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chambre des représentants deux degrés d'élection : les assemblées primaires qui choisissent les électeurs sur un nombre déterminé des plus imposés, et les électeurs qui nomment les représentants, lesquels reçoivent une indemnité. Nul cens n'est exigé pour devenir éligible. Le revenu du pair qui ne s'élève pas à trente mille francs est complété aux frais de l'État. La censure est proscrite. Les délits de la presse sont jugés par le jury, même en matière correctionnelle. Aucun culte ne peut devenir exclusif, dominant ou privilégié.

La défaite de Waterloo livre de nouveau la France à l'étranger et ramène Louis XVIII qui, par les ordonnances des 13 et 21 juillet 1815, fit, sans contestation, ce que, plus tard, Charles X osera, mais non impunément, par les ordonnances du 25 juillet 1830. En effet, les ordonnances de 1815 dérogent à plusieurs dispositions de la Charte en introduisant de nouvelles conditions d'électorat et d'éligibilité. Le résultat fut celte chambre introuvable, plus royaliste que le roi, et qui laissa de si déplorables souvenirs; la vieille aristocratie, entrée de toutes parts en partage de la puissance législative, civile, et militaire, marche à découvert à la reprise de ses priviléges. L'armée impériale est licenciée. La nouvelle ne semble organisée que pour créer de nouveaux officiers. La magistrature et l'administration sont bouleversées. Une autre terreur s'élevant sur nos cités, désolant les campagnes, excitant les haines, conseillant la vengeance, épiant la pensée, punissant le murmure, prépare tout pour la guerre civile. La couronne aperçoit le péril. Une loi du 5 septembre 1816, triomphe du parti libéral qui n'est pas le

parti républicain, dissout la chambre et rentre dans la Charte.

Dès lors, les Français sont divisés en libéraux, qui veulent la Charte, et en ultra-royalistes, qui n'en veulent pas. C'est parce qu'en 1816, la restauration s'est vue de nouveau en danger qu'elle est rentrée dans la Charte comme dans un port protecteur. Dès qu'elle s'est sentie affermie, elle s'en est éloignée comme d'une chose qui ne lui plaisait pas. Son inclination évidente a été, autant que possible, de reconstruire l'ancien régime, de s'appuyer sur la double aristocratie de l'épiscopat et de la noblesse, d'affaiblir l'intervention nationale, de faire des chambres des succursales ministérielles, de rendre la couronne absolue avec les apparences de la constitutionnalité.

Avec le concours des chambres, la restauration suspend l'article 4 de la Charte sur la liberté individuelle par les lois des 29 octobre 1815, 12 février 1817, 26 mars 1820. On n'est rentré, à cet égard, dans la Charte, qu'en 1821, et c'est pour retomber sous le Code d'instruction criminelle de l'empire, qui n'offre que des garanties insuffisantes.

Avec le même concours, l'article 8 de la Charte sur la liberté de la presse est suspendue par les lois des 21 octobre 1814, 9 novembre 1815, 28 février 1817. Les lois des 17, 26 mai et 9 juin 1819, rendent, il est vrai, la presse libre, mais celles des 31 mars 1820 et 26 juillet 1821, rétablissent la censure des journaux. La loi du 17 mai 1822 la remplace par des moyens répressifs et autorise le rétablissement de la censure par ordonnance, pendant l'intervalle des sessions législatives. En

conséquence de cette dernière loi, une ordonnance de Louis XVIII mourant, du 16 août 1824, rétablit la cen

sure.

Toujours avec le même concours, la loi du 9 Juin 1824 abroge l'art. 37 de la Charte, remplace le renouvellement partiel et quinquennal de la chambre élective, par le renouvellement intégral et septennal.

La loi du 5 février 1817, d'après une statistique ministérielle, élève le nombre des électeurs de la restauration à quatre-vingt-dix mille huit cent soixante-dixhuit, et comme elle trouvait les moins imposés trop libéraux, elle introduisit en faveur des plus imposés, par la loi du 29 juin 1820, le double vote : en sorte que les premiers n'avaient qu'un suffrage à donner tandis que les privilégiés en avaient deux.

Par cette mesure, le parti libéral disparaît presque entièrement de la chambre élective. Il se montre un instant dans la chambre des pairs pour demander l'exécution des lois contre les jésuites, forcer M. de Peyronnet à retirer un projet de loi contre la presse; enfin pour rejeter le rétablissement du droit d'aînesse. Il se manifeste avec plus d'énergie dans les journaux que les condamnations ne découragent pas; dans la garde nationale de Paris, licenciée pour avoir demandé, sous les armes, le renvoi des ministres, dans la nation entière où les tendances démocratiques commencent à se produire.

Une nouvelle chambre succède à la chambre septennale. Malgré la loi du double vote et les efforts de l'administration, les électeurs nomment une majorité libérale. Un nouveau ministère, auquel M. de Martignac

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attache son nom, remplace le ministère Villèle. Il donne, sans toutefois l'étendre, le 8 août 1829, de nouvelles garanties à l'électorat par la loi du 2 juillet 1828, et à la presse périodique par la loi du 18 du même mois. La discussion d'un projet de loi qui soumet à l'élection les conseils des communes, des arrondissements et des départements, est commencée, mais ce projet ne tarde pas à être retiré. Après le vote du budget, le 8 août 1829, un nouveau ministère, dont M. de Polignac devient le chef, est formé. Il médite un coup d'État pour affranchir la couronne de la domination du parti libéral, et dans l'espoir de le faire supporter moins impatiemment, il prépare deux actes qui ont un caractère éminemment national. Par le premier, il s'agit de rendre le Rhin à la France. Des négociations, à cet effet, sont commencées entre le cabinet de Saint-Pétersbourg et celui des Tuileries pour une alliance dirigée contre l'Angleterre (1). Par le second, il s'agit de venger la France des outrages multipliés du dey d'Alger par la conquête de ses États, malgré l'Angleterre qui ne voulait pas voir la France campée sur la rive africaine de la Méditerranée, et malgré la Porte qui avait sur ce territoire un droit de suzeraineté. La révolution qui va s'opérer empêchera l'accomplissement du premier projet, mais le second obtint un succès complet.

Louis XVIII avait rendu le pouvoir absolu au roi d'Espagne, l'Autriche aux rois de Naples et de Sardaigne, contraints de se soumettre à des constitutions

(1) V. Histoire de Dix ans, par Louis Blanc, t. I, pag. 139.

imposées. Charles X crut qu'il lui suffirait, pour le ressaisir, d'abolir la Charte par des ordonnances, mais cet audacieux coup d'État le perdit. Réfugié en Angleterre, loin d'y recevoir la magnifique hospitalité que Louis XIV avait jadis rendue à Jacques II, il y fut insulté. L'Angleterre se vengeait des préférences du roi déchu pour la Russie, et cherchait à attirer à son alliance la France nouvelle qui lui faisait peur.

Après la victoire du peuple, car la révolution de 1830 fut son œuvre, trois partis se montrèrent, les napoléonistes, les républicains et les orléanistes. Ce dernier parti l'emporta. Le duc d'Orléans, courtisan à la cour, libéral avec l'opposition, populaire avec les classes laborieuses, reçut la couronne des mains de deux cent cinquante-neuf députés et de quatre-vingt-neuf pairs, sans que la nation fût consultée. On se prévalut du consentement tacite, qui peut valoir comme énonciation d'un fait, non comme fondement du droit qui dépendrait alors d'une hypothèse insolente. Le consentement tacite résulte presque toujours de l'impossibilité où est le peuple de s'entendre pour protester. C'est un vieux sophisme à l'usage de toutes les usurpations.

La constitution de 1830 remplace un roi par la grâce de Dieu par un roi voté parlementairement, la légitimité par la quasi-légitimité, l'aristocratie titrée par l'aristocratie bourgeoise, la réaction absolutiste par le juste-milieu constitutionnel. Le principe de la souveraineté nationale n'est pas exprimé, mais avoué et sousentendu. La proposition de la loi, que réservait à la couronne la Charte octroyée, est partagée par le roi, la Chambre des Pairs et la Chambre des Députés. Le

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