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d'y satisfaire. Nous ne saurions trop le répéter, le nerf et la réussite de toute entreprise repose sur l'ordre : c'est pourquoi le législateur en a fait l'élément principal du commerce.

Art. 9. «Il est tenu de faire tous les ans, sous seing privé, un inventaire de ses effets mobiliers et immobiliers, et de ses dettes actives et passives, et de les copier, année par année, sur un registre spécial à ce destiné. >>

Le commerçant soucieux de ses intérêts doit faire tous les ans la balance de son actif et de son passif, afin de pouvoir constater, d'une année à l'autre, les bénéfices réalisés, ou les pertes qu'il a éprouvées. - Dans ce dernier cas, son inventaire lui indiquera les réformes à opérer, les dépenses à réduire ou à supprimer; il lui révélera souvent les abus qui se sont glissés dans l'administration de son commerce, ou les infidélités commises par ses employés, toutes choses qui, sans ce contrôle annuel, ne se découvriraient que trop tard ou quand leur importance amènerait un sinistre. Ce livre, comme le livre-journal et le registre de copie de lettres, est rigoureusement exigé : la loi a dit le commerçant est tenu. Les inventaires doivent être transcrits par ordre de dates, sans lacunes, blancs ou ratures, ni transports en marge, afin que, en cas

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de faillite, on ne puisse rien changer aux inventaires des années précédentes.

Art. 10. « Le livre-journal et le livre des inventaires seront paraphés et visés une fois par année.

» Le livre de copie de lettres ne sera pas soumis à cette formalité.

>> Tous seront tenus par ordre de dates, sans blancs, lacunes ni transports en marge. »

Les livres doivent établir, d'une manière véridique, toutes les opérations du commerce; c'est pour cela que la loi exige qu'ils soient paraphés et visés une fois par année. L'obligation du visa nous paraît indispensable, mais nous ne pensons pas qu'elle doive être répétée plusieurs fois sur les mêmes livres. Pendant les cinq ans de notre judicature, il ne nous en a pas été présenté qui ait déjà reçu cette formalité, et nous n'en avons pas même vu parapher un seul.

Si tous les commerçants du département de la Seine voulaient se conformer à cette prescription de la loi, les vingt-sept juges du tribunal consulaire ne suffiraient pas à cette besogne.

Les autres livres étant facultatifs et laissés au libre arbitre des commerçants, ne sont pas soumis à la formalité du visa; mais ils n'en doivent pas moins être tenus, comme les premiers, sans blancs ni transports

en marge, pour que l'on ne puisse dissimuler aucune opération, et que toutes soient portées jour par jour. S'il arrive que l'on inscrive que Pierre a payé cinq cents francs alors qu'on les lui a payés, au lieu de mettre en marge un renvoi rectificatif, il faut, par un article séparé, dire que c'est par erreur que Pierre est porté créancier de cinq cents francs; qu'au contraire, il est débiteur. C'est ce qu'on appelle contrepasser un article.

Art. 11. « Les livres dont la tenue est ordonnée par les articles 8 et 9 ci-dessus seront cotés, paraphés et visés, soit par les juges des tribunaux de commerce, soit par les maires ou adjoints, dans la forme ordinaire et sans frais. Les commerçants seront tenus de conserver ces livres pendant dix ans. »

Toujours en vue de la sincérité des écritures, la loi a voulu que tous les feuillets du livre-journal et du livre des inventaires fussent numérotés et paraphés par un juge, pour qu'il fût impossible d'en ajouter ou d'en retrancher. Dans les localités où il n'y a pas de tribunal de commerce, on doit s'adresser aux maires ou adjoints.

Beaucoup de commerçants ne se conforment pas à cette obligation, parce qu'ils ignorent avec quelle simplicité elle s'accomplit. Il suffit d'envoyer son livre au tribunal de commerce, avec cette mention : « Ce livre, contenant tant de feuillets, est destiné à servir de livre

journal à M..., épicier ou banquier, demeurant à Paris, rue..., n°... >>

Le juge transcrit cette mention sur la première page, qu'il signe; il cote les autres pages; et, quelques jours après, on fait reprendre son livre, le tout sans frais.

Les livres de commerce doivent être conservés pendant dix ans ; mais nous conseillons de les garder, ainsi que les lettres, le plus longtemps possible. Que ne donnerait-on pas souvent, pour avoir un livre, une lettre que l'on a détruit ou égaré?

Art. 12. Les livres de commerce, régulièrement tenus, peuvent être admis par le juge pour faire preuve, entre commerçants, pour faits de commerce. »

Il arrive souvent que deux commerçants honorables ne sont pas d'accord sur une livraison, un compte, un payement. On ne peut pas démêler la vérité, chacun d'eux s'exprimant avec la conviction de l'homme fort de son droit. Dans ce cas, le juge a recours aux écritures; si l'un présente des livres régulièrement tenus, c'est-àdire conformes aux prescriptions de la loi, et que l'autre ne puisse en faire autant, le premier devra gagner son procès.

Entre les personnes non commerçantes et les marchands, les livres font preuve. Ainsi, une personne règle son tapissier en billets, qui, n'étant pas payés à

leur échéance, sont plusieurs fois renouvelés. Au bout d'un certain temps, elle compte ses billets et se prétend libérée. Si le marchand n'a pas bien tenuses écritures, s'il n'a pas exactement énoncé les sommes employées au remboursement des effets renouvelés, il peut être débouté de sa demande en payement, sur l'inspection de ses livres mal tenus.

Art. 13. « Les livres que les individus faisant le commerce sont obligés de tenir, et pour lesquels ils n'auront pas observé les formalités ci-dessus prescrites, ne pourront être représentés, ni faire foi en justice, au profit de ceux qui les auront tenus; sans préjudice de ce qui sera réglé au livre des Faillites et banqueroutes. »

Les livres dont il est ici parlé, sont le journal et le livre des inventaires. S'ils ne sont ni cotés ni paraphés, le commerçant ne peut les produire à l'appui de ses prétentions. Au contraire, ils peuvent être invoqués contre lui par ses adversaires; et c'est justice! Celui qui ne veut pas se conformer aux prescriptions de la loi, ne peut se plaindre qu'elle ne le protége pas, puisqu'il n'a rien fait pour mériter son appui.

En cas de faillite, si ses livres sont mal tenus, le commerçant pourra être déclaré en banqueroute simple, et condamné à la prison. S'il a oublié d'inscrire des

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