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potentia, ubi nimia est; (*) que l'oppression provoque la révolte; et que les crimes des Rois sont presque toujours punis pas les crímes des peuples.

Si le principe de la soumission contient les peuples sous les Rois bons, ou médiocres, malgré les abus inséparables d'une vaste administration, il est trop foible contre le ressentiment et la crainte, pour rassurer-les mauvais Princes. Le peuple n'est heureux que par la soumission: mais le Prince n'est puissant que par la justice. Et comme on a vu que le véritable intérêt du peuple est de faire dépendre de sa prospérité la gloire et la sureté de ceux qui gouvernent, le véri table intérêt de ceux qui gouvernent, est que le peuple trouve son bonheur dans l'exercice paisible de leur autorité.

Je finis ce chapitre, en observant que les questions délicates et pénibles, où m'a conduit le fil des idées sur le droit public, /sont absolument étrangères à ce qui s'est passé dans la Révolution française.

Le prétexte éternel de tous les soulèvemens, l'oppression du peuple, a manqué à la révolte contre Louis XVI. Chaque année du

** Tacit.

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règne de ce bon prince avoit été marquée par des bienfaits, par des réformes, par des établissemens utiles. Ses fautes même furent dictées par le voeu du peuple, dont il s'étoit fait une loi: la plus grande de toutes, fut d'avoir trop déféré, dans le choix de ses ministres, à cette voix publique qui n'est souvent que l'écho d'une cabale. Heureux lui, et son peuple! si, plus jaloux des droits de sa couronne, qui étoient aussi ceux de la Nation, il ne les eût pas sacrifiés, l'un après l'autre, au désir de conserver la paix. Heureux! S'il eût compris qu'un Roi doit aimer ses sujets d'un amour sans foiblesse, qu'il n'a pas trop de toute sa puissance pour les protéger, que la force des factieux s'accroît de tout ce que perd l'autorité royale, et qu'un Prince se flatte vainement de se replacer sur le trône, après en avoir descendu la première marche. Regum majestatem difficilius à summo fastigio ad medium detrahi, quam à mediis ad ima proecipitari. (*).

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De la Religion, dans ses rapports avec l'ordre social.

Jusqu'à présent nous n'avons envisagé la société civile que comme une institution humaine; et nous avons reconnu qu'il étoit de l'intérêt des peuples que l'autorité sou veraine fût inviolable. Cette doctrine est une conséquence immédiate du premier et du plus évident des principes politiques : le salut commun est la loi suprême; salus populi, suprema lex. L'inviolabilité du Souverain est moins une prérogative accordée au Prince, qu'un droit établi en faveur des sujets.

Voilà ce que nous apprend la raison éclai rée par l'histoire de tous les âges, et surtout par l'épouvantable leçon que la France donne à l'univers. Mais la Religion, source de tous les droits, et principe de tous les devoirs, répand un nouveau jour sur cette précieuse vérité. Tous nos maux sont nés de l'oubli de ses maximes. L'ordre social s'est dissous parce qu'on l'a séparé de la Religion:

ce

ce ne sera qu'en l'y rattachant, qu'on parviendra à le recomposer.

Dieu est l'auteur de la société, puisqu'il a formé l'homme avec ces facultés, ces penchans, ces besoins qui le déterini ient invinciblement à rechercher le commerce de ses semblables. Il en est aussi le protecteur. Le monde qu'il a créé par sa puissance, il le gouverne par sa sagesse; et sans doute, il n'a pas abandonné au hasard, et soustrait à l'empire de sa Providence le seul des étres terrestres qu'il a rendu capable de moralité et élevé jusqu'à lui par la connoissance et par l'amour.

Dieu est l'auteur de la société, en ce sens, que la vie sociale est une conséquence né cessaire de la nature de l'homme et de ses facultés. Il n'est pas l'auteur immédiat de telle ou telle société, de telle ou telle forme de Gouvernement. Il a laissé aux nations. le droit d'établir le Gouvernement qu'elles, jugeroient le plus propre à les rendre heu reuses: leur liberté, à cet égard, n'est res treinte que par les lois de la Nature et de la Religion. Tout Gouvernement qui n'a rien de contraire aux lois divines est légitime, et

tout gouvernement légitime est sous la protection de Dieu.

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La souveraineté est de droit humain, parce qu'elle résulte immédiatement des conventions qui ont donné l'existence et la forme aux sociétés politiques. Elle est aussi de droit divin, ajoute Puffendorf, parce que la droite raison, qui n'est autre chose que la manifestation de la volonté divine, a fait sentir aux hommes la nécessité de ces conventions. A mesure que le genre humain s'est multiplié, les progrès de l'industrie, l'accroissement, et l'inégale répartition des richesses, le conflit des intérêts, l'affoiblissement de l'autorité paternelle, l'oubli des traditions primitives, tout s'est réuni pour donner aux passions une activité plus dangereuse; et bientôt on comprit que, pour faire observer les devoirs naturels, il falloit les mettre sous la protection d'un Gouvernement civil. L'institution de ce Gouvernement, et le pouvoir souverain, sans lequel il ne peut exister, entrent nécessairement dans les vues bienfaisantes et conservatrices du Créateur. Il est juste, dit encore Puffendorf, de rapporter à Dieu, non-seulement les établissemens faits immédiatement

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