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PRÉFACE.

Le mode de publication que nous avons adopté pour cet ouvrage, a été l'objet de plusieurs critiques. Ces critiques sont fondées. Un livre de la nature de celui-ci a besoin, pour être jugé, qu'on le présente dans son ensemble. Le morceler, c'est affronter gratuitement beaucoup d'objections, que la suite des développements préviendrait, et qui peuvent sembler victorieuses, faute d'être réfutées à l'instant même.

Aussi n'eussions-nous jamais choisi ce mode, si une défiance assez naturelle ne nous eût fait douter de l'attention du public, au milieu des circonstances graves qui enveloppent et agitent toutes les destinées, et quand il s'agit de recherches qui ne parlent à aucune passion, et ne sauraient alarmer ni servir les intérêts du moment.

Rassurés sur ce point, nous eussions volontiers changé de méthode, si des engagements une fois pris ne nous paraissaient obligatoires. Tout ce que nous avons cru pouvoir nous permettre

a été de réunir deux livraisons, et de les publier ensemble. De la sorte, nous espérons traiter asssez complètement chaque époque, et nous pensons que ce premier volume donnera déjà une idée claire du point de vue sous lequel nous envisageons l'objet important qui nous a occupés.

L'inconvénient, toutefois, n'est qu'atténué. Des censeurs impatients se prévaudront peut-être de ce que nous ne pouvons dire chaque chose qu'à sa place.

Ainsi, lorsque nous établirons, dans ce premier volume, que la plupart des notions qui constituent le culte des sauvages se retrouvent enregistrées et consolidées dans les religions sacerdotales de l'Égypte, de l'Inde, ou de la Gaule, on nous opposera les connaissances profondes qu'on se plaît à attribuer aux prêtres do Memphis, la philosophie souvent subtile des brames, ou la doctrine sublime des druides; et l'objection ne sera écartée que lorsque nous aurons, dans une livraison subséquente, pu traiter de cette philosophie, de ces connaissances, et de cette doctrine.

De même, lorsque plus tard, approfondissant le polythéisme grec, nous montrerons que les opinions empruntées des religions sacerdotales, et présentées aux Grecs par les voyageurs, les philoso

phes et les prêtres eux-mêmes, furent constamment repoussées par le génie de cette nation, l'on nous objectera les mystères; et notre réponse ne sera complète que lorsque, postérieurement encore, nous aurons prouvé que les mystères furent le dépôt des doctrines, des traditions et des cérémonies étrangères, précisément parce qu'il y avait répugnance entre ces choses et la religion publique.

Sur ces points et sur bien d'autres, non moins importants pour la marche des opinions, et pour l'histoire des idées religieuses, nous devons réclamer l'équité de nos lecteurs; et comme les volumes se succèderont rapidement, le délai que nous demandons, pour entourer d'évidence les hypothèses qui seraient contestées, n'excèdera pas une durée assez courte.

Nous nous en remettons aussi à cette équité, pour repousser, s'il y a lieu, des inculpations d'un autre genre.

Nous éprouverions une peine très-vive, nous en convenons, si nous étions confondus avec cette tourbe d'écrivains qui, pleins d'une violence brutale, ou d'une vanité peu scrupuleuse dans le choix de ses moyens de succès, se précipite sur tous les objets de respect que le genre humain

s'est créés. L'évidence des faits nous a contraints cependant à nous exprimer avec une sévérité que nous croyons juste, sur l'influence du sacerdoce chez plusieurs peuples de l'antiquité.

Rappeler que nous ne parlons que des nations anciennes et des pontifes du polythéisme, serait nous dérober à l'attaque, au lieu de la repousser. Il nous convient mieux de dire toute notre pensée; elle ne renferme rien que nous craignions d'avouer, et nous y gagnerons de n'être pas soupçonnés de nous réfugier dans les allusions, genre d'agression toujours un peu timide, et qui réunit à l'inconvénient de dénaturer les faits celui de donner à l'hostilité une fâcheuse empreinte de peur.

Parmi nos accusations contre le sacerdoce des anciens, et son action sur la civilisation de cette époque, plusieurs sont totalement inapplicables aux prêtres des religions modernes.

En premier lieu, ceux de l'antiquité étaient condamnés à l'imposture par leurs fonctions mêmes. Des communications merveilleuses à entretenir avec les dieux, des prestiges à opérer, des oracles à rendre, leur faisaient de la fraude une nécessité. Nos croyances, plus épurées, ont délivré les prêtres de nos jours de ces obligations cor

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