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"fondamentale d'un pacte social pour le maintien duquel "toutes les puissances devraient être àf amais solidaires."MM. Erskine, Fox et Sheridan, se distinguèrent dans "cette discussion mémorable: ils opposèrent à la doctrine "des gouvernemens de l'Europe moderne, les plus forts ar66 gumens que purent leur fournir les principes du droit natu"rel et du droit politique, l'esprit et la marche du siècle, les "exemples tirés de leur propre histoire, le changement de "systême en France, qu'ils trouvaient favorable au rétablisse"ment de la paix"...

1o Le ministre anglais a-t-il pu se refuser aux ouvertures que lui a faites le premier consul, en 1800, sans se rendre responsable des malheurs de la guerre? 2o Le refus était-il politique et conforme à l'intérêt de l'Angleterre ? 3o La guerre était-elle alors à désirer pour la France? 4° Quels étaient, dans cette circonstance, les intérêts de Napoléon ?

1° Pitt se refusa à entrer en négociation dans l'espérance que, en continuant la guerre, il obligerait la France à rappeler les princes de la maison de Bourbon, et à rétrocéder la Belgique à la maison d'Autriche. Si ces deux prétentions étaient légitimes et justes, il a pu, en justice, se refuser à la paix, mais si l'une et l'autre sont illégitimes et injustes, il a rendu son pays responsable de tous les malheurs de la guerre. Or la république avait été reconnue par toute l'Europe, l'Angleterre elle-même l'avait reconnue en chargeant, en 1796, lord Malmesbury de ses pouvoirs pour traiter avec le directoire. Ce plé

nipotentiaire s'était rendu successivement à Paris et à Lille, il avait négocié avec Charles Lacroix, Letourneur et Maret, ministres du directoire; d'ailleurs la guerre n'avait pas pour but le retour des Bourbons. Les provinces de la Belgique avaient été cédées par l'empereur d'Autriche au traité de Campo-Formio, en 1797; l'Angleterre avait reconnu leur réunion à la France par les négociations de lord Malmesbury à Lille. Elles faisaient légitimement partie de la république. Vouloir les en séparer, c'était vouloir usurper, déchirer, démembrer un état reconnu. Ces deux prétentions étaient injustes et illégitimes.

2o Cette politique du ministre Pitt était-elle bien conforme à l'intérêt de l'Angleterre? Pouvait-il raisonnablement se flatter d'obtenir la Belgique par le résultat de la continuation de la guerre ? N'eût-il pas été plus sage de donner la paix au monde, en s'assurant des avantages réels et très-considérables qu'il pouvait obtenir? Les rois de Sardaigne et de Naples, le grand-duc de Toscane, le pape, eussent été rétablis et consolidés sur leurs trônes; le Milanais eût été assuré à la maison d'Autriche; les troupes françaises eussent évacué la Hollande, la Suisse et Gênes; l'influence anglaise eût pu s'établir dans ces pays; l'Égypte eût été restituée au grand-seigneur; l'île de Malte, au grand

maître; Ceylan, le cap de Bonne-Espérance, eussent consolidé la puissance anglaise aux Deux-Indes. Quel magnifique résultat de la campagne de 1799! Ces avantages étaient certains, et les espérances auxquelles on les sacrifiait étaient-elles au moins probables? En 1799, la coalition avait été victorieuse en Italie, mais battue en Suisse, en Hollande et en Orient. La France venait de changer son gouvernement. A cinq personnes divisées et peu habiles, succédait un homme dont les connaissances et les talens militaires n'étaient pas douteux ; il avait été élevé par l'assentiment de la nation : à son nom seul, la Vendée s'était déjà soumise, les armées de la Russie étaient en marche pour repasser la Vistule; lord Grenville lui-même convenait que quand le premier consul voudrait céder la Belgique, le peuple français en masse s'y opposerait ainsi l'objet de la guerre était populaire en France. Les cours de Berlin, de Vienne et de Londres, se trompèrent en 1792 ; les circonstances étaient si nouvelles ! Mais, en 1800, les hommes d'état d'Angleterre étaient-ils excusables de tomber dans la même erreur. Il était donc probable que la campagne de 1800 serait favorable à la France, que cette puissance reprendrait l'Italie, et que si enfin, contre toute probabilité, le succès de la campagne était douteux, il ne remplirait pas du moins le but que

se proposait le ministère anglais ; il lui faudrait donc continuer, pendant plusieurs années, d'immenses subsides; car il ne pouvait espérer d'arracher la Belgique à la France que par la réunion de la Russie et de la Prusse, ou du moins d'une de ces deux puissances à la coalition. Or ce résultat politique ne pouvait pas être obtenu par la campagne de 1800. Il ne fallait donc pas courir les chances de cette campagne.

3o L'intérêt de la république était l'opposé de celui de l'Angleterre ; si elle eût fait la paix dans cette circonstance, elle l'eût faite après une campagne malheureuse, elle eût rétrogradé par l'effet d'une seule campagne, cela eût été un déshonneur et un encouragement aux puissances de se coaliser de nouveau contre elle. Toutes les chances de la campagne de 1800 lui étaient favorables: les armées russes quittaient le théâtre de la guerre; la Vendée pacifiée rendait disponible une nouvelle armée; les factions étaient comprimées dans l'intérieur, et la confiance était entière dans le chef de l'état. La république ne devait faire la paix qu'après avoir rétabli l'équilibre de l'Italie; elle ne pouvait, sans compromettre ses destins, signer une paix moins avantageuse que celle de Campo-Formio.

A cette époque la paix eût perdu la répu

blique, la guerre lui était nécessaire pour maintenir l'énergie et l'unité dans l'état, qui était mal organisé; le peuple eût exigé une grande réduction dans l'impôt et le licenciement d'une partie de l'armée; de sorte qu'après deux ans de paix, la France se fût présentée avec un grand désavantage sur le champ de bataille.

4o Napoléon avait alors besoin de guerre : les campagnes d'Italie, la paix de Campo-Formio, les campagnes d'Egypte, la journée du 18 brumaire, l'opinion unanime du peuple pour l'élever à la suprême magistrature, l'avaient sans doute placé bien haut; mais un traité de paix qui eût dérogé à celui de Campo-Formio, et eût annulé toutes ses créations d'Italie, eût .flétri les imaginations, et lui eût ôté ce qui lui était nécessaire pour terminer la révolution et établir un systême définitif et permanent; il le sentait; il attendait, avec impatience, la réponse du cabinet de Londres. Cette réponse le remplit d'une secrète satisfaction: plus les Grenville et les Chatham se complaisaient à outrager la révolution et à montrer ce mépris qui est l'apanage héréditaire de l'oligarchie, plus ils servaient les intérêts secrets de Napoléon, qui dit à son ministre : "Cette réponse ne pouvait

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