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Quand on parviendroit à prouver que l'athéisme n'efface pas entièrement la ligne qui sépare le bien et le mal moral, il fau droit convenir, du moins, qu'il ne laisse subsister entre l'un et l'autre qu'une distinction métaphysique et stérile, puisqu'il dissipe et les craintes du vice, et les espérances de la vertu. Sans les espérances et les terreurs d'une autre vie, la vertu seroit trop malheureuse, le crime seroit trop heureux dans celle-ci. L'homme de bien se trouveroit souvent sans encouragement, et sans consolation, et le scélérat jouiroit de la paix de l'ame, le seul bien qui lui manque souvent sur la terre.

Ces philosophes qui nous parlent d'une morale sociale, par opposition à la morale religieuse, et qui composent des Catéchismes. universels, où la Divinité n'entre pour rien, emplissent leurs livres de pompeuses maximes; ils dissertent savamment sur la vertu et sur le vice: ils exposent dans le plus bel ordre du monde tous les devoirs de la vie, civile. Ils n'ont oublié qu'un point, c'est de donner un fondement à leur théorie, et des motifs à leurs préceptes.

Il est vrai qu'ils nous parlent sans cesse,

de la raison et de ses droits imprescriptibles. Mais, qu'est-ce que la raison humaine séparée de la raison suprême, qui est la source de toute vérité? Notre raison, c'est nousmêmes avec nos préjugés, nos passions. Ne reconnoître d'autre loi que la raison, c'est n'en admettre aucune.

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Selon ces philosophes, la raison toute seule suffit pour éclairer l'homme sur ses devoirs son intérêt seul l'éloigne du vice, et le conduit à la vertu: il n'est pas besoin des peines et des récompenses d'une autre vie nous sommes infailliblement et constamment heureux par la vertu, et le vice ne manque jamais de porter sa peine avec lui-même. Hypocrisie et charlatanisme! que ces philosophes, devenus tout-à-coup les maîtres d'une nation, entreprennent de lui donner des lois et un Gouvernement: vous les verrez bientôt démentir cette confiance qu'ils sembloient prendre dans la raison et dans le caractère de l'homme. Ils ne se reposeront pas de l'exécution de leurs lois sur l'avantage manifeste que les peuples trouveroient à les observer. Ils appelleront la force à l'appui de leurs décrets, et à la honte éternelle de la philosophie, le Gouvernement,

dont ils auront banni les espérances et les craintes de la religion, ne se soutiendra que

par

la violence et la terreur...

En effet la religion et la législation s'aident et se fortifient mutuellement. Si l'on détruit la première, il faut remplacer son influence par des lois plus sévères, par une police plus active. Mais, quelques efforts. que l'on fasse, une société d'Athées ne subpas long-temps. Des hommes véritablement et profondément religieux pourroient vivre sans établir une société civile; mais la société civile ne peut se maintenir, si les passions ne sont contenues par le frein de la religion.

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La loi civile ne s'exprime que par des préceptes négatifs, c'est-à-dire, qu'elle défend les actions qui troublent la société. Les préceptes affirmatifs, ceux qui commandent la vertu n'appartiennent qu'à la religion. L'une et l'autre disent: tu ne tueras pas; la reli-: gion seule ajoute: tu aimeras ton prochain comme toi-même. La loi civile n'arrête que la main; la religion atteint le crime jusquedans l'intention, dans le désir, dans la pensée. La vertu seule peut trouver grâce à ses yeux: pour être irréprochable aux yeux

de la loi civile, il suffit de n'être pas un scélérat.

La société ne peut sanctionner ses propres lois que d'une manière extrêmement imparfaite: elle ne sanctionno aucunement la plupart des lois morales. La religion, qui montre à la vertu une récompense surée, et au crime un chatiment inévitable, sanctionne parfaitement et les lois de la morale, et les lois de la société elle-même.

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L'homme religieux est nécessairement un bon citoyen. Car l'amour de la patrie, et le respect pour ses lois sont commandés par la religion. L'Athée ne sauroit être citoyen: il n'a pas une patrie, il ne connoit pas de loi Dans ses principes, toutes les lois sont subordonnées à l'intérêt personnel, et cha

demeure juge, en dernier ressort, de ce qui constitue son intérêt. L'affection prédominante dans le coeur de l'Athée, l'affection, à laquelle la raison même veut qu'il immole toutes les autres, c'est l'égoïsme, et l'égoïsme concentré dans les limites de cette vie. S'il se pare de quelques verius de tempérament et d'ostentation, il ne s'épargnera pas les crimes utiles; ou plutôt; il n'y aura pour lui ni crimes, ni vertus. Les actions humaines

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humaines, indifférentes en elles-mêmes, ne prendront un caractère dans son opinion, que d'après leurs rapports avec ses goûts, ses passions et son intérêt.

Encore une fois, la Religion est la loi première et fondamentale de toute société. C'est parce qu'ils étoient pénétrés de cette maxime, que tous les législateurs de l'antiquité, les Lycurgue, les Solon, les Zaleucus, les Numa ont fait intervenir les Dieux comme auteurs de leurs institutions politiques. Ils savoient, ces grands hommes, qu'en morale, ce seroit un cercle vicieux de vouloir contenir les passions par les passions toutes seules, et que le levier politique ne peut avoir de prise et d'action sur la terre, qu'autant qu'il a son point d'appui placé dans le ciel.

Platon et Cicéron qui connoissoient toute l'absurdité du paganisme, et qui néanmoins y trouvoient une force réprimante que n'offroient point les systèmes des philosophes, établissent le culte et la crainte des divinités populaires comme la première loi de leur république idéale. Tant ils étoient persuadés, qu'il ne peut y avoir de société bien ordonnée, sans une religion, quelle qu'elle soit.

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