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les siècles, une large entrée dans les cieux (1). IĮ se plaît à partager son bonheur avec le genre humain tout entier, parce que ce bonheur est purement spirituel. Un temps viendra où, sous la forme qui déjà se prépare, les biens temporels étant de nouveau l'objet du désir, la religion sera

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(1) << En toute nation, celui qui craint Dieu et qui s'adonne à la justice lui est agréable. » (Act. des Ap. ch. 10, v. 35 ). « Vous savez dit saint Pierre, (ib. ch. 28), et saint Pierre était le moins tolérant des apôtres, « vous savez qu'il n'est pas permis à un Juif d'avoir des liaisons avec un étranger ni d'aller chez lui; mais Dieu m'a fait voir que je ne devais appeler aucun homme impur. Cet esprit de tolérance continua long-temps à régner dans l'église primitive. Les prêtres qui

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« ont gouverné l'église à laquelle tu présides, écrivait saint Irénée an « pape Victor, ne rompirent jamais la concorde avec ceux qui arrivaient « chez eux, quoiqu'ils fussent membres d'autres églises où l'on obser«vait des coutumes différentes des leurs. Ils leur envoyaient, au contraire, l'eucharistie en signe de paix, immédiatement après leur ar« rivée. » (EUSEB. Hist. Eccl. liv. V, ch. 24. SOCRAT. liv. V, ch. 22. Sozoм. liv. VII, ch. 19. PHOT. Bibliot. ch. 120). Le mot d'hérésie se prend quelquefois en bonne part chez les premiers écrivains du christianisme. Le Symbole des apôtres ne parut pour la première fois que dans le quatrième siècle, après les conciles de Rimini et de Constantinople (PEARSON, Comment. in symb. apost.-MOSHEIM, de Reb. christ. ant. Const. magn. pag. 88). « Le juste ne diffère point du juste, qu'il «ait ou qu'il n'ait point vécu sous la loi; ceux qui avant la loi ont bien vécu sont réputés enfants de la loi, et reconnus pour justes. » (CLÉMENT d'Alex. Stromat. VI). « Tous les hommes qui ont vécu on qui vivent selon la raison, sont véritablement chrétiens et à l'abri de « toute crainte. >> (Saint JUST. Apol. II). « Gloire, honneur et paix à « tous ceux qui ont fait le bien, soit juifs, soit chrétiens. » (Saint CHRYS. Homél. 36, 37). Si on examine attentivement toutes les querelles, toutes les persécutions, tous les massacres religieux qui suivirent la conversion de Constantin, on verra que toutes ces choses si affligeantes ont pris naissance dans les efforts de quelques hommes pour donner à la religion nouvelle une forme dogmatique.

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prodigue d'exclusions et avare de bienfaits, parce que ses ministres seront avides d'or et de pouvoir. Cette même liberté, le sentiment religieux la revendique pour ce qui regarde les rites et les abstinences. Il proclame l'homme affranchi de toutes les obligations factices, nul ne peut lui imposer un devoir imaginaire (1). Il ne saurait être souillé rien d'extérieur, aucun jeûne ne lui est prescrit, aucune nourriture ne lui est interdite (2); tant le sentiment religieux, à cette époque de sa

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(1) La confession même n'était pas considérée comme obligatoire. Saint Jean Chrysostôme dit formellement ( Homel. II, in psalm. 50), qu'il faut se confesser à Dieu, qui sait tout, et qui ne reproche jamais les fautes qu'on lui a révélées : « Je ne veux pas, ajoute-t-il, forcer les << hommes à découvrir leurs péchés à d'autres hommes. »

(2) « Le Christ a effacé l'obligation qui était contre nous, laquelle << consistait dans les ordonnances.... Que personne donc ne vous con« damne au sujet du manger ou du boire, ou pour la distinction d'un « jour de fête, ou de nouvelle lune, ou de sabbat; car ces choses n'é<< taient que l'ombre de celles qui devaient venir.... Pourquoi donc vous

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charge-t-on de ces préceptes.... en vous disant ne mangez point de «< ceci... préceptes qui sont tous pernicieux par leurs abus, n'étant « fondés que sur des ordonnances et des doctrines humaines. » (Épit. de saint Paul aux Coloss. ch. II, v. 14, 16, 17, 21 et 22). Nous pourrions citer encore l'autorité de saint Pierre, autorité plus imposante, parce que saint Pierre était bien plus attaché au judaïsme que saint Paul, et qu'il eut besoin d'une vision miraculeuse pour renoncer aux abstinences de l'ancienne loi ( Act. des Ap. ch. X, v. 13, 14 et 15). « Le «< chrétien, dit Tertullien, ne peut être souillé par rien d'extérieur; << Dien ne lui a prescrit aucun jeûne, il ne lui a défendu aucun aliment; ce qu'il lui a interdit, ce sont les actions qui sont mauvaises; ce qu'il « lui a ordonné, ce sont les actions qui sont bounes. » (de Jej. adv. Psych.)

renaissance, prend soin de se déclarer indépendant des formes, et tant il redoute de ternir sa pureté par des pratiques qui le rapprocheraient des cultes vieillis qu'il a dédaignés.

CHAPITRE III.

Que l'effet moral des mythologies prouve la distinction que nous voulons établir.

Ce n'est pas seulement pour comprendre la marche générale de la religion qu'il faut distinguer le sentiment religieux d'avec ses formes, il faut aussi reconnaître cette distinction pour résoudre des questions de détail qui ont présenté jusqu'à ce jour d'insurmontables difficultés.

Des nations puissantes et policées ont adoré des dieux qui leur donnaient l'exemple de tous les vices. Qui n'eût pensé que ce scandaleux exemple devait corrompre les adorateurs? Au contraire, ces nations, aussi long-temps qu'elles sont restées fidèles à ce culte, ont offert le spectacle des plus

hautes vertus.

Ce n'est pas tout. Ces mêmes nations se sont détachées de leur croyance, et c'est alors qu'elles se sont plongées dans tous les abîmes de la corruption. Les Romains, chastes, austères, désintéressés, quand ils encensaient Mars l'impitoyable, Jupiter l'adultère, Vénus l'impudique, ou Mercure le protecteur de la fraude, se sont montrés dépravés dans leurs mœurs, insatiables dans leur avidité, barbares dans leur égoïsme, lorsqu'ils ont

délaissé les autels de ces divinités féroces ou licencieuses.

D'où vient ce phénomène bizarre? Les hommes s'amélioreraient-ils en adorant le vice? Se pervertiraient-ils en cessant de l'adorer?

Non, sans doute; mais aussi long-temps que le sentiment religieux domine la forme, il exerce sur elle sa force réparatrice. La raison en est simple : le sentiment religieux est une émotion du même genre que toutes nos émotions naturelles; il est, en conséquence, toujours d'accord avec elles. I est toujours d'accord avec la sympathie, la pitié, la justice, en un mot, avec toutes les vertus (1).

(1) Un écrivain, qui ne manque ni d'habileté ni de talent, a tenté d'obscurcir cette vérité. Il a frappé d'anathème le sentiment religieux. Il l'a peint d'abord comme n'existant pas, ensuite comme précipitant l'homme dans les excès les plus deplorables. Nous avons senti qu'une discussion prolongée romprait tout le fil de nos idées; et ne voulant pas néanmoins laisser sans réponse des assertions qui présentées avec un certaiu art, pourraient produire quelque impression, nous consacrerons cette note à l'examen un peu détaillé du système de M. de la Menuais. Il nous a beaucoup facilité notre tâche; car on verra que ses contradictions nous fourniront, à elles seules, la plupart des réponses dont nous avons besoin pour le réfuter.

L'auteur de l'Essai sur l'indifférence en matière de religion, demande ce qu'est le sentiment religieux « Aueun dogme, dit-il, n'est écrit « dans notre cœur; et Dieu n'existait pas pour nous avant qu'on nous l'eût nommé (tom. II, pag. 194).

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Il pense de la sorte dans son second volume. Voici quelle était sa pensée, lors de la publication du premier : «La religion, disait-il, est «< si naturelle à l'homme, que peut-être il n'est pas en lui de sentiment plus indestructible Même lorsque son esprit la repousse, il y a encore dans son cœur quelque chose qui la lui rappelle : et cet instinct religieux qui se retrouve dans tous les hommes est aussi le même

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