patriarcal. Les droits et la volonté des peuples ont été rarement consultés. La violence, la conquête, l'usurpation ont fondé la plupart des empires. Mais le temps, qui convertit la possession en propriété, a légitimé les gouvernemens, et l'acquiescement des peuples a couvert le vice de leur nais sance. Ne cherchons pas dans l'histoire les principes de la société civile: nous n'y trouverions que les erreurs et les crimes des hommes. Oublions les faits, pour ne nous occuper que du droit, et sans nous inquiéter de la véritable origine des gouvernemens, examinons comment ils se seroient formés, si la justice seule eût présidé à leur institution. Dans l'état de nature, ou de barbarie qui a précédé l'ordre social, il n'existoit ni lois, qui fixassent les droits respectifs, ni magistrats qui décidassent les contestations, ni force publique qui fit respecter les jugemens. Chacun ne reconnoissant de juge que soimême, la force individuelle devenoit la mesure et l'unique rè le du droit. Ainsi, l'état de nature étoit, non de droit, comme le dit Hobbes, mais par le fait, un état de guerre de tous contre tous, bellum omnium in omnes. C'étoit le chaos d'où devoit sortir le monde moral. Le premier pas que les hommes ont fait vers la civilisation, a été de former une peuplade par la réunion de plusieurs familles, dont les chefs délibérèrent entre eux sur les moyens de maintenir l'ordre, la paix, la sureté des biens et des personnes. Le fruit de cette délibération, ou le second pas vers l'état civil, fut de reconnoitre qu'il étoit nécessaire que tous les individus consentissent à soumettre leur volonté et l'emploi de leurs forces à la volonté d'un ou de plusieurs chefs, à qui l'on conféroit le droit d'ordonner de tout ce qui concernoit l'utilité comCette union de toutes les volontés et de toutes les forces particulières constitue le corps politique, ou l'Etat. mune. La société civile a pour but de réunir les volontés et les intérêts que les passions tendent à diviser, de réprimer les volontés particulières par la volonté générale, de ramener, de subordonner, du moins, les intérêts personnels à l'intérêt commun, de protéger les droits de chacun, de contenir l'injustice et la violence par la crainte du châtiment,. enfin de repousser les agressions et les entreprises injustes des autres Etats. : De là, comme l'observe Locke, dans son traité du gouvernement civil, trois pouvoirs, sans lesquels nulle société politique ne peut subsister. 19. Le pouvoir législatif, ou le droit de prescrire des règles de conduite, auxquelles tous les membres de l'Etat soient tenus de se conformer. 2o. Le pouvoir exécutif, ou le droit d'employer la force publique, pour assurer l'observation des lois. Sous le pouvoir exécutif est compris le pouvoir judiciaire, ou le droit de faire avec autorité l'application de la loi aux différens qui s'élèvent entre les citoyens. 3o. Le pouvoir fédératif, que j'aimerois mieux appeler défensif, lequel renferme le droit de la guerre et de la paix, les ligues, les alliances, les traités. Le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif ont pour objet les membres de la société. Le pouvoir défensif a pour objet les autres peuples, à l'égard desquels la société est dans l'état de nature, puisque antérieurement à toute convention positive, ils n'ont avec eile d'autres lois communes que celles de la justice naturelle et de l'liumanité. Le chef, le conseil ou l'assemblée, la personne naturelle ou morale en qui réside ce triple pouvoir, s'appelle le Souverain: La souveraineté emporte donc le droit de commander et de contraindre, et l'obligation de protéger. Dans la formation d'un Etat, il intervient trois conventions générales et fondamentales. En vertu de la première, un certain nombre de familles, jusqu'alors indépendantes, s'unissent en corps de nation. La seconde détermine la forme du gouvernement, institue les lois fondamentales, et choisit le Souverain. Par la troisième, le Souverain s'oblige à ne faire usage du pouvoir qui lui est confié, que pour le bien du peuple; et le peuple, de son côté, s'engage à faire tout ce que le Souverain ordonnera comme chef de l'Etat. 1 Une nation qui se constitue en état politique, peut vouloir, ou que l'administration de la chose publique appartienne à tous les citoyens réunis, ou qu'elle soit laissée à un certain ordre de citoyens établi et déterminé par A par une loi, ou que l'autorité toute entière soit abandonnée à une seule personne, O Toutes les formes de gouvernement, j'entends les formes simples, du mélange, desquelles se composent les formes mixtes, se réduisent donc à la Démocratie, ou l'empire du peuple, à l'Aristocratie, ou l'empire des nobles (optimates) à la Monarchie, ou l'empire d'un seul. Cunctas nationes et urbes, dit Tacite, populus, aut primores, aut singuli regunt. DMJ 1001 Chacune de ces trois formes est suscep tible de modifications, dont quelquesunes les différencient essentiellement, La Démocratie, où le peuple tout entier s'assemble pour délibérer, et gouverne, immédiatement, comme dans les anciennes répu bliques de la Grèce, et dans les comices de Rome, n'est pas la même que celle où il ne gouverne que par les représentans qu'il a nommés. L'aristocratie de Venise, où les nobles n'avoient d'autorité, que comme membres du sénat, ou des conseils assemblés, différoit de l'aristocratie polonaise, qui donnoit aux nobles, une autorité individuelle qu'ils exerçoient même hors de la diète. Enfin, la monarchie tempérée, où lif |