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ruptrices. Organes de la prière, consolateurs de l'affliction, dépositaires du repentir, ils n'ont, heureusement pour eux, point d'attributions miraculeuses. Tel est le progrès de nos lumières, et le calme que des doctrines moins matérielles ont répandu dans tous les esprits, que le fanatisme lui-même, s'il existe, est forcé de respecter des barrières qu'il était de l'essence du sacerdoce ancien de franchir, et par-delà lesquelles le siége de son influence était placé.

Que si des individus tentent de renverser ces barrières, ces essais partiels, interrompus, réprimés, sont des torts et non des périls, des sujets de blâme et non des moyens d'empire.

Secondement, la puissance illimitée des druides ou des mages ne saurait jamais redevenir le partage de nos prêtres. Enclins que nous sommes à concevoir et même à trouver raisonnables et fondées les alarmes de ces raisons prévoyantes qui se plaignent de ce que le sacerdoce tend à se constituer en corps dans l'état, nous croirions néanmoins être par trop ombrageux, si nous supposions que les prérogatives qu'il possède, ou celles que momentanément il usurperait, le mettraient de niveau avec des castes qui dominaient sur la royauté, précipitaient les rois du trône, accapa

raient toutes les connaissances, se créaient une langue à part, érigeaient l'écriture en monopole, et, juges, médecins, historiens, poètes, philosophes, fermaient le sanctuaire de la science à tout ce qui ne participait point de leur privilége, c'està-dire à l'immense majorité de l'espèce humaine. Contre les tendances individuelles qui aspireraient à la résurrection de ce qu'un intervalle de vingt siècles rend impossible à ressusciter, nous pouvons nous en remettre aux prudences collectives. Il y a a dans les corps un instinct qui les avertit de ce qui est infaisable; et si le calcul permet quelques tentatives hasardées, ce même calcul s'empresse de les désavouer, à la moindre apparence de danger.

D'ailleurs, si le pouvoir politique, trompé, selon nous, sur ses intérêts, semble se prêter parfois à étendre outre mesure l'autorité dite spirituelle, les conditions du traité sont patentes et précises. S'il y a des monarques qui désirent que Léon XII excommunie des doctrines politiques, aucun ne voudrait voir entre les mains de Léon XII les foudres que Grégoire VII lançait contre les trônes; et à l'instant où nous écrivons, une corporation, jadis redoutable, et qu'on croyait regrettée, vient d'être éloignée des états d'un prince sur

lequel probablement elle avait fondé de grandes espérances. Ayons confiance au temps, et ne nous exagérons pas l'épaisseur des nuages que deux vents opposés rassemblent et que deux vents opposés doivent disperser.

Rien de ce que nous avons pu dire du pouvoir immense des corporations théocratiques de l'Inde, de l'Éthiopie, ou de l'Occident, ne peut donc, avec la meilleure intention du monde et le talent

le plus exercé d'interprétation, être travesti , par aucun de nos lecteurs, en attaques contre les prêtres des communions auxquelles nous devons du respect comme citoyens, ou des égards comme pro

testants.

le

Notre censure contre le sacerdoce de quelques polythéismes a été même bien moins amère que jugement porté contre lui par les pères de l'église ou par les théologiens qui ont marché sur leurs traces. Nous avons quelquefois adouci la rigueur de leurs arrêts; nous avons indiqué le bien relatif qu'ont pu faire les ministres d'un culte erroné, parce que, en fait de sentiment religieux, l'erreur, à notre avis, vaut mieux que l'absence.

Notre disposition à cet égard nous aurait peutêtre attiré, il y a un siècle, des reproches d'une nature très-différente. On nous eût probablement

fait un crime de trop d'indulgence; et ce serait, à ce qu'il nous semble, un acte impolitique et irréfléchi, dans les prêtres d'un culte qui règne, que de déclarer qu'ils font cause commune avec les organes d'un culte renversé.

Quant aux portions de blâme qui, indépendamment des croyances, des époques, et de la forme des institutions, pourraient rejaillir sur le sacerdoce de toutes les religions, il sera évident à quiconque sait lire et comprendre, que ce blâme ne pourrait aujourd'hui être mérité que par des individus qui méconnaîtraient les attributions de leur ministère.

Les brames voudraient verser de l'huile bouillante dans la bouche de tout profane qui ouvre les Vèdes, tant ils redoutent l'instruction du peuple, et ce qu'ils appellent l'indiscipline, résultat de l'instruction! Certes, en dévoilant cette politique étroite et astucieuse, nous ne blessons en rien un clergé qui réclame l'honneur d'avoir puissamment favorisé la renaissance des lettres; et s'il existait des individus qui proscrivissent les moyens de répandre les connaissances dans toutes les classes, et d'améliorer les citoyens en les éclairant, ce clergé désavouerait avec nous ces brames ressuscités.

Les prêtres de Méroé ôtaient à leurs rois la couronne, ou les mettaient à mort. En nous élevant contre ces pontifes régicides, nous ne scandaliserions que ceux qui feraient du trône le marche-pied de l'autel.

Les mages déclaraient à Cambyse que ses volontés étaient au-dessus des lois. Notre réprobation de cette alliance du sacerdoce et du despotisme n'atteint point une église au nom de laquelle Fénélon, Massillon, Fléchier, n'ont cessé de répéter aux monarques que les lois étaient le fondement et la limite de leur puissance.

Ces explications nous ont paru nécessaires. Historiens fidèles, nous n'avons dénaturé aucun fait, ni sacrifié à des considérations secondaires aucune vérité. Nous avons tâché d'oublier, en écrivant, le siècle, les circonstances et les opinions contemporaines. C'est à cette détermination, scrupuleusement observée, que nous avons dû le genre de courage qui nous était de tous le plus difficile, celui de nous séparer, sur des questions d'une haute importance, de beaucoup d'hommes dont nous partageons d'ailleurs les principes, et dont nous honorons le noble caractère.

Frappés des dangers d'un sentiment qui s'exalte et s'égare, et au nom duquel d'innombrables

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