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eût vécu quelques années de plus, il eût vu que le peuple peut aussi s'entourer de courtisans, qu'il les choisit parmi les hommes. les plus pervers, et qu'il leur abandonne, non pas des pensions des cordons, des emplois, des bénéfices, mais, toute la puissance pu blique et toutes les fortunes particulières, i

Les flatteurs du peuple sont bien autrement dangereux que ceux des rois, parce que, de tous les Souverains, le plus méchant, le plus imbécille et le plus puissant, c'est le peuple. La tyrannie d'un mauvais prince trouve ses bornes dans celles de son pouvoir, dans l'opinion publique, dans le soin de sa propre surete. La tyrannie du peuple ne connoît pas de frein. La force du peuple est irrésistible. L'opinion publique, qui n'est que sa propre voix, justifie et consacre tous ses crimes. Cruel, parce qu'il est lâche, crédule parce qu'il est ignorant et peureux, il ne se croit en sureté, qu'autant qu'il immole à ses soupçons toutes les victimes que lui désignent ses agitateurs. Séjan et Narcisse ont fait couler moins de sang qu'Hebert et Marat. Détestons les flatteurs des rois, mais abhorrons les flatteurs du peuple, et n'oublions jamais que le véritable ami des

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peuples et des Souverains, le sage adminis trateur est celui qui tient pour maxime;

Faites tout pour le peuple, et jamais rien par lui."

Avant de terminer ce chapitre, je dois aller au devant d'une fausse conséquence que pourroit en tirer un lecteur peu attentif, en transportant à tous les Etats popu laires ce que j'ai dit de ces assemblées, où la multitude entreprend de se créer des lois

et un Gouvernement.

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Je l'ai dit, dès les premières pages. Tous lés Gouvernemens sont bons, quand ils sont bien administrés. La démocratie n'est pas mauvaise en elle-même.. Ses inconvéniens naturels peuvent, en certaines circonstances, être compensés par des avantages équivalens ou supérieurs. Elle convient à certains peuples, et sur tout à des nations peu nombreuses, peu riches, et assez heureuses, pour avoir conservé cette simplicité de

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moeurs, cette frugalité, cet amour de la la patrie qui ne se retrouvent plus chez les nations opulentes.

Ce n'est point à ces peuples, et à ces Gouvernemens consacrés par une longue habitude, que s'applique ce que je disois tout-à-l'heure des assemblées populaires..

La force de la Constitution, l'esprit et les moeurs publiques, de respect pour la loi y préviennent les abus de la liberté. Tant qu'ils demeureront vertueux, ces peuples pourront être Souverains impunement. Car le plus grand vice de la dé mocratie est sa foiblesse, et un peuple que gouverne la vertu, n'a pas besoin que son Gouvernement politique ait une grande for

ce.

Dans ces heureuses démocraties, les assemblées populaires, assujetties à des formes invariables, et ouvertes à une discussion sage et paisible, ne s'occupent que des maintenir le Gouvernement et de faire exécuter les lois. Et ces lois, ce Gouvernement ne sont pas l'ouvrage d'une multitude igno-> rante et passionnée, mais le fruit des profon des réflexions d'un homme d'Etat, en qui les peuples révèrent le caractère sacré de législateur Loript log bold af Il n'en est pas ainsi d'une nation corrompue qui n'aspire à la liberté, que pour se couer le joug des lois, d'une nation désor-,, ganisée par une, rebellion subite et générale,», qui entreprend elle-même de recomposer son, gouvernement, et qui fonde sa nouvelle constitution sur la violation ouverte du droit de

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propriété, pour la conservation duquel les sociétés politiques ont été principalement instituées. C'est là que les assemblées populaires sont des attroupemens séditieux, où des hommes sans lumières sans principes, sans propriété, sans intérêt au bon ofdre ne portent que le voeu de la licence et de la cupidité, où la multitude est toujours entranée par l'éloquence grossière et l'audace de quelques démagoguos où une minorité insolente commande la terreus, et emporte de vive force toutes les délibérations; où enfin, le nom et les droits du peuple sont prostitués à une populace grossie de l'écume des conditions supérieures. Une nation semblableţisbus un gouvernement ferme et vigoureux; peut jouir encore de la liberté civile ; mais elle lu perd infailliblement, et sans retour, tant qu'elles ose prétendre à la liberté politique.

* La liberté dit a Piousseau, dans ses «Considerations sur le Gouvernement des

Pologne est un aliment de bon-suc, mais, « de forte digestion, faut des estomaes «<< bien sains pour le supporter. Je ris de «-ces peuples avilis qui se laissant ameuter, << par des ligueurs, osent parler de liberté,

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"sans en avoir l'idée, et le coeur plein de tous les vices des esclaves, s'imaginent,

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» que pour être libres, il suffit d'être des

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On peut distinguer deux sortes d'insurection, l'insurrection générale, et l'insurrection partielle. Par l'insurrection générale, une nation entière, ou la plus grande partie d'une nation se soulève contre la puissance publique. Par l'insurrection partielle, il se forme dans l'Etat des factions qui attaquent à force ouverte le gouvernement établi, airi

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Du principe de la souveraineté du peu ple découle nécessairement le droit d'insur rection générale., Le peuple étant le véritable Souverain, ceux qui gouverneriti ne sont que ses mandataires: il peut les révoquer, s'ils viennent à perdre sa confiance; et comme ils ont toujours quelque force en ee main, et rarement assez de modération pour céder volontairement au voeu du peuple, ces n'est, ordinairement, que par l'insurrection,

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