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CHAPITRE VIII.

Pourquoi nous avons cru devoir décrire en détail le culte des Sauvages.

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Les détails dans lesquels nous sommes entrés en traitant de la religion des hordes sauvages, étaient d'autant plus indispensables que dans cette religion sont contenus les germes de toutes les notions qui composent les croyances pos

térieures.

Cette vérité doit avoir déjà frappé nos lecteurs, pour peu qu'ils nous aient accordé quelque attention.

Non-seulement l'adoration d'objets matériels, multipliés jusqu'à l'infini, mais des aperçus imprévus du plus pur théisme, la division en deux substances, et, pour ainsi dire, le pressentiment de la spiritualité;

Non-seulement l'idée naturelle que les dieux se plaisent aux sacrifices, mais le besoin de raffiner sur ces sacrifices, et les victimes humaines, et les enfants atteints du fer paternel, et le mérite du célibat, et le prix mystérieux de la virginité, et la sainteté des tortures volontaires, et la décence immolée sur les autels;

Non-seulement la crainte des dieux malfai

sants, mais la classification des divinités en deux catégories armées sans cesse l'une contre l'autre, et la distinction des pratiques religieuses en cérémonies licites et en rites pervers;

Non-seulement l'espoir d'une vie nouvelle après le trépas, mais des abstractions sur l'état des ames et sur leur réunion à l'Étre infini;

Non-seulement la métempsycose, mais avec elle les migrations et les purifications des ames; Toutes les choses, enfin, que nous verrons plus développées, rédigées en termes plus clairs, revêtues d'images plus sublimes, parées de couleurs plus cohérentes, chez les peuples civilisés, l'instinct du Sauvage les devine, les saisit, les agite en tout sens, s'efforce de les ranger dans un ordre tel que le conçoit ou le pressent son intelligence: car nos mépris superbes ont beaucoup trop circonscrit les bornes de cette intelligence. Que l'homme soit sauvage ou policé, il a la même nature, les mêmes facultés primitives, la même tendance à les employer. Les mêmes notions doivent donc s'offrir à lui, seulement moins subtiles; les mêmes besoins, les mêmes désirs doivent le diriger dans ses conjectures; mais détourné par la lutte qu'il soutient contre un monde physique non encore dompté et contre un état moral dépourvu de garanties, il ne saurait persévérer dans une route uniforme et régulière; et ses conjectures naissent et s'évaporent, comme les nuages dans les cieux

118 DE LA RELIGION. LIVRE II, CHAPITRE VIII.

que traverse l'aquilon rapide, ou comme les fantômes de nos rêves, quand notre raison nous abandonne à notre imagination vagabonde.

Cependant, aucune ne disparaît sans laisser de traces; des époques plus avancées les recueillent, les élaborent, leur donnent de la régularité et de la consistance.

Il était donc de notre sujet de les décrire avec quelque exactitude; elles servent de base à nos recherches ultérieures. Nous verrons de quelle manière l'esprit humain travaille sur ces données, comment il les épure, lorsqu'il est livré à lui-même et indépendant de toute influence étrangère, comment alors les plus grossières s'effacent et les plus raisonnables se combinent et se coordonnent, et comment au contraire, lorsqu'il est réduit en servitude, les plus raisonnables se corrompent et se dénaturent, tandis que les plus grossières se conservent dans toute leur absurdité primitive.

FIN DU PREMIER VOLUME.

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