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nouveau monarque a perdu le droit de rendre des ordonnances pour la sûreté de l'Etat dont venait de si audacieusement abuser Charles X, il n'a que celui d'en rendre pour l'exécution des lois. La religion catholique, apostolique et romaine, n'est plus la religion de l'État, mais de la majorité des Français. La censure autorisée sous la dernière dynastie ne peut être rétablie. Le roi ne peut plus choisir les pairs que dans des catégories déterminées. La liste civile est notablement réduite, mais le nouveau roi, contrairement à l'antique usage, conserve son patrimoine.

Depuis cette seconde Charte, il a été pourvu : 1o à l'application du jury aux délits de la presse et aux délits politiques par plusieurs lois, mais il y a été, plus tard, porté atteinte par d'autres lois, surtout par la jurisprudence Bourdeau que vient de condamner un décret du gouvernement provisoire de la République française; 2o à la réélection des députés promus à des fonctions publiques salariées, par la loi du 12 septembre 1830; 3° au vote annuel du contingent de l'armée, par la loi du 11 octobre 1830; 4o à l'organisation de la garde nationale, avec intervention des gardes nationaux dans le choix de leurs officiers, par les lois des 22 mars 1831, 19 avril 1832, 14 juillet 1837; mais, depuis, les gardes nationales, dans beaucoup de localités, ont été dissoutes sans avoir été reconstituées suivant la prescription de ces lois; 5o des dispositions qui assurent, d'une manière légale, l'état des officiers de tout grade de terre et de mer ont été prises par la loi du 17 mai 1834; 6o des institutions départementales et municipales, fondées sur un système électif, sont l'objet des

lois des 21 mars 1831, 22 juin 1833, 20 avril 1834, 18 juillet 1837, mais ce système est la consécration du privilége d'une minorité; 7o l'instruction publique et la liberté de l'enseignement ont été réglées, quant à l'instruction primaire seulement, pour les garçons par la loi du 28 juin 1833, et pour les filles par des ordonnances; 8o l'abolition du double vote et la fixation des conditions électorales et d'éligibilité ont été déterminées par les lois des 12 septembre 1830, 19 avril 1831 et 25 avril 1845, mais ces lois sont encore la consécration du privilége de la minorité: il est seulement partagé par un plus grand nombre de Français que sous la restauration (environ 200,000), car le cens électoral est abaissé à 200 fr., et pour les membres et correspondants de l'Institut à 100 fr. Il suffit aux officiers pour devenir électeurs de jouir d'une pension de retraite de 1200 fr.; le cens d'éligibilité est réduit à 500 fr. Le cumul autorisé des fonctions gratuites de la députation avec un trop grand nombre de fonctions rétribuées, ajoute au privilége la facilité de la corruption, qui s'étend dans une progression effrayante des parlementaires aux électeurs ministériels.

Les peuples de l'Europe avaient accueilli la révolu→ tion de 1830 comme une espérance d'affranchissement pour eux. Les vieilles dynasties et les vieilles aristocraties, au contraire, épouvantées, redoutèrent des révolutions semblables et la rupture des traités de 1814 et 1815. La politique extérieure de la nouvelle dynastie ne tarda pas à désabuser les peuples et à rassurer les couronnes et les privilégiés; mais cette politique antinationale, non moins que l'oligarchie inté→

rieure, l'oppression de la presse, surtout la résistance obstinée au vou sans cesse renouvelé de réforme électorale et parlementaire devaient amener en 1848 par un nouvel effort du peuple la ruine de la dynastie du roi Louis-Philippe, nonobstant la majorité des deux Chambres qui en soutenaient la politique.

La monarchie a été expérimentée en France, sous toutes les formes: monarchie séculairement héréditaire, avec ou sans le concours des États Généraux ; monarchie contrôlée par des corps politiques et judiciaires inamovibles; monarchie entourée d'institutions démocratiques; monarchie élective et absolutiste de Napoléon; monarchie restaurée de l'ancienne dynastie avec Charte aristocratique octroyée; monarchie élective avec Charte oligarchique imposée. Toutes ont disparu. Du 3 septembre 1791 au 22 février 1848, en moins de cinquante-sept ans, la monarchie constitutionnelle a été quatre fois renversée. La Convention a proclamé la République et condamné Louis XVI. Napoléon, élevé par la victoire, est tombé dès qu'il a été vaincu. Une insurrection populaire a chassé Charles X, et une autre insurrection populaire a fait fuir Louis-Philippe. La monarchie constitutionnelle, loin d'être une garantie de stabilité, porte le germe de révolutions certaines, car elle repose sur l'alliance impossible de deux principes exclusifs l'un de l'autre le principe démocratique qui se résout dans la souveraineté du peuple, et le principe de la royauté héréditaire qui se résout dans la souveraineté d'un seul. De là hostilité, triomphe du principe le plus fort sur le plus faible, révolution absolutiste si Charles X eût triomphé, révolution répu

blicaine sous Louis-Philippe. On ne peut opposer la durée de la forme anglaise. Ce n'est point une monarchie constitutionnelle; sous ce nom menteur, le pouvoir y est tout entier dans les mains d'une aristocratie souveraine, issue de la féodalité dont elle a conservé le caractère, et qui, dans la gestion de l'État, offre les avantages et les vices de toutes les aristocraties; mais sa durée n'est point sans orages et sa ruine n'est plus qu'une question de temps.

La République a été moins expérimentée en France. Sous ce nom, la Convention ne fut que la dictature d'une assemblée, placée pendant trente-sept mois dans une situation violente. La République n'a véritablement existé que sous la constitution de l'an III, pendant quatre ans, du 22 août 1795 au 9 novembre 1799, où elle expira dans les bras d'un soldat liberticide. Elle n'existait pas sous la constitution de l'an VIII qui réduisit les droits des citoyens à la formation de listes de candidats et qui investit le premier consul de tous les pouvoirs d'un monarque. Il y avait plus de garanties libérales dans les Chartes de 1814 et 1830, et dans plusieurs des lois qui les complétaient; mais il y avait plus de nationalité dans le gouvernement de Napoléon, plus de gloire dans sa vie, ce qui explique la faveur dont son nom est encore environné.

La dernière épreuve de la forme monarchique vient de s'accomplir déplorablement. La République seule est désormais possible. Elle existe, elle est acceptée. Il ne s'agit plus que de la poser sur des bases rationnelles et durables, œuvre grande et laborieuse qui demande expérience et prévision, connaissance des

constitutions anciennes et contemporaines, surtout des mœurs et des tendances nationales; œuvre qui imposera une immense responsabilité, devant laquelle le patriotisme ne doit pas reculer, mais qui effraie le génie le plus puissant. Tant d'hommes supérieurs y ont échoué!

Si la République de 1848 a, comme toutes les révolutions, à subir les fautes du gouvernement renversé et les embarras de sa propre situation, elle est toutefois dans des conditions meilleures que la Convention et le Directoire. L'ébranlement qui vient de s'opérer en Europe lui donne la sympathie des peuples et lui rend le mauvais vouloir des rois impuissant. Elle n'a à redouter que des exigences sociales, dont les unes sont réprouvées par la conscience publique, et les autres, moins téméraires, plus équitables, peuvent être facilement conciliées. Le droit au travail, conséquence de la fraternité humaine, est reconnu, et si l'on varie sur les divers moyens de l'organiser, une bonne solution qui respectera la liberté de chacun, ne peut manquer de sortir de la discussion parlementaire. Assez de révolutions ont épuisé notre pays. Son salut est dans le développement pacifique, mais ferme et immédiat, des institutions républicaines sous l'égide tutélaire du respect dû à la propriété et à la famille.

Toutes les questions constitutionnelles vont s'agiter dans l'Assemblée nationale et dans la presse. Posonsen quelques-unes, sur lesquelles de plus habiles ré→ pandront la lumière.

La nouvelle constitution ne devra-t-elle pas être précédée d'une déclaration des droits et des devoirs de

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