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lissant les corporations et fit renaître le commerce en supprimant les douanes intérieures. Mais, depuis, nous avons vu croître sur ce terrain, la concurrence illimitée, la multiplication des exploitations rurales avec un capital insuffisant et l'agriculture à la manière irlandaise. Une seule caste, avant 1789, était soumise à l'impôt, l'égalité devant la loi y a soumis toutes les autres. La répartition a été plus équi. table sans doute, mais le fardeau s'est singulièrement accru. La destruction des jurandes accorda la liberté à l'ouvrier, mais elle supprima la responsabilité des maîtres. La révolution donnait beaucoup, elle demandait davantage. Ainsi, dès les premiers pas, toute l'ancienne organisation sociale était profondément modifiée et les institutions nouvelles demeuraient soumises aux vieilles coutumes ou abandonnées au hasard. En émancipant les hommes, on leur laissait les fers aux pieds; la liberté allait leur devenir plus funeste que la servitude, au lieu de faire la guerre à leurs

maîtres, ils se la firent entre eux. Chacun sait les complications imprévues qui sont nées de cet état de choses. Ce fut un beau spectacle, sans doute, que de voir la lice ouverte à toutes les capacités; mais que de mécomptes! que d'espérances trompées ! que d'entreprises malheureuses! Les uns, en se précipitant vers le mariage comme vers la terre promise, n'engendrent que le paupérisme et ne recueillent que la misère; les autres, s'aventurant sans expérience dans les hasards de l'industrie, n'y rencontrèrent que la banqueroute, etc. ' »

Ainsi qu'on le voit, M. Blanqui, tout en proclamant les bienfaits de la liberté dont le commerce et l'industrie sont redevables au mouvement de 1789, en déplore les excès et les conséquences fâcheuses.

La liberté, en effet, plus que les autres

1 Histoire de l'économie politique.

institutions humaines, demande à être contenue dans de justes limites. Ce que l'on a jugé indispensable pour les autres classes du corps social était également utile pour l'industrie, non-seulement au point de vue du bien-être de ses membres, mais aussi dans un but de sécurité pour les gouvernements.

En posant le principe que tout citoyen est admissible à toutes les fonctions, et en supprimant les entraves qui empêchaient le mérite d'arriver, au profit exclusif de la naissance ou de l'incapacité, on a exigé avec raison de ceux qui veulent être admis dans la magistrature, l'armée ou l'administration, des conditions de savoir et de moralité qui offrissent des garanties au pays. Les officiers ministériels, indépendamment de la surveillance exercée sur chacun d'eux par les chambres disciplinaires, sont encore, pour certains cas relevant de leurs fonctions, justiciables des parquets.

Mais une fois le candidat admis dans une de

ces grandes familles de l'État, quelle que soit la modicité de sa place, il est tranquille sur son avenir; il se sent fort; il est un des anneaux d'une chaîne qui remonte du dernier employé au premier fonctionnaire. Il existe entre les membres de ces corporations un lien solidaire : chacun supporte sans se plaindre une retenue proportionnée à l'importance de son traitement, et au bout d'un temps de service limité sagement, il recueille sa part dans les fruits des épargnes communes. Certes, beaucoup de ces employés ne gagnent pas plus que les ouvriers des villes; plusieurs même gagnent moins. Cependant ils sont plus heureux. L'assurance contre la misère dans leurs dernières années suffit pour leur faire supporter patiemment la modestie de leur fortune et accepter sans plainte les privations de chaque jour. En temps de trouble, non-seulement ils ne participent aux révolutions ni en action, ni en pensée, mais ils les voient avec peine, car ils sentent que leur existence professionnelle est

attachée à la stabilité et à la prospérité de ce qui existe.

Mais l'ouvrier, quel lien l'attache au gouvernement? aucun. Il faut, dit-il, que l'on s'adresse à moi pour les besoins journaliers de la vie. Que m'importe que ce soit celui-ci ou un autre, mon fardeau n'en sera pas plus pesant, et il raisonne ainsi jusqu'au jour, où, nouveau Samson, il renverse dans sa colère et son aveuglement, les colonnes du temple, au risque d'être écrasé sous les décombres.

Pour éviter le renouvellement de pareilles catastrophes, pourquoi n'essaierait-on pas de faire, pour cette classe de déshérités, l'application du système de solidarité et de mutualité qui relie entre eux les membres des autres branches de la société? Et pour cela nous demandons la réorganisation du travail, une réorganisation en harmonie avec les mœurs et les institutions actuelles. Par ce 'moyen les ouvriers ne se trouveraient plus isolés au milieu

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