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casion. Il était impossible que les individus qui avaient gouverné en souverains, dont la vanité égalait l'ignorance, pussent vivre tranquilles et soumis aux ordres de la métropole : la première condition pour la sûreté de SaintDomingue était donc d'en éloigner 150 à 200 de leurs chefs. En agissant ainsi, on ne violait aucun principe moral, puisque tous les généraux et officiers sont tenus de servir dans toutes les parties de l'état où on veut les employer. Puisque tous ces chefs noirs avaient eu des correspondances avec la Jamaïque, avec les croiseurs anglais, c'était donc tout-à-la-fois priver toute la population de ses chefs militaires, et couper tous canaux avec l'étranger. Enfin il eût été plus convenable que Toussaint fût venu en France comme général de division que d'y venir comme un criminel, contre lequel la métropole avait à venger, outre les anciennes félonies pardonnées, des crimes nouveaux. Le décret du 28 floréal 1801, qui ordonnait que l'esclavage des noirs serait maintenu à la Martinique et à l'Ile-de-France, comme la liberté des noirs serait maintenue pour Saint-Domingue, la Guadeloupe et Cayenne, était juste, politique, nécessaire. Il fallait assurer la tranquillité de la Martinique, qui venait d'être rendue par les Anglais. La loi générale de la république-était

la liberté des noirs: si on ne l'eût pas rappor→ tée pour cette colonie et pour l'Ile-de-France, les noirs de ces colonies l'eussent relevée ; le contre-coup eût été bien plus fâcheux sur les noirs de Saint-Domingue. Si le gouvernement n'eût rien dit, et que les noirs fussent restés esclaves à la Martinique, ils se fussent demandé comment, malgré la loi, les hommes de leur couleur de la Martinique étaient esclaves ; il fallut donc que le gouvernement dît: Les noirs seront esclaves à la Martinique, aux Iles-de-France et de Bourbon, et ils seront libres à Saint-Domingue, à la Guadeloupe et à Cayenne ; et qu'il proclamât le status quo comme principe.

On ne suppose pas qu'il y eût des hommes assez insensés après l'expérience de ce qui s'est passé, qui voulussent que le premier consul donnât ex abrupto la liberté des noirs à la Martinique, à l'Ile-de-France et à l'Ile-Bourbon ; il fût arrivé que ces deux dernières îles se fussent soulevées, et eussent continué leur état de séparation avec la métropole; et la colonie de la Martinique qui venait d'être restituée par les Anglais tranquille et prospérante, eût péri. Bien des milliers de Français blancs fussent devenus la proie de la féroce population afri caine. Quant à la continuation de la traite des Nègres, cela ne put pas affecter les noirs de

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Saint-Domingue qui la désiraient pour se recruter et s'augmenter en nombre; ils l'avaient encouragée pour leur propre compte.

La question sur la liberté des noirs est une question fort compliquée et fort difficile. En Afrique et en Asie, elle a été résolue, mais elle l'a été par la polygamie. Les blancs et les noirs font partie d'une même famille. Le chef de famille ayant des femmes blanches, noires, et de couleur, les enfans blancs et mulâtres sont frères, sont élevés dans le même berceau, ont le même nom et la même table. Serait-il donc impossible d'autoriser la polygamie dans nos îles en restreignant le nombre de femmes à deux, une blanche et une noire. Le premier consul avait eu quelques entretiens avec des théologiens pour préparer cette grande mesure. Les patriarches avaient plusieurs femmes dans les premiers siècles de la chrétienté. L'Eglise permit et toléra une espèce de concubinage dont l'effet donne à un homme plusieurs femmes. Le pape, le concile ont l'autorité et le moyen d'autoriser une pareille institution, puisque son but est la conciliation, l'harmonie de la société, et non d'étendre les jouissances de la chair. L'effet de ces mariages serait borné aux colonies; on prendrait les mesures convenables pour qu'ils ne portassent pas le désordre dans l'état présent de notre société.

Au fait, le décret de mai relativement aux noirs n'a été qu'un prétexte. Ils se sont insurgés par l'effet des menées de l'Angleterre en mai, par cette cruelle maladie qui moissonna l'élite de nos troupes. Ce fut alors que le capitaine-général se repentit d'avoir été trop indulgent de ne pas avoir, dans la première semaine de mai, exécuté les ordres du premier consul: tout se fût passé bien différemment, s'il eût débarrassé alors la colonie de 150, à 200 chefs de noirs. En politique, comme à la guerre, le moment perdu ne revient plus.

NOTES

SUR L'OUVRAGE INTITULÉ:

MÉMOIRES

POUR SERVIR À L'HISTOIRE DE CHARLES XIV JEAN,

ROI DE SUÈDE.

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(Page 105.)

Bonaparte répondit que sa parole était déjà donnée au “prince royal de Danemarck, et à l'empereur de Russie.” Faux.

(Page 119.)

"Le 28 mai 1810, la mort imprévue du Prince d'Augusten. "bourg appela les états à disposer de nouveau de l'hérédité "au trône de Suède. La France était alors au plus haut de"gré de puissance: les états rassemblés à Oërébro, jugèrent "convenable de confier les destinées de la Suède à un prince français; ils appelèrent le maréchal Bernadotte, prince de "Ponté-Corvo, à succéder à Charles XIII."

Le roi de Suède demanda à Napoléon un prince français. On désirait le vice-roi; mais le changement de religion fut un obstacle sine quá non, Il ne restait plus que le prince de Ponté-Corvo, et il fut accordé après de longues Tome I.-Mélanges.

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