raine, La loi qui, dans les monarchies héréditaires, nomme un Régent pendant la mi norité du Roi, s'applique à tous les cas, où le souverain se montre incapable de gouverner par lui-même, Enfin, pour suivre l'hypothèse jusqu'où elle peut aller, supposons un prince forcené qui se déclare ouvertement l'ennemi de son peuple, et à qui l'on ne puisse opposer la mesure légale de l'interdiction. Quelle sera, dans ce cas extrême, la ressource du peuple? Je trouve la réponse à cette question dans les écrits des deux plus célèbres défenseurs de l'autorité royale, » Si des sujets, dit Bossuet, ne doivent » plus rien à un Roi qui abdique la royauté, » ou qui abandonne tout-à-fait le gouver» nement, que penserons - nous d'un Roi qui >> entreprendroit de verser le sang de tous » ses sujets, et qui, las de massacrer, en ven» droit le reste aux étrangers? Peut-on re » noncer plus ouvertement à les avoir pour » sujets, ni se déclarer plus hautement, non plus le Roi et le père, mais l'ennemi de » tout son peuple. C'est ce que fit Antio» chus à l'égard de tous les Juifs. » (*) *) Politiq. sacrée. L Guillaume Barclai, dans sa défense des Rois, demande s'il ne peut exister aucun cas, où il soit permis au peuple de se soulever contre un prince qui abuse de son autorité. Il répond que le peuple ne peut rien contre 1 lui, à moins qu'il n'ait commis quelque 4 crime qui lui fasse perdre le droit et la qua lité de Roi. Car, alors, il se dépouille luimême de sa dignité, et il n'est plus qu'un homme privé. Mais, continue Barclai, je ne connois que deux cas, où un Roi, se dégradant lui-même, perd le titre de son autorité. L'un arrive, lorsqu'un Prince entreprend de renver ser l'Etat, comme l'histoire le rapporte de Caligula et de Néron. Un Roi qui forme et manifeste un pareil dessein, abdique par là même, et perd l'autorité qu'il avoit sur ses sujets, comme un maître perd tout droit sur un esclave qu'il abandonne. L'autre cas arrive, quand un Roi soumet à une puissance étrangère le royaume indépendant qu'il avoit reçu du peuple et de ses ancêtres. En assujettissant, contre son gré, un peuple dont il étoit obligé de défendre l'indépendance, il dénature essentiellement l'autorité qui lui étoit confiée, il ne confère aucun droit à ce lui auquel il se soumet, et le peuple, devenu libre à son égard, peut se gouverner désormais comme il juge à propos. Quoi qu'il en soit de cette seconde décision que tous les Publicistes n'adopteroient pas, s'il s'agissoit d'un Prince qui se verroit contraint par une guerre malheureuse de se rendre tributaire ou vassal d'une puissance étrangère, on peut avouer, avec Barclai, qu'un Prince perd le droit et la qualité de roi, lorsque, foulant aux pieds les lois civiles, et les lois constitutives de son Etat, il se déclare hautement, comme dit Bossuet non plus le Roi et le père, mais l'ennemi de son peuple, 單 L'Etat est un vaisseau dont le Roi est le capitaine et le pilote. Lui seul a droit de commander la manoeuvre. S'il paroit s'écarter de la route, il faut attendre qu'il y rentre de lui-même : les passagers peuvent l'avertir de son erreur, mais non lui arracher le gouvernail. Cependant, s'il est évident que toutes les manoeuvres tendent à faire briser le vaisseau contre des rochers, dans ce moment d'un péril imminent et général, le salut public, qui est la loi suprême, l'emporte sur la loi de l'obéissance qui, loin de A 4 sauver l'équipage, le feroit périr infailliblement. Ce parti extrême, et toujours infiniment dangereux, ne peut être justifié, que par cette nécessité extrême qui ne connoit point de loi, Les fautes de l'administration, la dissipation et le désordre des finances, les vexations particulières, en un mot, les passions et les vices du Souverain ne réduisent pas la société entière à cet état de danger évident, -dont on ne puisse se garantir, qu'en supposant le Prince déchu de son autorité. Il est certain, au contraire, que l'Etat sera continuellement en péril, si le peuple se croit autorisé à réprimer par la force tous les abus de la puissance souveraine; car de ce prétexte naîtront des partis et des guerres ciwiles plus funestes que les abus du Gouver nement. Il est de l'intérêt public, et par conséquent, du devoir de tous les citoyens, de supporter des maux partiels et passagers, plutôt que de s'exposer aux calamités effroyables qu'entraînent les révolutions et le bouleversement des Empires. Du reste, autre chose sont les principes, autre chose est la marche ordinaire des affaires et des hommes. En principe, il faut tenir pour certain, que l'abus de l'autorité n'en détruit pas le titre, et par conséquent, qu'il n'est jamais permis de se révolter contre le Souverain. Mais, d'un autre côté, ne seroitce pas trop attendre de la foiblesse humaine, que d'espérer cette patience et cette soumission imperturbable, de la part de tout un peuple qui se verroit le jouet d'un maître barbare et insensé ? Est-il vraisemblable que les sujets injustement attaqués par la force qui doit les protéger, conserveront toujours la modération d'une juste défense? et la révolte ouverte, sans devenir légitime, ne sera-t-elle pas la suite presque infaillible d'un abus si criant de l'autorité? Il n'est donc pas vrai, comme on l'a tant répété, que la doctrine de la soumission à l'autorité ne soit propre qu'à rassurer les mauvais Princes. Les Rois n'ignorent pas que les hommes sont plus souvent déterminés par l'intérêt et la passion, que par les principes. Ils savent qu'un peuple poussé à bout n'est pas arrêté par des considérations morales, et qu'il ne prend conseil que de la haine et du désespoir. L'expérience de tous les temps a prouvé que la puissance outrée. se détruit d'elle-même, nec unquam satis fida |