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ment prêté par la France entière de maintenir et de défendre la Constitution de 1791? Certes, il seroit bien étrange que les auteurs de la Constitution en appelassent à la religion du serment, eux qui, dès leur premier pas dans la carriere législative, ont foulé aux pieds le serment solennel qu'ils avoient' prêté à leurs commettans: eux qui ont rompu le lien du serment, en détruisant dans l'esprit des peuples les principes sacrés d'où il emprunte toute sa force: eux, enfin, qui ont proscrit par un nouveau serment cette Constitution qu'ils avoient tant de fois juré de défendre jusqu'à la dernière goutte de leur sang.

Mais, pour répondre à ceux qui ne se font pas un jeu sacrilége des sermens et des parjures, je dis que le serment de maintenir la Constitution de 1791, est nul, et n'a jamais produit ni droit, ni obligation, parce qu'il a été commandé par la terreur, ou inspiré par la séduction. Il est nul, parce

qu'il n'avoit pas d'objet présent et détermi né, et que la Constitution n'existoit pas, que toute la France avoit juré de la maintenir. Il est nul et criminel, parce qu'il étoit contraire à la fidélité que tout Français devoit à son Roi et à l'ancienne Constitution du royaume.

On ne le justifie point, en disant, que la nouvelle Constitution avoit été acceptée par le Roi. Dabord, il n'étoit pas au pouvoir du Roi de consentir et de légitimer l'abolition des deux premiers Ordres de l'Etat, et le renversement de la monarchie; et puis cette acceptation extorquée d'un roi prisonnier a été révoquée par une declaration publique, au premier moment où il s'est cru libre.

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Disons le vrai, Ces sermens si scandaleusement multipliés, et qui se détruisoient l'un l'autre, ne prouvent dans ceux qui les dictoient que l'abus de la force, et dans ceux qui les répétoient, que l'enthousiasme, l'inconsidération, la foiblesse et la peur. Ajoutons, que, du serment de maintenir une Constitution populaire, il ne peut naître un engagement proprement dit. Toute promesse suppose deux personnes, dont l'une acquiert un droit, et l'autre contracte une obligation. Ici, le peuple promet à lui-même, et sa promesse ne le lie qu'autant qu'il le veut,

On dira, peut-être, que, par ce serment chacun s'engage envers tous. Mais, puisque tous ont la liberté de renoncer à l'engagement qu'ils ont pris, pourquoi ne me seroit-il pas permis d'abord d'y renoncer pour

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ce qui me concerne, et de travailler ensuite à inspirer aux autres la volonté d'y renoncer comme moi? Il y a bien de la différence entre ces sermens populaires, et le serment qui lioit les Français à l'autorité royale. Celui-ci donnoit un droit réel à une personne, et à une famille certaine. Ceux-là ne confèrent aucun droit qui puisse être réclamé par d'autres que ceux qui les ont faits.

La Constitution de 1791, nulle dans son origine, n'a donc pas été ratifiée par le consentement de la nation. Dans l'état actuel des choses, elle a contre elle toutes les voix qui lui avoient donné une existence éphémère. Et, s'il faut compter pour quelque chose le suffrage d'une populace stupide et féroce, les Constitutionnaires sont encore condamnés à ce tribunal qu'ils ont eu l'imprudence d'élever, et dont ils ont consacré les arrêts, tant qu'ils ont su les dicter.

Voyons maintenant ce qu'il faut penser de la Constitution de 1791, considérée dans ses principes.

Par les principes de la Constitution, je n'entends pas seulement la liberté, l'égalité, la souveraineté du peuple, le droit d'insur

rection, en un mot, la déclaration des droits de l'homme. Sur ce code de sédition et d'anarchie, il étoit impossible, comme je l'ai prouvé dans les premiers chapitres, d'asseoir un Gouvernement régulier et solide. Mais, outre ce vice fondamental, la Constitution portoit dans son sein les principes d'une dissolution inévitable et prochaine. Je me borne à citer pour exemples deux dispositions capitales, l'une sur l'autorité du Roi, l'autre sur le pouvoir et sur les droits dupeuple.

La Constitution reconnoît le Roi comme partie essentielle et intégrante, du Gouvernement français. C'est en lui seul que réside le pouvoir exécutif. Il est le Chef suprême de l'armée et des tribunaux, le représentant héréditaire de la nation, et en cette qualité, membre nécessaire du corps législatif, dont les décrets n'ont force de loi, qu'après avoir été revêtus de sa sanction. Sa personne est inviolable, La responsabilité n'atteint que ses ministres. Telle est la part que l'Assemblée Constituante, après avoir détrôné le Roi de France, daignoit faire au Roi des Français. Mais on peut lui reprocher d'avoir fait pour son Roi constitutionnel trop, ou trop peu: trop, si elle a voulu que la Constitution

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subsistât, trop pen, si elle a voulu conser ver le Gouvernement monarchique.

Quoique l'Assemblée Constituante eût déclaré souvent, et de la manière la plus solennelle, que le Gouvernement français étoit monarchique, il étoit aisé de voir que les principes et l'esprit de la Constitution inclinoient à la démocratie; et toutes les formes = prescrites pour les élections étoient évidemment assorties au Gouvernement popuJaire. Or dans un Gouvernement de cette nature, la Royauté, avec toutes les prérogatives que lui attribuoit la Constitution, d'étoit non-seulement un hors d'oeuvre, mais un principe toujours subsistant de divisions intestines. Le Roi et l'Assemblée législative formoient dans l'Etat deux puissances rivales qui, ne rencontrant aucun pouvoir intermédiaire qui les balançât et les tînt en équilibre, n'auroient cessé de se combattre, jusqu'à ce que l'entière destruction de l'une ou de l'autre nous eût conduits ou à la démocratie, ou à un despotisme d'autant plus absolu, que l'autorité du monarque n'auroit pas été tempérée, comme dans notre ancienne Constitution, par les priviléges des deux premiers Ordres, et par

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