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futiles ouvrages, quelque purs & décens, quelque agréables & bien écrits qu'ils foient, ne laifferont-ils pas toujours un vuide affreux dans la tête des enfans? Ne les dégoûteront-ils pas d'une étude plus néceffaire & plus férieufe? Il en eft de la nourriture de l'efprit comme de celle du corps: ni l'un ni l'autre n'eft robufte & vigoureux, fi les alimens qu'on leur donne, n'ont ni fuc ni fubftance.

On ne fauroit trop-tôt faire entendre à l'enfance le langage de la vérité. Elle parvient fi lentement jufqu'au cœur, elle y prend fi difficilement racine, elle a tant de peine à foumettre l'efprit, qu'il faut profiter de l'inftant précieux & paffager, où l'impreffion qu'elle peut faire foit affez profonde, affez vive, pour y laiffer quetques traces qui ne s'effacent jamais. Ce n'eft qu'en parlant toujours raison aux enfans, que l'on peut développer leur difcernement. Mêler à leur inftruction des Contes, des Ramans, c'eft jeter dans leur efprit des femences de doutes. &

d'incertitudes; c'eft les tromper, c'eft les accoutumer à fe plaire aux menfonges, & les dégoûter de la vérité.

L'Éducation ne demande donc que vérité & fimplicité. Dès que vous aurez une fois dirigé le cœur des enfans vers Futile & l'honnête; répétez-leur fans ceffe que la vertu eft le feul bien, le fouverain bien. Ne vous laffez point d'éclairer leur ame des vérités fublimes & confolantes de la Religion: ne laiffez paffer aucun jour, fans leur en démontrer l'excellence & l'utilité; accoutumezles à la refpecter, à l'aimer, à la pratiquer fans oftentation & fans hypocrifie : ne leur montrez jamais un front févère, à moins qu'ils ne foient tombés dans une faute affez grave pour mériter punition: gagnez leur confiance & leur amitié par la douceur & la patience: entretenez, provoquez même leur naïve & franchegaieté; elle eft celle de la bonne confcience.

C'est des premières habitudes que dé

fouffrir quelque éclipfe dans le monde : heureusement elle ne fera pas de longue durée. Il en eft de la Jeuneffe, dont le fonds eft bon & bien cultivé, comme des arbres fruitiers, qui, à l'entrée du printemps, fe couvrent de fleurs qu'un vent contraire brûle, defféche & fait tomber avec l'espoir que promettoit une fi belle apparence; mais ils fe raniment & renaiffent au printemps fuivant, plus fleuris encore, & produisent en abondance les meilleurs & les plus beaux fruits, parce que la féve en eft bonne, & qu'elle n'a point été defféchée par les

vents.

La culture de l'efprit n'eft pas moins intéreffante que celle du cœur. Ces deux. institutions doivent marcher de front, & la méthode doit être la même. La foi-bleffe de l'âge n'eft point une raifon pour retarder l'instruction. Puifque dès le berceau, on commence à cultiver les mœurs (1), qui empêche qu'on ne cul

(1) Cur autem non pertineat ad literas atas, quæ

tive en même-temps l'efprit? Auffi-tôt qu'un enfant parle, pourquoi ne l'accoutumeroit-on pas à recevoir quelques inftructions légères ? Et fi l'on peut tirer avantage de fes premières années, quelque petit qu'il foit, pourquoi le négli ger? Tout ce qu'on gagne fur l'enfance, eft autant de conquis pour les âges fuivans. Il eft bon cependant de confulter les forces de l'enfant. Il feroit dangereux de le tourmenter & d'exiger de lui plus qu'il ne peut, Il faut fe garder fur-tout de lui faire haïr les Sciences dans un temps/

ad mores jam pertinet?.... Quid melius alioqui facient,, ex quo loqui poterunt? Faciant, enim aliquid neceffe eft. At cur hoc quantulumcunque eft, ufque ad feptem annos lucrum faftidiamus?..... Hoc per fingulos annos prorogatum, in fummam proficit: & quantum in infantiâ præfumptum eft temporis adolefcentiæ acquiritur....... Nec fum adeò ætatum imprudens, ut inftandum teneris protinus acerbè putem exigendumque plenam operam. Nam id in primis cavere oportebit, he ftudia, qui amare nondum potest, oderit, & amaritudinem femel præceptam, etiam ultra rudes annos reformidet lufus hic fit: & rogetur & laudetur & non nunquam fciffe fe gaudeat. QUINTIL. Inftit, Orat. Lib. I', Cap. I, pag. 12 & 13,

où il ne peut pas encore les aimer, de peur que l'amertume des premières leçons ne le rebute pour toujours. L'étude ne doit être qu'un jeu pour lui. Il faut l'exciter, le louer, le careffer, & qu'il fente toujours le plaifir d'avoir appris. Avec quelle vivacité il fe portera par la fuite à une étude plus forte, quand fa mémoire, plus fidèle à cet âge, lui retracera l'idée des objets dont il aura déjà reçu quelque notion.

Dès que l'enfant eft arrivé à l'âge où commence l'inftruction folide, il importe beaucoup de lui donner (1) d'abord & toujours, à lire & à étudier les meilleurs Écrivains: toute autre méthode doit être profcrite comme mauvaise & dangereufe. Le goût fe corrompt auffi vîte que les mœurs: fi l'on n'a pas foin de le former fur les plus excellens modèles, c'en eft la vie, il n'eft plus poffible de

fait

pour

(1) Ego optimos quidem & ftatim & femper, IDEM Lib. II, Cap. V, pag. 126,

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