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avoir franchi celle des lois. Les bons prin-
ces affermissent eux-mêmes ces bornes: les
mauvais princes craignent de les ébranler,
parce qu'ils n'ignorent pas que, si elles dé-
fendent le peuple contre le Souverain, elles
sont aussi pour le Souverain un
le Souverain un rempart
contre les attentats du peuple,

3o, le Prince, en montant sur le trône, promet, ou expressément, ou tacitement de gouverner selon la justice. Cette promesse générale n'est pas vaine aux yeux d'un prince religieux: elle lui impose une véritable obligation dans l'ordre moral; mais on ne peut pas dire qu'elle limite son pouvoir dans l'ordre politique, parce que, si d'ailleurs, la Constitution remet toute l'autorité entré ses mains, c'est à lui seul qu'il appartient de prononcer sur ce que demande une bonne et juste administration.

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Un peuple qui auroit voulu partager avec le Prince l'autorité souveraine, et se réserver le droit de lui demander compte de son gouvernement, n'auroit pas manqué de fixer avec précision les limites de son pouvoir, et de marquer nommément les cas, où il seroit convaincu de les avoir outre-passées. Il ne se seroit pas contenté de lui faire pro

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mettre qu'il veilleroit au bien de l'Etat, et ne s'écarteroit jamais des principes de la justice. Ces termes vagues que chacun peut interpréter comme il veut, et auxquels le prince le plus absolu ne peut s'empêcher de souscrire, ne sont nullement propres à régler les droits respectifs des deux parties contrac tantes. Lors donc qu'ils se trouvent énoncés dans le serment d'inauguration, sans spécification des cas où la justice et le bien de l'Etat seroient censés compromis, ils ne peuvent avoir d'autre effet, que de rappeler à la conscience du Prince le but de l'autorité souveraine, et l'usage qu'il en doit faire. Outre ces promesses générales, qui sont

deo

droit, il peut arriver que le, Souverain se lie volontairement par une promesse particulière de gouverner selon certaines lois, ou certaines maximes. C'est ainsi que plusieurs des successeurs de Philippe le Bel s'engagerent à ne faire aucun changement dans les monnoies. Une semblable promesse ne peut être envisagée que comme une interprétation de la promesse générale, et ne produit pas une obligation d'un autre genre. Le Souve rain qui l'a faite librement n'a pas entendu donner à ses sujets le droit d'employer la

force

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force pour le contraindre à l'observer: il n'a engagé que son caractère moral, et sa réputation. Il en est, à cet égard, du Prince, comme d'un père de famille qui, malgré l'inexécution d'une promesse faite à ses enfans, ne cesse pas d'être le chef de la famille, et le maître de la maison. En général, ces sortes de promesses, de la part de ceux qui sont constitués en autorité ne donnent qu'un droit imparfait, parce que l'inférieur ne peut exercer le droit de contrainte à l'égard du supé rieur.

4. Dans les Etats monarchiques, il existe des corps politiques établis pour éclairer la religion du Prince, et faire parvenir jusqu'à lui les demandes, et les justes doléances de ses sujets. Si la Constitution de l'Etat leur attribue le droit d'intervenir dans le gouvernement, leur autorité est la limite de l'autorité du monarque, avec qui ils partagent, en certaines occasions, le droit de souveraineté. Mais dans les monarchies absolues, ces corps n'ont pas une autorité de jurisdiction, à laquelle le Souverain puisse être contraint de déférer. Ils ont le droit de remontrer: mais, là finit leur ministère: au Prince seul appartient la décision finale.

S'il en étoit autrement, "dit Charles IX dans un édit dressé par le Chancelier de 'Hopital, l'un des plus grands hommes d'Etat qu'ait eus la France,,, l'autorité royale seroit >>sujette aux volontés de ses officiers, ce qui > seroit trop préjudiciable à la majesté d'un >>> roi de France, laquelle est si pleine et si » absolue, qu'elle se laisse bien modérer aux remontrances d'un sénat, mais non jamais » s'y assujettir. »

Telle étoit bien plus anciennement encore la Constitution de la monarchie française.

» Le Roi, dit Beaumanoir, est souverain » par dessus tous, et a de son droit le général » garde du réaulme. Pourquoi il puet (il » peut) faire liex, (lois) établissemens, » comme il li plest pour le quemun (com» mun) profict, et che que il établit i doit » être tenu.'»

» Le Roi de France, dit Boutillier, est » roi et Empereur en son royaume, et il puet "faire loi et édit à son plaisir."...

De l'aveu de l'abbé de Mably, les Etats de 1355, qui n'étoient nullement disposés à se relâcher de leurs droits, avouoient, comme

un principe incontestable, que le Roi seul pouvoit faire des lois.

C'est encore ce que prouve l'ancien style des édits et ordonnances, de notre certuiné science, pleine puissance et autorité royale. Voulons et nous plaît. Car tel est notre plaisir, ou notre volonté. Formules que des légistes ignorans ont tenté de rendre odieuses, et qui n'étoient que des monumens respecta bles de notre antique Constitution.

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5. Enfin, dans tous les gouvernemens constitués, même dans les monarchies abso lues, il existe des lois fondamentales, dont le Prince ne peut jamais s'écarter, et contre lesquelles toute sa puissance viendroit se briser. Tout ce qu'il attenteroit, au mépris de ces lois sacrées, seroit nul de plein droit, parce qu'il y auroit, non pas simplement abus, mais défaut de pouvoir... undergon elle

Prenons pour exemple la Constitution de la monarchie française. L'ordre de la succes sion au trone, fondé sur une coutume plus forte que la loi même, la loi même, parce qu'elle est » gravée, comme s'exprimoit l'avocat-général » Bignon, non dans du marbre,

ou du

» cuivre, mais dans le coeur des Français »‡ la distinction et les privileges des trois Ordres,

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