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deux Rois étoient des princes humains, à qui l'histoire ne reprochera que de n'avoir pas su tenir d'une main assez ferme les rénes du Gouvernement. L'Angleterre, depuis un siècle et demi, expie tous les ans, par un jeune solennel, le meurtre de l'infortuné Charles I. Le temps n'est pas éloigné, peut-être, où la France dressera des autels au vertueux Louis XVI,

Le droit d'insurrection n'est pas moins funeste aux peuples qui le réclament, qu'aux Souverains contre lesquels il est dirigé; et presque toujours, la nation qui a renversé le trône, est écrasée sous les débris. On peut établir comme maxime générale, que toute révolu tion dans un Etat se fait aux dépens du peuple. Mais cette maxime est d'une vérité encore plus sensible, à l'égard des révolutions qui se font au nom du peuple, sous le prétexte de son intérêt, en empruntant ses forces, et le faisant intervenir comme acteur principal. Dans les révolutions produites par la rivalité de deux Princes, ou de deux partis qui se disputent le pouvoir, l'Etat est déchiré par la guerre civile: mais la religion, les lois, les tribunaux, les propriétés, les moeurs, tous les fondemens de la société de

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meurent. L'Etat a changé de maître, les principes du Gouvernement ont été modi❤ fiés: mais il reste un Etat et un Gouver nement. La machine politique, ébranlée par une secousse momentanée, reprend son mouvement accoutumé; et le plus souvent, les suites de la révolution n'atteignent pas la masse de la nation.

Il en est bien autrement d'une révolu tion populaire. Un peuple qui se soulève en masse, ne prétend pas disputer l'autorité, il veut l'anéantir. Il veut être libre, et ne croit l'être, que lorsqu'il se voit au-dessus de toutes les lois. Il ne sait ni arrêter ses vues, ni borner ses projets, ni mesurer ses coups. Dans les institutions les plus sages, il ne voit que les abus. Fort pour la destruction, impuissant pour la réforme, sa marche fougueuse et irrésistible n'est marquée que par ruines,

gaudetque viam fecisse ruiná,

et sa révolution ne lui paroît qu'ébauchée, tant qu'il reste encore quelque chose à renverser. Les autres révolutions sont pour les Etats des maladies violentes, mais passa gères, qui souvent les raniment, et leur donnent une nouvelle vigueur: les révolu

tions populaires amènent la désorganisation totale, et la mort du corps politique.

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Après avoir plongé dans un abyme de maux le Souverain et la nation, le droit d'insurrection finit par renverser, tôt ou tard, les factieux qui lui doivent leurs succès. C'est un instrument de troubles et de séditions, toujours dirigé contre le pouvoir dominant, quel qu'il soit, légitime, ou usurpateur. Lorsqu'elle plaçoit la résistance à l'oppression parmi les droits essentiels de l'homme et du citoyen, l'Assemblée constituante étoit plus occupée des moyens de détruire la monarchie, que du soin d'affermir la nouvelle constitutiou qu'elle méditoit. Elle éprouva bientôt que, sur une pareille base, il étoit impossible d'asseoir un édifice solide. Le droit d'insurrection avoit assuré le triomphe des rebelles: il précipita la chute des législateurs,

L'exemple une fois donné, le principe solennellement établi, les partis se formerent à l'abri de la loi, et vingt factions, tour-àtour opprimées et triomphantes, firent couler des fleuves de sang, en invoquant le plus saint des devoirs. Enfin, la Convention nationale qui devoit tout son pouvoir, et jus

qu'à son existence au dogme de l'insurrection, a compris qu'elle ne pouvoit se maintenir, qu'en le proscrivant. Elle s'est crue assez forte pour ravir aux citoyens un de leurs droits naturels et impréscriptibles: elle a même osé leur parler de devoirs et de soumission,

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Voici comme elle s'exprime dans la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qu'elle a mise en tête de la Constitution dé crétée en 1795. Article XVII, la souveraineté réside essentiellement dans l'universalité des citoyens. Article XVIII. Nul individu, et nulle réunion partielle de ci» toyens ne peut s'attribuer la souveraineté. Et au titre des devoirs, article III, les obligations de chacun envers la société consistent à la défendre, à la servir, à vivre soumis aux lois, et à respecter ceux qui en sont les organes. "

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C'est ainsi que les brigands reviennent aux principes de la justice, quand il s'agit de partager le butin,

Mais, dans la république française, comme dans les attroupemens de voleurs, la politique et la morale n'ont d'autre fondement que l'intérêt des passions et du moment,

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d'autre appui que la force. Vainement les délégués d'un peuple souverain entreprendroient de lui imposer des devoirs, s'ils n'étoient soutenus par ces légions innombrables qu'ils nourrissent, en affamant les créanciers de l'Etat. Ces maximes philosophiques, qui sont en contradiction avec tous les principes de la Révolution, n'attacheront pas les coeurs et les consciences au Gouvernement républicain. Elles ne préviendront pas une seule insurrection; et lorsqu'enfin l'arme de la terreur sera émoussée, ce peuple que des suggestions perfides et des manoeuvres infernales avoient soulevé contre un Gouvernement, sous lequel il vivoit heureux et paisible, brisera les chaînes qu'il s'est forgées lui-même. Il apprendra, non de ses tyrans, mais de la religion, qu'il doit être soumis aux lois, et respecter ceux qui en sont les organes. Il se dira que, si la révolte contre l'autorité légitime est un crime aux yeux de Dieu et de la société, l'insurrection contre des usurpateurs couverts du sang de leur Roi est le plus saint, des de voirs.

Le pouvoir qui gouverne la France au jourd'hui ne peut invoquer aucun des prin

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