Page images
PDF
EPUB

un seul gouverne selon des lois fixes et reconnues, ne doit pas être confondue avec le Despotisme, où un seul gouverne, sans autre loi que sa volonté.

Montesquieu, et la plupart des publicistes divisent les gouvernemens en Despotisme, Monarchie, et République. Cette division me semble peu exacte. D'une part, le despotisme n'est que l'abus et la corruption de la monarchie: de l'autre, la démocratie et l'aristocratie n'ont rien de commun, et ne doivent pas être comprises sous une même dénomination. Si l'on veut parler avec justesse et précision, il n'y a que les démocraties qui puissent s'appeler républiques.

De ces trois formes de gouvernement, quelle est la plus parfaite? Question insensée, répond le célèbre Pope, le meilleur gouvernement est celui qui est le mieux administré :

for forms of governement let fools contest:
whate er is best administer'd, is best.

Mais la question revient, et l'on demandera quelle est la forme de gouvernement qui se prête plus aisément à une bonne administration.

Tous les gouvernemens ont leurs avantages et leurs inconvéniens propres. La paix et la liberté sont les deux grands biens que les hommes ont prétendu s'assurer, en se donnant des lois et un gouvernement. Mais il n'est pas facile de concilier ces deux intérêts. La démocratie ne conserve la liberté des individus, qu'aux dépens de la tranquillité publique. La monarchie est plus favorable à la paixintérieure qu'à la liberté. L'aristocratie maintient la paix, ou la liberté, selon qu'elle est héréditaire ou élective, c'est-à-dire, selon qu'elle se rapproche de la monarchie ou de la démocratie.

Dans les institutions humaines, la perfection absolue est une chimère. Les gouvernemens ne sont susceptibles que d'une perfection relative. Il ne faut pas demander quel est le gouvernement le plus parfait, mais quel est celui qui convient le mieux au climat, au caractère, aux moeurs, aux habitudes, aux préjugés d'une nation. J'ai donné aux Athéniens, disoit Solon, non les meilleures lois possibles, mais les meilleures qu'ils pussent recevoir.

Plus un gouvernement est ancien, plus en général il approche de la perfection. Car

ப்

[ocr errors]

on doit penser qu'il n'a subsisté si longtemps, que parce qu'il a trouvé, ou rendu le caractère de la nation conforme à ses principes. Non par opinion, mais en vérité, dit le bon et judicieux Montagne, l'excellente et meilleure police est à chacune nation celle sous laquelle elle s'est „maintenue. Sa forme et commodité essentielle dépend de l'usage ..es affaires

[ocr errors]

publiques, il n'est aucun si mauvais train, pourvu qu'il ait: de l'âge et de la consistence, qui ne vaille mieux que le chan»gement et le remuement. “

Un autre moyen d'apprécier les gouvernemens, c'est d'examiner l'état des peuples. La tranquillité intérieure, la prospérité du commerce, les progrès de l'industrie, et par dessus tout l'accroissement de la population sont des caractères auxquels on reconnoît un gouvernement sage et bien constitué. Par-tout où le peuple est heureux, le gouvernement est bon. C'est donc par les faits qu'il faut juger les gouvernemens, et non par des principes spéculatifs sur lesquels on disputeroit éternellement. En politique, comme en physique, l'expérience vaut mieux que les systèmes.

Cependant il faut convenir que les gouvernemens extrêmes, le despotisme et la démocratie pure, sans mélange d'aristocratie, sont essentiellement vicieux. Le despotisme, parce qu'il opprime et anéantit toute liberté, la démocratie pure, parce qu'elle mène infailliblement à l'anarchie, et détruit la liberté par l'excès de la liberté. Dans l'un c'est la tyrannie d'un seul: dans l'autre, c'est la tyrannie de la multitude, mille fois plus cruelle que celle d'un despote.

[ocr errors]

Le despotisme est une monarchie sans lois, où les sujets n'ont point de droits à l'égard du Souverain, où la volonté du maître est le seul titre de propriété. La démocratie pure ne diffère presque pas de l'état de nature, l'une et l'autre ayant pour principes la liberté et l'égalité: elle annonce l'enfance, ou la dissolution de la société.

Le pire des Etats, c'est l'Etat populaire (*). Burlamaqui a très-bien défini ce gouvernement, en disant qu'il n'a rien de bon, que la liberté qu'il laisse au peuple d'en choisir un meilleur.

La sureté personnelle, la liberté, le droit de propriété n'existent, et ne peuvent se (*) Cinna.

[ocr errors]

maintenir que sous les gouvernemens modérés. Mais que faut-il entendre gouvernement modéré ?

par un

Les gouvernemens modérés, quelle que soit leur forme et leur dénomination, sont ceux où les sujets n'ont à souffrir ni des excès d'une entière liberté, ni de la géne d'une entière servitude: nec totam servitutem, nec totam libertatem (*). Ce sont les gouvernemens où l'on reconnoît une Constitution, c'est-à-dire, des lois fondamentales qui fixent, restreignent et dirigent l'exercice du pouvoir souverain. Dans tout gouvernement, où nul citoyen ne peut être privé de ses biens, de sa liberté, de la vie, que par un jugement public rendu conformément à des lois, et selon des formes reçues; dans tout gouvernement, où il est permis d'appeler de la volonté arbitraire du Souverain à sa volonté légale, il existe une constitution plus ou moins parfaite, selon que la propriété, la liberté, la sureté des citoyens, et la tranquillité publique sont plus ou moins assurées.

Il n'en existe point dans le despotisme et dans la démocratie pure, parce que le despote

Tacit.

« PreviousContinue »