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gile, s'étoient déclarés les apôtres de la Ré volution.

De là les emprisonnemens, les bannisse mens, les massacres de ces prêtres courageux que, dans les principes mêmes des nouvelles constitutions, on n'a jamais pu convaincre d'autre crime, que de n'avoir pas voulu men tir à leur conscience,

Nul autre intérét, que le dessein forme d'anéantir la Religion, n'avoit pu inspirer à l'Assemblée constituante l'idée d'une innovation si impolitique. Déjà elle s'étoit emparée de tous les biens de l'Eglise, et cette usurpation criante n'avoit excité aucun mouvement. Le Clergé s'étoit vu dépouillé de ses antiques et légitimes possessions, sans se permettre aucune plainte qui pût trou bler l'ordre public.

C'en étoit assez, si l'on n'eût voulu que s'enrichir par un vol sacrilége. Mais l'Assemblée portoit ses vues plus loin. Elle envisageoit la spoliation du Clergé, comme un moyen de l'avilir, en le tenant à ses gages, et d'asservir la Religion elle-même, qui, en cessant d'être propriétaire, perdoit de son indépendance. Et, déjà, regardant l'Eglise comme une corporation municipale, elle

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par

ordonna que ses ministres seroient nommés des assemblées séculières, ouvertes à ceux même qui ne professeroient pas sa doctrine. Elle changeà, de son autorité absolue, la circonscription des paroisses et des diocèses: elle troubla la hiérarchie, en égalant les prêtres aux Evêques dans les fonctions du Gouvernement, et en rompant les liens qui unissent les Evêques au chef suprême de l'Eglise. Avec la Constitution civile du Clergé, le schisme fut décrété, et sur les ruines de la religion catholique, on vit s'élever la religion constitutionnelle qui, n'ayant point sa racine dans les consciences, après s'être soutenue quelque temps, à la faveur de la persécution, succomba sous le mépris des peuples, et consomma l'apostasie, en se précipitant dans l'Athéisme.

Ainsi, la tolérance accordée à tous les - cultes par la déclaration des droits de l'honime, s'est changée à l'égard de la religion catholique, en une intolérance barbare dont les fastes de la tyrannie ne nous ont pas laissé d'exemple; et la France n'a plus eu de religion, du moment que toutes les religions y ont été perinises.

Mais, quelque mépris qu'ils affectent

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pour les opinions religieuses, nos législa-
teurs philosophes ne tarderont pas à s'apér-
cevoir que l'on ne peut pas toujours gouver-
ner les peuples par l'enthousiasme, et par la
terreur; qu'un patriotisme exalté par la li-
çence ne tient pas lieu de toutes les vertus
domestiques et sociales; que les mêmes pas-
sions, qu'ils ont su diriger contre l'ordre pu-
blic, dans l'effervescence d'une révolution
populaire, se tourneront infailliblement
contre eux, dès que les esprits commence-
ront à se réfroidir, et que si, pour désorga
niser le Royaume, ils ont eu besoin de de-
barrasser le peuple du frein de la Religion, il
ne sera pas moins nécessaire de l'y sou-
mettre de nouveau, pour donner quelque
stabilité à leurs institutions. Rousseau lui-
même lêur apprendra, » que jamais Etat ne
» fut fondé, que la Religion ne lui servit de
>> base. >>>
» *)

Un peuple qui perd la religion, perd en même temps toute idée de morale, de justice et d'honnêteté. C'est moins par la réflexion, que par le sentiment, moins encore par le sentiment, que par l'habitude et l'éducation, que le peuple de toutes les conditions ap

(*) Contrat social.

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prend à connoître et à chérir ses devoirs. Les principes de morale qui sont des vérités éternelles pour le sage qui les médite, ne sont, le plus souvent, que des préjugés pour le vulgaire. La plupart des hommes, incapables de former leurs opinions, n'ont que celles qu'on leur donne. Or, il est de fait, que le peuple n'est susceptible d'autre éducation morale que de celle de la Religion: et il n'est pas moins certain que la Religion seule peut légitimer ces préjugés salutaires, parce que son autorité est une raison qui, dans l'esprit des ignorans, tient lieu de toute autre raison. » Il ne faut pas, dit Montagne, » laisser au jugement de chacun la connois»sance de son devoir: il le lui faut prescrire, non pas le laisser choisir à son dis>> cours. Autrement, selon l'imbécillité et » variété de nos raisons et opinions, nous » nous forgerions enfin des dévoirs qui nous » mettroient à nous manger, les uns les

>> autres. >>.

Les tyrans qui oppriment la France chercheront dans l'Athéisme un asile contre le remords: c'est pour eux, et pour leurs pareils que ce dogme affreux fut inventé. Mais enfin, l'intérêt même des ty

rans demande que les esclaves ayent une religion. Quelle religion ces apostats mettront-ils à la place de la religion catholique?

Sera - ce le Déisme, c'est-à-dire, ce petit nombre de dogmes communs à toutes les religions qui, selon nos philosophes, suffisent à la morale, sans qu'il soit besoin d'y ajouter les dogmes particuliers au Christia nisme?

Tel étoit le veu de Voltaire et de sa secte. Tel est le projet souvent annoncé dans la tribune de l'Assemblée Nationale. Mais on se trompe visiblement, si l'on se flatte qu'un peuple à qui l'on a fait abjurer le Christianismé continuer de croire à ces

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dogmes fondamentaux. On se trompe plus grossièrement encore, si l'on se persuade que cette religion prétendue raisonnable peut avoir sur la multitude l'influence nécessaire au bon ordre de la société.

A Dieu ne plaise que j'entreprenne d'ébranler la certitude de ces dogmes qui sont, en quelque sorte, le symbole du genre humain. Je sais, qu'indépendamment de la révélation et des traditions puisées à la naissance du monde, la raison nous fournit des preuves de l'existence, de l'unité, des perfec

tions

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