: L'ouvrier qui ne travaille pas le lundi, indépendamment du prix de sa journée qu'il perd, fait des dépenses inutiles. Pour ne rien exagérer, estimons à 4 francs la perte de temps et les dépenses de ce chômage hebdomadaire comme il y a cinquante-deux lundis dans l'année, cela fait 208 francs par an, qui, multipliés par quarante, terme ordinaire des années de travail, donnent pour résultat une perte de 8,320 francs. Or, toute somme se double par les intérêts au bout de quatorze ans ; cette même somme placée tous les mois à la caisse d'épargne aurait produit à l'ouvrier 25,864 francs, capital plus que suffisant pour garantir sa vieillesse de la misère, et qu'il laisserait après sa mort à ses enfants comme un souvenir de son amour pour sa famille et un exemple à suivre de sage économie. Aussitôt qu'il se sera affranchi du service militaire, l'ouvrier devra se faire recevoir dans une société de secours mutuels. S'il en existe une qui soit spéciale à sa profession, c'est celle qu'il doit choisir de préférence. Il y trouvera des camarades avec lesquels il se liera, et qui pourront lui être utiles si l'ouvrage vient à manquer. Dans les réunions où se discutent les intérêts de la société, il prendra l'habitude de parler avec calme et raison. Vienne son tour de remplir une des fonctions qui font mouvoir si simplement ces institutions, il apprendra un peu d'administration et de comptabilité. Rien ne se perd dans la vie, et telle chose qui paraît indifférente aujourd'hui, trouvera plus tard son application. Célibataire, si la maladie le visite, indépendamment des secours en argent, du médecin et des médicaments qui lui seront fournis, il aura des amis, des frères qui ne l'abandonneront pas; ils viendront le voir, veiller à son chevet, et ne le quitteront que lorsqu'il sera redevenu bien portant, ou quand son nom ne sera plus qu'un souvenir sur cette terre. Marié, père de famille, les craintes de la gêne ou de la misère ne s'ajouteront pas à ses douleurs physiques. Il ne sera pas obligé de toucher à ses épargnes ou de recourir à l'emprunt. Tranquille sur les suites de sa maladie, il en guérira plus facilement. Vieux, il jouira d'une pension qui, avec les autres ressources qu'il aura amassées, l'aideront à finir doucement ses jours. Le gouvernement, en fondant les invalides civils, a voulu venir au secours des ouvriers du bâtiment; car malheureusement, chaque maison, chaque monument qui s'élève, est un champ de bataille qui a ses morts et ses blessés. La construction du Palais de l'In dustrie compte 588 blessés et 6 morts. Mais, beaucoup d'autres travailleurs, tels que les peintres, les miroitiers, et les hommes employés à la préparation du blanc de céruse, contractent au bout d'un certain temps des maladies ou des affections produites par l'insalubrité de leur état. Quelques-uns même ne peuvent plus le continuer. Il faut espérer que, plus tard, le gouvernement étendra le bienfait de cette institution, et qu'au moyen d'abonnements payés par les sociétés de secours mutuels, ou par les chambres syndicales, les ouvriers de toutes les industries pourront jouir de la faveur accordée aujourd'hui à ceux du bâtiment. On ne conçoit pas l'insouciance des travailleurs qui négligent de profiter des avantages qu'offrent les sociétés de secours mutuels; on ne saurait trop leur répéter qu'il est de leur intérêt de s'y faire recevoir; car si, dans le malheur, la pitié leur tend la main, il est toujours pénible d'y avoir recours. Et cependant la raison ne peut plaindre des hommes qui se sont volontairement réduits à cette dure extrémité. En dehors des causes que nous venons d'énumérer qui s'opposent au bonheur des ouvriers, il y en a une autre, et d'autant plus funeste qu'elle atteint même des ouvriers honnêtes et rangés. C'est la politique, ou pour mieux rendre notre pensée, le désir de réformes sociales qui s'est emparé des esprits de certains hommes, et leur fait méconnaître des avantages réels et qui sont à leur portée, pour des jouissances imaginaires et impossibles. C'est à tort que l'on supposerait que ce désir de changement, que cette aspiration vers un état de choses meilleur est un produit de notre temps; il suffit d'ouvrir l'histoire pour voir que, depuis le XIe siècle, à tous les instants et dans tous les pays, des hommes se sont levés pour réclamer, au nom des classes malheureuses, une réforme sociale souvent inapplicable. C'est Ponce en Provence, c'est Tanchelme en Flandre, Arnaud de Bresse en Italie, Valdo à Lyon, Pierre et Henri de Bruys en Languedoc. Au xe siècle, apparaissent en Allemagne les Stadings, adorateurs du diable, et en Italie les Flagellants, qui, par opposition au matérialisme et à la sensualité qui régnaient dans toutes les classes de la société, mortifiaient le corps au profit de l'esprit. Le XIVe siècle voit naître des réformateurs même au sein du clergé; ce sont des frères mineurs de la règle de Saint-François qui, sous le prétexte le plus frivole, celui du costume, se détachent de l'Église, forment en France, en Italie et plus tard en Allemagne, la secte des Frérots, qui se fond dans celle des Béguards qui avait succédé elle-même aux Vaudois. A côté des Béguards s'élèvent les Apostoliques qui eurent pour chefs Ségard et Dulcin. Enfin, les Lollards qui prirent leur nom de leur fondateur. A la même époque, la France voyait se former les Pastoureaux (ou Bergers) qui s'élevèrent un moment à cent mille hommes, presque tous armés, marchant sous le commandement d'un moine nommé Jacob, |