le Clergé, la Noblesse et le Tiers-état; le droit particulier et les capitulations des différentes provinces; la nécessité du consentement de lanation pour les impositions nouvelles; l'enregistrement, ou la publication des lois par les cours souveraines, au défaut d'une acceptation faite en Etats-Généraux; le droit acquis à tout citoyen de ne pouvoir être jugé que par les tribunaux établis, et selon des formes reconnues; l'inamovibilité des offices, sinon en cas de forfaiture jugée; l'inaliénabilité des domaines de la couronne etc. Telles sont les lois fondamentales qui composent le droit public de la France. 1 Ce n'est point à ces lois premières et constitutives de l'Etat, que s'applique la maxime, si veut le Roi, si veut la loi; mais seulement aux lois secondaires et d'administration, lesquelles reçoivent toute leur force de l'autorité du Roi, lors même qu'elles sont portées d'après le voeu unanime des trois Ordres du royaume. Le Roi ne règne que par la loi, et n'a puissance de faire toute chose à son appétit. En lui déférant la puissance législative pour tout ce qui a rapport au gouvernement, la Constitution le soumet à des lois qu'il n'a pas faites, qui sont l'expression de la volonté nationale, soit à la naissance de la monarchie, soit à des époques plus récen tes, et qui ne peuvent être abrogées que sur la demande, ou du consentement exprès de la nation convoquée et assemblée selon les formes antiques et légitimes. Plus d'une Q fois, nos rois ont déclaré solennellement qu'ils étoient dans l'heureuse impuissance de violer ces lois constitutives. Mais, s'il arrive que le Prince entreprenne de porter atteinte aux lois fondainentales de l'Etat, quelle est la nature de la résistance qu'il est permis de lui opposer? quel en sera le terme? Un Prince qui excède son autorité, ne la perd pas; et dès-lors, il n'est pas permis de lui résister à main armée. Les sujets n'ont pas le droit de guerre contre le Souverain, à qui seul il appartient de disposer de la force publique. Il faut donc se borner à la résistance négative: il faut, en refusant d'obtempérer à des ordres illégaux, conserver le sentiment et l'habitude de la soumission, dans tout ce qui n'est pas évidemment con 3 1 traire à la Constitution de l'Etat; car, pour les cas douteux, l'autorité qui a la possession, doit aussi avoir la provision. Il faut ne ja 1 " I 76 t mais oublier que le Souverain est le père commun; et comme un fils bien né ne se permet pas de résister à force ouverte aux volontés injustes d'un père, après avoir épuisé les prières, les remontrances, les protestations, il ne reste aux sujets que d'attendre le redressement des torts dont ils se plaignent, ou du prince mieux conseillé, ou de son successeur. 1 C'est par ce mélange de fermeté et de modération, que les Parlemens ont souvent arrété les entreprises de certains rois trop épris du pouvoir arbitraire, et que, sans ébranler l'Etat, ils nous ont conservé jus qu'à ces derniers temps la Constitution française, sinon dans toute son intégrité, du moins, sans autres altérations que celles qu'amènent presque nécessairement le cours des siècles, le changement des moeurs et l'instabilité des choses humaines, · Si, dans des conjonctures difficiles, et même de nos jours, ces compagnies ont quelquefois dépassé les bornes que les tois du voyaume prescrivoient à leur résistance, il ne faut en accuser que les principes de la Révolution qui, diversement modifiés selon le génie des temps, suscitèrent les factions Q n ret Nerd me des Bourguignons et des Armagnacs, allume rent la guerre de la Ligue, fomentèrent les troubles de la Fronde, et qui depuis, à la faveur du philosophisme, se glissoient insensiblement dans l'esprit des jeunes magistrats, et y portoient l'amour des systèmes, et le mépris des anciennes maximes. Mais, encore une fois, si le Prince ne fait servir la force publique qu'à opprimer ses sujets, s'il dispose arbitrairement des propriétés, de l'honneur, de la vie des citoyens, si, en un mot, il gouverne en tyran, faudra-t-il encore se renfermer dans les bornes d'une résistance purement négative? Ne sera-t-il pas permis, dans ce cas d'une défense légitime, de repousser la force par la force, et de renverser une autorité dont l'abus seroit si manifeste et si intolérable? Question odieuse, imprudente et inutile! Ce n'est pas en Europe, parmi les nations chrétiennes, et dans nos gouvernemens mo dernes, que s'éleveront des Phalaris et des Néron. Les maximes d'une religion qui ne respire que la douceur et l'humanité, l'esprit général, et les moeurs publiques adoucies par les lettres, les relations politiques et commerciales des différens Etats, la distinction xx : et les droits reconnus des divers ordres de la société opposent une digue insurmontable à ce débordement de la tyrannie. Et en effet, parmi tant de milliers de souverains, l'histoire de l'Europe compte quelques mauvais princes; mais dans aucun temps, chez aucun peuple, elle ne nous montre une succession de tyrans semblables au plus grand nombre des Empereurs romains. C'est pour le cours ordinaire, et non pour des cas que l'on ne doit pas prévoir que sont faits les principes. Ex his quae fortè uno aliquo casu accidere possunt, jura non constituuntur, *) Cependant, s'il arrivoit que le ciel, dans sa colère, plaçât sur le trône un de ces monstrés qui sont moins les rois que les bourreaux de leurs sujets, il resteroit un remède plus légitime, et moins dangereux que la revolte. Ce seroit de donner à ce prince furieux ou imbécille un tuteur qui gouverneroit en son nom. Cette mesure, dont nous avons un exemple dans notre histoire, assureroit la tranquillité publique, et conserveroit le respect dù à la puissance souve (*) Digest. L. 1. Tit. 3. |