allait frôlant les yeuses

Et les sapins mornes des bois.

Je lui dis: "Tes plages sont belles,
Ne pleures-tu pas leur soleil ?"
Il répondit: "Tout m'est vermeil:
Je porte mon ciel sur mes ailes!"

DEUX

LES DEUX OMBRES

EUX ombres cheminaient dans une étroite allée, Sous le pâle couchant d'un jour mourant d'été: L'une avait sur la lèvre un sourire enchanté; L'autre était languissante et de crêpes voilée.

Elles allaient sans but, distraites du chemin,
Cherchant la solitude et son divin mystère ;
Fiancés éternels aussi vieux que la terre :
La Douleur et l'Amour qui se donnaient la main.

LOUIS TIERCELIN

LE PETIT ENFANT

IL jouait, le petit enfant

Aux blanches mains, aux lèvres roses; Ignorant nos soucis moroses,

Il jouait, le petit enfant.

Joyeux, candide et triomphant,

Sur le tapis couvert de roses,

Il jouait, le petit enfant

Aux blanches mains, aux lèvres roses.

Il dormait, le petit enfant,

Dans son berceau de mousseline.
Fleur fatiguée et qui s'incline,
Il dormait, le petit enfant.
Et la mère, en le réchauffant,
Le berçait d'une voix câline,
Il dormait, le petit enfant,
Dans son berceau de mousseline.

Il vivait, le petit enfant,
Heureux et rose à faire envie,
Front radieux, âme ravie,
Il vivait, le petit enfant.
Le père faisait pour sa vie

De beaux rêves que Dieu défend.
Il vivait, le petit enfant,

Heureux et rose à faire envie.

Il est mort, le petit enfant ;
Il s'est envolé vers les Anges.
Avec des sourires étranges,
Il est mort, le petit enfant.
Il est mort, et le cœur se fend
Devant ce linceul fait de langes.
Il est mort, le petit enfant;
Il s'est envolé vers les Anges.

GUY DE MAUPASSANT

DÉCOUVERTE

'ÉTAIS enfant. J'aimais les grands combats,

J'ÉTA

Les chevaliers et leur pesante armure,

Et tous les preux qui tombèrent là-bas
Pour racheter la Sainte Sépulture.

L'Anglais Richard faisait battre mon cœur;
Et je l'aimais, quand après ses conquêtes
Il revenait, et que son bras vainqueur
Avait coupé tout un collier de têtes.

D'une Beauté je prenais les couleurs.
Une baguette était mon cimeterre ;
Puis je partais à la guerre des fleurs
Et des bourgeons dont je jonchais la terre.

Je possédais au vent libre des cieux

Un banc de mousse où s'élevait mon trône. Je méprisais les rois ambitieux,

De rameaux verts j'avais fait ma couronne.

J'étais heureux et ravi. Mais un jour
Je vis venir une jeune compagne.

J'offris mon cœur, mon royaume et ma cour,
Et les châteaux que j'avais en Espagne.

Elle s'assit sous les marronniers verts;
Or, je crus voir, tant je la trouvais belle,
Dans ses yeux bleus comme un autre univers,
Et je restai tout songeur auprès d'elle.

Pourquoi laisser mon rêve et ma gaîté
En regardant cette fillette blonde?
Pourquoi Colomb fut-il si tourmenté
Quand, dans la brume, il entrevit un monde ?

L'OISELEUR

L'OISELEUR Amour se promène

Lorsque les coteaux sont fleuris,
Fouillant les buissons et la plaine,
Et, chaque soir, sa cage est pleine
Des petits oiseaux qu'il a pris.

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