Pour éviter l'inconvénient que nous signalons, beaucoup d'affaires sont mises au délibéré des juges de l'audience qui sont ainsi chargés d'écouter les parties dans leur cabinet, d'instruire l'affaire, d'en faire le rapport au tribunal et de préparer le jugement. Ce mode de procéder est un bienfait pour les justiciables, il ouvre la porte à la conciliation. Ceux qui ont été à même, soit comme arbitres, soit comme juges de présider à la solution de nombreux différends, ont pu apprécier les phases diverses qu'ils subissent, ainsi que les transformations successives qui s'opèrent avant d'arriver à une conclusion. Les parties qui n'ont pu s'entendre se séparent fâchées, avec l'intention d'en référer au tribunal. A ce moment, ce n'est pour chacune d'elles qu'une question d'argent; mais, du jour où la demande est formée, elles ne correspondent plus que par le ministère d'huissier; et, comme le papier timbré rend, avec plus ou moins d'exactitude, l'expression de leur pensée; qu'en général, ces sortes de missives ne sont pas des modèles d'urbanité, souvent la colère efface en partie l'inté-rêt de la demande; chacun veut gagner son procès pour prouver à son adversaire la justice de sa prétention. Renvoyés devant arbitre ou en délibéré, les adversaires sont presque toujours obligés de venir en personne, ils se voient, s'expliquent, le juge ou l'arbitre n'a pas de peine à leur faire comprendre le peu d'importance du procès et il les amène à une réconciliation, en leur faisant abandonner une partie de leurs prétentions, ou en les réduisant dans des limites raisonnables. Arrive alors la question de frais; ces hommes qui, tout à l'heure, étaient calmes, s'animent aussitôt, reprennent leurs prétentions abandonnées, ne veulent plus entendre parler d'arrangement et réclament avec instance, soit un jugement ou le dépôt du rapport. C'est que souvent ces frais représentent le quart ou la moitié et même quelquefois plus que le capital qui fait l'objet du procès. Il en serait tout autrement, si cela se passait devant une juridiction assimilée à celle des juges de paix. Lorsque les parties sont appelées en conciliation devant ces magistrats, il n'y a pas de frais. L'affaire n'est donc pas embarrassée d'accessoires qui nuisent à sa conclusion pacifique; en délibéré devant le juge consulaire, il y a au moins 25 ou 30 francs de dépens qui entravent ou empêchent le même résultat; il en est de même devant arbitre. Si nous avions besoin d'un exemple pour prouver le bien que le commerce retirerait de l'institution des juges de conciliation, nous dirions que, dans les der niers six mois de notre judicature, du 4 janvier au 17 juillet 1853, quatre-vingt-trois causes ont été mises à notre délibéré, et, malgré les difficultés que nous venons de signaler, nous sommes parvenus à en concilier trente-six, parmi lesquelles plusieurs avaient une certaine importance. Combien n'en aurions-nous pas concilié si elles avaient été dans les conditions de celles qui sont soumises à la juridiction des juges de paix ! Aussi, de la part des présidents de section, est-ce faire preuve de bonne administration judiciaire, que de ne pas juger certaines causes à l'audience et de réserver aux commerçants cette faible ressource de conciliation. Si notre projet était pris en considération, il faudrait nécessairement augmenter les membres du tribunal de commerce. Nous croyons que les juges appelés à ces nouvelles fonctions devraient être choisis exclusivement parmi les anciens juges, pour que l'autorité de leur expérience fût à la hauteur de leur mission. Ce complément de la justice consulaire produirait un bien immense, surtout pour le petit commerce. Il n'augmenterait pas le budget des dépenses et réduirait à peine les recettes du timbre et de l'enregistrement. CHAPITRE X. LES CHAMBRES SYNDICALES DES INSDUSTRIES. RÈGLEMENT DES MÉMOIRES. Puisque nous sommes amenés à parler des renvois devant arbitres,' nous en profiterons pour nous occuper d'une institution qui, existant déjà depuis longtemps, est à peine connue du public, et dont beaucoup de lecteurs, s'ils l'ont entendu nommer, ne se doutent pas des services qu'elle rend tous les jours; c'est l'organisation des chambres syndicales des industriels et commerçants. Le gouvernement ne sait pas non plus les avantages qu'il pourrait retirer des chambres syndicales, pour la moralisation du commerce et de l'industrie. On aurait tort de penser que leur fonctionnement sert exclusivement à sauvegarder les intérêts des industries qu'elles représentent, il s'y joint un íntérêt plus considérable, nous oserions même dire un intérêt général, comme nous allons le démontrer. Lorsque les tribunaux ont à juger, entre un acheteur et un vendeur, une difficulté qui repose sur l'appréciation de la qualité ou du prix, ils sont dans l'obligation, avant faire droit, de renvoyer les parties devant un arbitre, ou expert compétent, qui, après avoir écouté les dires de chacun, vérifié et apprécié l'objet vendu, en fixe la valeur et adresse ses observations et son règlement au tribunal sous forme de rapport. Toutes les fois qu'il s'agit de travaux de bâtiment, les experts sont choisis parmi les architectes ou vérificateurs; il en était de même, jusqu'en 1847, pour les fournitures d'ameublement et la carrosserie. · Dans certains cas, ces experts peuvent remplir convenablement leur mission; dans beaucoup d'autres, ils sont incapables, et leur choix est préjudiciable à la bonne administration de la justice en ce qu'ils égarent la religion des juges, et aux intérêts du fournisseur, qu'ils privent souvent du bénéfice qui lui est dû. S'il est une vérité incontestable, c'est que l'on ne sait que ce que l'on a appris; or, les vérificateurs les plus capables ne peuvent connaître toutes les branches |