ces corporations puissantes, dont les maximes et l'esprit héréditaire opposoient une résistance insurmontable aux volontés arbitraires du Souverain. Mais, en établissant cette lutte perpétuelle entre le pouvoir législatif, et le pou voir exécutif, l'Assemblée Nationale s'étoit ménagé une victoire certaine et facile. Des dispositions particulières enlevoient au Roi toutes les parties de l'administration que l'idée générale de la Constitution sembloit lui confier exclusivement. L'Assemblée qui avoit divisé les pouvoirs, pour dépouiller le monarque du pouvoir législatif, les reunit de nouveau pour lui ôter encore le pouvoir exécutif. Chaque jour étoit marqué par quel que nouvelle usurpation du corps législatif, et telle étoit, dans le fait, la Constitution de la nouvelle monarchie, que le Roi ne jouissoit pas même des droits de citoyen. Spectateur oisif de tout ce qui se faisoit en son nom, il étoit sur son trône, comme les Dieux d'Epicure relégués dans le ciel et étrangers à la terre. La nécessité de la sanction royale avoit été décrétée. C'étoit l'unique barrière élevée par la Constitution contre le despotisme d'une assemblée qui réunissoit tous les pouvoirs, Mais, à quoi se réduisoit le droit de consentir, ou de refuser dans un roi prisonnier, pour qui chaque refus étoit suivi d'une émeute, à qui chaque émeute retraçoit l'image sanglante de ses gardes massacrés à ses pieds? Et, s'il avoit le courage de rejeter, au péril de sa tête, des décrets impolitiques ou barbares, l'Assemblée qui disposoit souverainement des finances, de l'armée, de l'opinion ne pouvoit-elle pas enlever au roi constitutionnel l'usage d'une prérogative qu'elle ne lui avoit accordée, que pour légitimer ses attentats? La volonté du peuple, dans les principes de la Constitution, n'est-elle pas la loi suprême? et la volonté du peuple n'a-t-elle pas toujours été dans les mains des Tactieux qui di rigeoient les mouvemens de la populace, et dictoient les délibérations de l'Assemblée ? * D'une part, les hommes éclairés ne voyoient dans la Constitution qu'un alliage d'élémens inassociables, qu'un mélange incohérent des formes de la monarchie, avec l'esprit de la démocratie. D'un autre côté, la masse du peuple se plaignoit hautement de ne pas y trouver toute la liberté dont on l'avoit flattée. 2. La Constitntion établissoit deux classes de citoyens. Les citoyens actifs, qui seule concouroient activement et passivement aux élections, les citoyens inactifs qui, à propre ment parler, n'étoient que sujets, et ne jouissoient pas du droit de cité. Ces deux classes étoient séparées par la quotité de l'imposition; et quoique les décrets eussent étendu la classe des citoyens actifs beaucoup plus qu'il ne convenoit à la bonne administration, et à la tranquillité de l'Etat, on ne comprenoit pas, pourquoi, dans les principes de la Constitution, tout Français, sans distinction de propriétaires et de non proprie taires, n'étoit pas reconnu pour citoyen. Comment, après avoir posé la maxime fondamentale, que tous les hommes naissent, et demeurent égaux en droits, des Représen tans du peuple souverain osèrent-ils prononcer, que la plus grande partie du peuple n'auroit aucune part à l'exercice de la souveraineté? Etoit-ce la peine d'abolir ce qu'on appeloit l'aristocratie de la naissance, pour y substituer l'aristocratie des richesses? Une pareille disposition ne pouvoit subsister. Les démagoges forcenés, les chefs de la faction républicaine jetèrent le masque, se montre ( 319 > rent au grand jour,et s'armèrent des principes de la Constitution, pour combattre avec avan tage les Constitutionnaires. En vain la seconde législature avoit pris pour devise: la Constitution, toute la Constitution, rien que la Constitution. Elle se vit entraînée par le torrent populaire. Toute distinction entre les riches et les pauvres fut abolie." La Constitution rayée du serment national, fit place à la liberté et à l'égalité républicaine. Un parjure avoit élevé la Constitution, un parjure la renversa quelques mois après; et cette classe de propriétaires avides et impré V voyans qui avoient applaudi à la ruine du Clergé et de la Noblesse, la bourgeoise se vit, à son tour, maîtrisée par la populace qui, au même titre du nombre et de la force, enva **** hit tous les pouvoirs, et toutes les propriétés. 'C'est ainsi que, par une marche naturelle et nécessaire, la république en 1792 a pris naissance dans la Constitution de 1791, qu'elle s'est nourrie de son esprit, défendue par ses maximes, affermie par ses moyens. La Constitution est coupable, non-seulement des crimes qui l'ont établie, mais encore de ceux qui l'ont renversée, et de cet épou vantable enchaînément d'horreurs, dont il ne se trouve pas d'exemple dans l'histoire Cependant, si nous voulons écouter ses partisans, la Constitution ne respire que l'ordre, la liberté, la sureté personnelle, le respect pour les propriétés. La France eut toujours été paisible et florissante, si l'on eût suivi ses dispositions, si les décrets eussent été ponctuellement exécutés. Les pillages, les incendies, les massacres sont les crimes des factieux qui ont renversé la Constitution, et proclamé l'anarchie, sous le nom de République. pod Vaine et misérable apologie! d'abord, je demanderai aux auteurs de la Constitution si, en prenant sur eux la commission hardie de donner à la France de nouvelles lois, et un nouveau Gouvernement, ils ne sont pas devenus responsables de toutes les suites d'une entreprise si téméraire. Avant de porter le marteau sur l'antique édifice, où nous reposions, il falloit en avoir construit un autre, tout prêt à nous recevoir: il falloit, du moins, empêcher que nous ne fussions écrasés sous les décombres. Dans les réformes politiques, une théorie éblouissante est l'ouvrage |