livre quelques feuillets, où la saine physique n'est guères plus respectée que la Religion? Est-ce par ses paradoxes, et ses fréquentes contradictions, plutôt que par sa profonde sensibilité, et par la magie de son style, que Rousseau s'est placé à la tête des Ecrivains de son siècle? Et ce Voltaire, qui a dû à l'extrême licence de sa plume sa prodigieuse renommée ne sera-t-il pas exclu par la postérité de la classe des Philosophes? Ne tiendroit-il pas dans la littérature un rang encore plus distingué, si la plupart de ses écrits n'étoient pas déshonorés par les calomnies, les mensonges, les invectives que lui dicioit sa haine jalouse contre Jésus-Christ.? f Je placerai ici une observation que les gens de lettres, ceux du moins qui se sentent quelque talent, ne devroient jamais perdre de vue... Si, dans un siècle frivole, raisonneur et corrompu, les productions licencieuses sont applaudies, ce succès n'est que pour un temps et pour un pays. masse du genre humain en revient toujours à la raison et à la vertu. Rien n'est beau, durable et universel que le vrai. Les chefsd'oeuvre anciens ou modernes qui forment La la bibliothèque commune de toutes les nations ne doivent rien à la licence des opinions: la Religion, la morale, les lois y sont respectées. Observation consolante pour l'humanité, et honorable pour les Lettres, qui prouve que le goût n'est pas étran ger à la vertu, et me persuade que ces livres philosophiques, si vantés de nos jours, ou ne passeront pas à la postérité, ou n'en obtiendront que l'indignation et le mépris. 1 La tolérance civile ne doit s'étendre ni aux dogmes éversifs de l'ordre social, ni aux cultes qui troubleroient la tranquillité dẹ l'Etat. Mais parmi les cultes qui différent de la religion dominante, il faut encore distinguer ceux qui commencent à se montrer, et ceux que l'on trouve établis. S'il s'élève une secte nouvelle qui divise les esprits, le Prince ne doit rien négliger pour l'étouffer dès sa naissance. Il est en droit d'imposer silence aux Prédicans, et de les punir, sinon comme hétérodoxes, au moins comme perturbateurs du repos public » Respectez et maintenez l'ancienne religion, » disoit Mécène à Auguste, réprimez et pu»nissez les Novateurs. Quiconque introduit » un nouveau culte, ouvre la porte à de nou CXFORD cc » velles lois, d'où naissent bientôt les caba»les, les factions, les conspirations. (*) Le sénat de Rome tenoit pour maxime, qu'il ne falloit rien innover dans la Religion, et il punissoit avec rigueur tous ceux qui tentoient d'introduire dans la république les superstitions étrangères. De Cette règle souffre une exception que les Empereurs romains eurent le malheur de ne pas reconnoitre. C'est lorsque la nouvelle religion s'annonce par des caractères manifestes de divinité. Car le Prince n'a pas de droit contre la vérité; et quand Dieu parle, toute puissance humaine doit céder. son côté, la véritable religion instruit ceux qu'elle éclaire à respecter l'autorité du Prince, lors même qu'il en abuse, La maxime des Apôtres, qu'il faut obéir à Dieu, plutôt qu'aux homines, ne peut jamais troubler la paix de l'Etat, parce que l'obéissance due à Dieu laisse subsister tous les droits du Souverain, et que dans le cas même où le Souverain commanderoit ce que Dieu défend, la Religion ordonne de mourir, plutôt que de se révolter contre l'autorité légitime. Si le Prince trouve dans l'Etat des sectes (*) Dion, toutes formees, dont la doctrine sprati ques n'ayent rien de contraire aux principes d'un sage gouvernement, il ne peut, même sous le prétexte de l'intérêt de la vérité et du salut éternel, employer la violence pour ramener les dissidens à sa religion, Il doit, non-seulement tolérer comme Souverain ces cultes qu'il condamne comme particulier, mais encore les faire jouir de tous les avan◄ tages que le temps, des traités, ou des concessions légales auroient pu leur assurer. Un Prince qui a le bonheur de connoître la véritable religion, ne peut s'empêcher de désirer avec ardeur que tous ses sujets partagent avec lui un si précieux avantage; mais il ne doit pas oublier que le zèle d'un Souverain n'a pas les mêmes règles que le zèle d'un missionnaire, Dans certains Etats, on voit plusieurs religions qui, étant également autorisées par la loi, ont un culte public, et sont dominantes à l'égard de celles dont le culte n'est que toléré. Quelle que soit la religion que professe le Souverain, il doit aux autres de les protéger, qarce qu'elles font partie de l'ordre public, et de ne jamais permettre qu'elles se troublent mutuellement, ou qu'el les emploient pour se faire des prosélytes d'autre voie que celle de l'enseignement et de la persuasion. 1 Tels sont, dans cette matière aussi délicale, qu'importante, les principes qui m'ont paru dictés par la politique, et avoués par la Religion; et que je crois vrais d'autant plus volontiers, qu'ils sont également éloigués de cette intolérance fanatique et barbare. Qui prenant le faux zèle et l'intérét pour guides, ,, Ne sert un Dieu de paix que par des homicides; et de cette indifférence sacrilege qui tolere toutes les religions, parce qu'elle les méprise 43 toutes. 393 & S A Cette indifférence, ce mépris pour la Re ligion est un des caractères de la législation française qui, ne reconnoissant point de re ligion nationale et dominante, laisse une. égale liberté à tous les cultes, les place tous hors de la Constitution, et rompt l'alliance qui, chez tous les peuples, et dans tous les temps, a subsisté entre la Religion et la po lilique. Mais, si la législation française se montre indifférente à l'égard de toutes les religions, sons ce masque de l'impartialité, les législa teurs cachoient une haine implacable et feroce |