CONDITIONS DES OUVRIERS DEPUIS LES TEMPS LES CORPS DE MÉTIERS. Aussi loin que l'on peut remonter dans l'histoire des peuples, on trouve le travailleur esclave. Les Juifs avaient des esclaves; Moïse leur disait : « Vous n'aurez point sur vos esclaves d'empire rigou reux; vous ne les opprimerez point. » Le christianisme abolit l'esclavage moral, mais celui du corps exista longtemps encore de fait. Saint Paul dit, dans son épître aux Colossiens : « Maîtres, rendez à vos esclaves ce que le droit et l'équité demandent de vous, sachant que vous avez un maître dans le ciel. » Les Lacédémoniens sont le premier peuple chez lequel on trouve cette institution. A la suite des guerres qu'ils firent à la confédération hellénique, ils réduisirent leurs prisonniers en esclavage. Plus tard, les autres peuples firent comme eux, et bientôt toute la Grèce eut des esclaves. Les Romains, qui briguaient les charges politiques et mettaient toute leur ambition à briller à la tribune ou à l'armée, n'exerçaient aucun métier. Un citoyen romain aurait cru déroger en se livrant à un travail manuel. L'agriculture seule était en honneur à Rome, et l'on a vu Cincinnatus, deux fois consul, quitter le commandement de l'armée pour retourner à la charrue. Mais cet exemple était si rare qu'il a été jugé digne de passer à la postérité. Tous les travaux étaient abandonnés aux esclaves. Il y avait de simples citoyens qui en possédaient cinq ou six cents; ils les tenaient à la disposition de ceux qui en avaient besoin. On louait des esclaves de toutes les professions des cordonniers, des tailleurs, des maîtres de danse, des musiciens, des médecins, des philosophes, des lecteurs, des grammairiens, des peintres, des statuaires, des poëtes. Phèdre et Plaute avaient été esclaves; Horace était le fils d'un affranchi. Les esclaves ne comptaient point comme hommes; ils faisaient partie d'une propriété, comme les animaux domestiques. Ils n'avaient aucun droit civil; tout ce qu'ils acquéraient tournait au profit de leur maître; ils étaient vendus au marché comme des meubles ou des bêtes de somme. Les premiers Romains traitaient leurs esclaves avec`` bonté; mais, lorsque la conquête eut amené à Rome la fortune et la corruption, la condition des esclaves devint de plus en plus pénible: on les regardait comme la partie la plus vile de la nation. Bientôt l'excès du pouvoir amena les abus de tout genre. Pour établir la sûreté de ces maîtres cruels, qui vivaient au milieu de leurs esclaves comme au milieu de leurs ennemis, un sénatus consulte et plusieurs autres lois furent rendus sous Auguste, d'après lesquels, lorsqu'un maître était tué, tous les esclaves qui habitaient sous le même toit, ou dans un lieu assez près de la maison pour qu'on pût entendre la voix d'un homme, étaient condamnés à mort. Si le maître était tué dans un voyage, on faisait mourir ceux qui étaient restés avec lui et ceux qui s'étaient enfuis. Tout propriétaire pouvait impunément tuer ses esclaves et les mettre à la torture. Si lui-même était accusé d'un crime, ses esclaves pouvaient encore être mis à la torture pour rendre témoignage. Constantin le Grand, au Ive siècle de l'ère chrétienne, fut le premier qui estima d'un même prix la vie de l'esclave et celle de l'homme libre, et déclara coupable d'homicide le maître qui, volontairement, avait donné la mort à son esclave: la parole de l'Évangile commençait à porter ses fruits. Quand les Francs conquirent les Gaules, ils firent cultiver les terres qui leur étaient échues par des esclaves qui y furent attachés. Le produit leur en était abandonné moyennant certaine redevance qu'ils devaient acquitter tant en nature qu'en argent. Ils faisaient partie intégrante de la propriété, et passaient avec elle à l'acquéreur quand il y avait transmission. Cette nouvelle condition, qui était le servage, apporta un adoucissement à l'esclavage; c'était un acheminement à l'émancipation. Sous l'esclavage des Romains, les grands travaux étaient exécutés par des corporations qui représen taient, à peu près, les compagnies industrielles de nos jours. Ces corporations disposaient de nombreux ouvriers de toute espèce; elles s'obligeaient à construire les villes, à les entretenir, à faire des routes; à recevoir les impôts, dont elles tenaient compte suivant une redevance; à pourvoir aux besoins des armées en campagne, etc. Lors de l'établissement des Francs dans les Gaules, ces corporations fonctionnaient, ainsi que toute l'administration romaine. Elles continuèrent à exister, et après l'affranchissement des serfs le travail, qui de sa nature tend à se spécialiser, se scinda par groupes industriels; de là l'origine des corps de métier. Cet état de choses dura jusqu'en 1155; mais, avec le temps, les semences jetées dans les esprits par le christianisme y développèrent des sentiments plus humains; et puis, la politique des rois de la troisième race les engagea à diminuer la puissance de leurs. grands vassaux en affranchissant les serfs. Louis le Gros en donna le premier l'exemple. Sous saint Louis Étienne Boileau, garde de la prévôté, fixa des règles à l'industrie et au commerce en créant les Établissements des métiers de Paris. « Ce sera toujours un grand honneur pour Louis IX d'avoir eu le premier la pensée de soumettre une telle armée |