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et y introduisit le protestantisme; le traité de Wélan (1657) reconnut la Prusse comme État indépendant. Frédéric Ier (1701) prit le titre de roi, que ses successeurs appuyèrent par de bonnes armées. Le moment où Charles VI expira parut opportun à Frédéric II pour porter un coup mortel à la puissance autrichienne, alors qu'elle n'avait pour représentant qu'une jeune femme à la tête de ses régiments, il se précipita sur la Silésie. Ce fut une guerre désastreuse pour l'Allemagne et l'Italie, et qui se termina par la paix d'Aix-la-Chapelle (1748) 3. La France, maîtresse des Pays-Bas, renonça à ses conquêtes; Frédéric II garda les siennes ; et la Silésie resta dans ses mains.

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L'Angleterre, qui, pour maintenir l'équilibre, avait fourni des subsides à la Russie et à l'Autriche, eut ainsi la direction de la guerre, fut l'arbitre de la paix, et persuada au monde que son intervention était devenue une nécessité. Elle prit une haute opinion de ses forces, en évalua l'étendue, et constata que si la France lui était supérieure pour les forces de terre, elle ne pouvait marcher son égale en finance et en marine. Les grands États restèrent convaincus qu'ils pouvaient se nuire beaucoup, mais sans se détruire; et enfin que le droit de l'épée était la raison dernière de toutes choses.

Ce fut en s'autorisant de ce droit-là que Frédéric le Grand, prévenant ses ennemis, se précipita dans une nouvelle guerre 3

Il s'intitula d'abord roi en Prusse, et non roi de Prusse. (AM. R.) 2 Cette paix eut pour base la restitution des conquêtes faites tant en Europe que dans les Indes. La France fit obtenir à don Philippe d'Espagne les duchés de Parme, de Plaisance et de Guastalla. Les nouvelles acquisitions faites par le roi de Sardaigne du Vigevanasco, d'une partie du territoire de Pavie, du comté d'Angera, qu'il avait obtenu de MarieThérèse par le traité de Worms en 1743, lui furent confirmées. Le Tésin devint ainsi ligne frontière depuis le lac Majeur jusqu'au Pô. Le marquisat de Finale resta aux Génois, qui, de même que le duc de Modène, furent rétablis dans leurs anciens droits. (AM. R.)

3 Frédéric, il est vrai, engagea la lutte le premier; mais ce fut pour prévenir une ligue redoutable qui s'était formée contre lui. L'Angleterre convoitait de nouvelles conquêtes; l'Autriche n'avait pas acquiescé de bon creur à la perte de sa chère Silésie; un étrange revirement de poli

qui fut appelée la guerre de sept ans, et qui mit l'Europe en feu. Tout le système des alliances fut alors bouleversé, et la France, ennemie séculaire de l'Autriche, se trouva son alliée. Acharnée à la perte du héros prussien, cette dernière appela contré lui Saxons, Suédois, toute l'Allemagne, et même la barbare Russie. Frédéric résista à cet orage, et la paix de Paris (1763) rétablit l'Europe sur ses vieilles bases.

Sept années de carnage ne changèrent rien à son équilibre, si ce n'est que l'Angleterre, enrichie de nouvelles possessions au delà des mers, avait atteint son but constant, qui était d'abaisser la France. Celle-ci, avec ses ressources intérieures et ses grandes alliances, perdit le continent américain, et se vit réduite à signer une honteuse paix. La Prusse, qui semblait ne pouvoir échapper aux coups de l'Europe liguée contre elle, ne perdit pas un pouce de son territoire; et, grandie dans l'opinion du monde, elle prit rang parmi les puissances du premier ordre.

GRANDE-BRETAGNE.

ÉPOQUE GÉORGIENNE.

Le midi de l'Europe allait en déclinant à mesure que le nord grandissait, et l'Angleterre, placée à la tête de la politique de ce temps, dirigeait les négociations de paix, et fournissait des subsides pour les guerres; d'heureuses combinaisons lui avaient donné une constitution où s'harmonisaient, dans une action commune, les trois éléments qui ailleurs se font une guerre réciproque. Un roi, qui n'est ni absolu ni impuissant, y personnifia l'unité de l'État; l'aristocratie, ouvrière habile des li

tique avait eu lieu à Versailles : après avoir aidé à grands frais la Prusse à devenir le contre-poids de l'Autriche, la France, par une inconséquence inouïe, fit alliance avec Vienne, et promit son concours contre la Prusse. Frédéric vit l'orage fondre sur lui; la coalition allait éclater, il la prévint en se jetant sur la Saxe : c'était désarmer brusquement le plus proche de ses ennemis, et mettre à sa charge les premiers frais de la guerre. Frédéric, maître de Dresde (10 septembre 1756), y surprit les pièces originales de la trame formée contre lui. Il se hâta de les publier, avec un mémoire qu'il adressa à l'Europe. (AM. R.)

bertés publiques, communiqua au pays ce génie persévérant et cette application infatigable dans les desseins; les communes émancipées par la richesse, admises peu à peu dans le sénat national, avec la passion jalouse de leurs droits et l'intelligence de leurs intérêts, s'éprirent d'un amour orgueilleux pour un pays aux affaires duquel elles prenaient part. Les révolutions par lesquelles avait passé la Grande-Bretagne avaient perfectionné chez elle le gouvernement parlementaire, alors que nul autre pays ne le possédait encore. On aimait à contempler ce royaume, où la constitution et les lois étaient inébranlables, les fonctionnaires soumis au jugement de la publicité, les ministres responsables sous un chef inviolable, qui n'exerçait guère qu'une apparente direction.

La prépondérance de la Grande-Bretagne grandissait chaque jour en Europe avec le luxe, le goût des plaisirs et l'esprit mercantile, qui allaient sans cesse croissant. Les rois, qui dans leurs besoins toujours plus grands, s'adressaient jadis à la Hollande comme à une banque universelle, avaient désormais recours à l'Angleterre. Grâce à sa situation, n'ayant à redouter ni les attaques imprévues, ni des démêlés de frontières, elle jouissait d'une liberté assez tempérée pour ne pas devenir turbulente, assez vive pour donner l'impulsion au pays, et tenir l'Europe attentive à ces discussions d'où sortaient des idées de liberté et d'ordre inconnues ailleurs. Elle faisait par là l'admiration de tous les hommes d'État; sa constitution même lui faisait une loi de développer ses forces pour subsister, d'augmenter toujours la somme de sa richesse et de ses produits, et de leur procurer constamment un débouché de là une sorte d'héroïsme mercantile.

Les deux partis qui divisent l'Angleterre sont l'âme du pays, loin d'y porter le trouble : les whigs y sont les gardiens de la liberté, et les torys les représentants de l'ordre, les uns poussant au mouvement, et les autres le modérant. Lorsque la bonne reine Anne laissa le trône à George, électeur de Hanovre (1714), les deux partis semblèrent changer de rôle les whigs, croyant devoir soutenir la dynastie protestante, devinrent royalistes; les torys se firent opposants, pour combattre une dynastie élevée

par une révolution. Sous des rois ineptes ou vicieux grandirent les ministres, dont le plus célèbre fut Robert Walpole génie positif, sans estime pour les hommes, sans scrupule dans l'emploi des moyens, audacieux jusqu'à l'insolence, il prit pour but de toute sa politique l'affermissement de la maison de Hanovre; comme moyen, la paix de l'Europe et l'alliance française. Cette paix, qui seule pouvait consolider l'Angleterre, il la maintint malgré les penchants du roi, les clameurs du peuple, l'impatience française, l'astuce espagnole, l'ambition de l'Autriche, le génie grandissant de la Prusse. Pour conserver le pouvoir, prudent et téméraire tour à tour, il se laissa aller à des actes contradictoires. Rompu à tous les manéges, à tous les artifices, et pourtant énergique au besoin, il ne craignait pas de s'aboucher avec les agitateurs. Grossier de manières, dépravé dans ses mœurs, il était en outre très-peu lettré; mais il possédait un esprit pratique, et une connaissance profonde des hommes, de la cour, de la nation. Se détachant même de ses amis toutes les fois qu'ils pouvaient balancer son influence, ne voulant point de rivaux et préférant des ennemis, il fut le premier qui ait conservé pendant vingt ans la direction des affaires avec l'appui de la majorité dans les chambres. Il l'entraînait par sa parole, et séduisait la nation par des projets où elle voyait d'énormes profits. « Il savait, disait-il, le prix de toutes les consciences anglaises, attendu qu'il n'était personne dont il n'eût marchandé le vote. » Il avait coutume de dire « Tout homme a son tarif; » et il agissait en conséquence. Il est présumable que ce système de corruption dont on a fait un crime à Walpole était un mal nécessaire, alors que les membres du parlement n'avaient, pour la plupart, d'autre raison de soutenir le gouvernement que leur intérêt personnel. Walpole fit donc ce que le temps réclamait, et il le fit avec un plein succès, attendu que, sous des rois nuls et vicieux, il organisa la paix et prépara la guerre; qu'il atteignit ce double but de consolider les institutions anglaises avec la dynastie hanovrienne, et d'agrandir l'influence des classes moyennes, en augmentant la richesse publique par une habile administration.

(1727.) Sous George II, Walpole continua à soutenir le

parti des whigs et leurs opinions, c'est-à-dire les principes de liberté. Cet homme d'État, le plus consommé peut-être qu'ait eu l'Angleterre, chargé d'affermir le gouvernement contre ceux qui voulaient le faire rétrograder aussi bien que contre ceux qui voulaient le précipiter dans l'anarchie, encourut l'animadversion des deux partis.

L'opposition inventa les machinations les plus adroites pour le renverser. Tantôt il résistait, tantôt il pliait. Enfin, ayant négligé, dans sa confiance, de soutenir l'élection de ses amis, il eut le dessous, et remit son portefeuille à George II, qui en versa des larmes.

La bataille de Culloden (27 avril 1746), dans laquelle succomba le prétendant Charles-Édouard, mit en évidence la faiblesse du parti qui rêvait une restauration; les haines se calmèrent après la chute des espérances; une génération toute nouvelle s'affermit dans le gouvernement; on s'appliqua sérieusement aux travaux parlementaires ; et comme la révolution n'avait plus besoin d'être protégée, le tour des idées pratiques arriva. Puis se succédèrent les grands orateurs, Chatham, Grenville, North, à la chambre haute; dans les communes, Cambden, Erskine, Mansheld, Burke, Windham, Romilly, Wilberforce, Wilkes, With bread, Dundas, Shéridan, et d'autres talents supérieurs, parmi lesquels brillèrent surtout Fox et Pitt.

Fox (depuis lord Holland) figurait parmi les amis de Walpole, Pitt parmi ses adversaires. Le premier fut fait secrétaire.

'Les deux Pitt ont porté l'un et l'autre le prénom de William, ce qui a fait confondre quelques-uns de leurs actes par des écrivains étrangers. Le premier Pitt, qui fut créé lord Chatham en 1766, était né en 1708; il entra dans l'armée avec le grade de cornette; mais, sentant que sa vocation était ailleurs, il se fit nommer au parlement, où il devint bientôt le plus redoutable adversaire de Walpole, qui s'écria un jour : « Il faut museler ce terrible cornette! » Il continua son opposition contre lord Carteret, le successeur de Walpole en 1742; il devint payeur général des troupes sous le ministère du duc de Newcastle, auquel il succéda, en 1756, comme chef du cabinet. Son administration, qu'une guerre heureuse contre la France rendit chère à l'Angleterre, dura cinq ans. La goutte dont il fut tourmenté dès sa première jeunesse

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