solue, sans quoi il y auroit anarchie: mais il faut, en même temps, que, dans son exercice, elle soit assujettie à des lois et à des formes constitutionnelles, sans quoi il y auroit despotisme. Les trois formes primitives de gouvernement ne sont pas tellement séparées, que l'une n'admette quelque chose des autres. La démocratie se dissoudroit bientôt, si elle n'étoit éclairée et contenue par des corps aristocratiques. A Rome, le peuple étoit modéré par le sénat. Péricles précipita la chute d'Athènes, en affoiblissant l'autorité de l'Aréopage. L'Aristocratie, par la concentration du pouvoir, se rapproche de la monarchie; et la monarchie, en reconnoissant des ordres, ou des corps intermédiaires entre le peuple et le souverain, se tempère par l'Aristocra1 tie. Le despotisme lui-même est bridé par l'opinion. « C'est une erreur de croire, dit » Montesquieu, qu'il y ait dans le monde „ une autorité humaine, à tous égards des » potique. Il n'y en a jamais eu, et il n'y " en aura jamais. Le pouvoir le plus im 99 mense est toujours borné par quelque coin..... Il y a dans chaque nation un " esprit général, sur lequel la puissance mê» me est fondée. Quand elle choque cet es» prit, elle se choque elle-même, et elle s'arrête nécessairement." Un despote peut renverser les lois; mais il est forcé de respecter les coutumes. Les gouvernemens qui ne sont pas limités par la loi, le sont par des préjugés. La religion musulmane, toute absurde qu'elle est, corrige un peu le gouverne ment Turc. - Mais, il n'est rien qui agisse si puissamment sur les gouvernemens, que l'esprit public, et les moeurs nationales. Quand les moeurs sont bonnes,, tout gouvernement est bon. Le despotisme de la Chine ne nous présente que l'image du gouvernement paternel, parce que la Chine a des moeurs. Si les moeurs, sont mauvaises, elles corrompent le meilleur gouvernement. La constitution de Carthage, au rapport d'Aristote, ressembloit beaucoup à celle de Sparte; mais, à Sparte, la vertu et la frugalité étoient le principe et le ressort de l'Etat; à Carthage, les richesses et le commerce. Les bonnes moeurs corrigent même les mauvaises lois. A Rome, le divor ce étoit permis par la loi, et le premier ex 鹽 emple du divorce ne fut donné qu'après gleterre en est séparée par la mer. Sans arinées, sans places fortes, la France demeureroit exposée aux invasions: avec des places fortes, et une armée, le roi seroit trop puissant, l'équilibre entre les trois pouvoirs seroit rompu, et la constitution péri roit. *. S'il est vrai que les diverses formes de gouvernement ne conviennent pas également à toutes les nations, il faut savoir à quels caractères généraux on reconnoîtra le gouvernement qui convient le mieux à une nation qui se trouve dans des circonstances données. Principe général, fondé sur la nature, et confirmé par l'histoire: le gouvernement républicain, la démocratie sur-tout, ne convient qu'à un Etat petit, ou médiocre, parce que, dans ce gouvernement, les ressorts, nécessairement multipliés, ne produisent qu'une action lente et foible qui ne pourroit se porter aux extrémités d'un vaste territoire. La démocratie pure conviendroit à peine à une petite ville': encore faudroit-il que l'on n'y connût ni le commerce étranger, ni le luxe et les arts corrupteurs. C'est une maxime de Tacite, que les richesses sont incom incompatibles avec la liberté: est apud illos, il parle de l'un des peuples de la Germanie, et opibus honos, coque unus imperitat... Un peuple qui est, à-la-fois, sujet et souverain a besoin d'une grande simplicité de moeurs et d'une vertu austère pour obéir constamment à des lois qu'il s'est imposées lui-même. C'est en ce sens que l'on peut dire avec Montesquieu, que la vertu est le principe du gouvernement républicain. Dans la Monarchie, un seul ressort produit la plus grande action possible avec la plus grande célérité possible. Le gouvernement d'un seul convient donc à une grande nation. Car la force de gouvernement doit être en proportion avec celle de la résistance; et l'effort de la résistance, ou de la réaction contre le gouvernement croît en raison de l'étendue de l'Etat, de ses richesses et de sa population. Les Républiques elles-mêmes, dans ces temps de crise qui demandent le développement de toutes leurs forces, sont obligées d'emprunter de la monarchie une vigueur qu'elles ne trouvent point dans leur constitution. Quand Rome se croyoit en danger, elle suspendoit toutes les magistra tures, et confioit tous ses pouvoirs à un Dic tateur. En 1672, et en 1747, la Hollande crut ne pouvoir se défendre contre la France, qu'en rétablissant le Stathoudérat héréditaire.. Si l'on me citoit, comme objection, ou comme exception, l'existence et les succès militaires de la République française, je répondrois que c'est une nouvelle preuve du principe général. Car il est évident que cette République nominale ne subsiste que par le régime du despotisme. Dans un petit Etat, chez un peuple vertueux, frugal et animé d'un esprit public, le gouvernement démocratique ne coûte presque rien à l'Etat, et les choix, pour l'ordinaire, ne tombent que sur les plus dignes. Mais, dans un vaste empire, chez une nation corrompue, 'où rien ne se fait que pour de l'argent, où les emplois ne sont envisagés que comme des moyens d'aller à la fortune, la démocratie, qui multiplie à l'infini, et renouvelle chaque année les agens de l'administration, est ruineuse par elle-même, et par les abus énormes qu'entraînent nécessairement des élections fréquentes, où les uns ont le moyen d'ache ง |