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Nulle dans son origine, vicieuse dans sa composition, atroce dans ses résultats, la Constitution de 1791 n'étoit qu'un premier pas vers l'anarchie républicaine qui a mis le comble aux crimes et aux malheurs de la France.

CHAPITRE XII

De la République française.

Tandis que la première Assemblée nationale élevoit sur les ruines de la monarchie le pompeux et frêle édifice de la Constitution, une autre faction plus scélérate et plus habile posoit, dans l'obscurité, les fondemens de la République.

Au premier signal d'une révolution, on avoit vu se former dans toutes les villes, dans toutes les bourgades du royaume des Clubs ou Sociétés patriotiques, vil ramas de tout ce qu'il y avoit en France d'intrigans, de factieux, d'hommes flétris, perdus de dettes et de débauches. D'abord méprisés par les honnêtes gens, mais soutenus par l'Assemblée natio nale, dont ils secondoient puissamment les opérations, en préparant les insurrections et

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les crimes dont elle avoit besoin, les Clubs ne tardèrent pas à se faire redouter. Ils disposèrent de l'opinion et des bras de la populace, que l'appât du pillage et de l'impunité avoit rangée sous leurs drapeaux: ils distribuèrent à leurs affiliés toutes les places de la nouvelle administration: ils couvrirent le royaume d'espions, de délateurs, d'assassins. Après avoir mis la France sous le joug de l'Assemblée nationale, ils asservirent l'Assemblée elle-même: ils lui dictoient insolemment ses décrets: ils précipitoient, ou suspendoient, à leur gré, la marche de la Révolution. Promoteurs forcenés de la Constitution, tant qu'ils la jugèrent nécessaire, pour achever de détruire la monarchie, ils renverserent cet échaffaudage de démolition, lorsqu'ils virent le terrain nettoyé, applani, et propre à recevoir les fondations de cette anarchie systématique, qui devoit mettre en leurs mains toute la puissance, et toutes les richesses de la nation.

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Ceux qui donnent le branle à un Etat, sont volontiers les premiers absorbés en sa ruine. Le fruit du trouble ne demeure guère à celui qui l'a ému: il bat, et brouille l'eau pour d'autres pêcheurs (*)".

(*) Montagne.

La Constitution de 1791 avoit immolé le Clergé et la Noblesse à la cupidité, et à la vanité du Tiers-Etat. Excitée et conduite par les Jacobins, la populace voulut aussi faire sa révolution; et quelques semaines après le décret solennel qui vouoit à la haine publique, quiconque proposeroit le gouvernement républicain, la République fut décrétée, et proclamée dans toute la France.

Une république fondée sur les notions de la souveraineté du peuple, et de l'égalité ne pouvoit être qu'une démocratie. D'ailleurs c'étoit la multitude qui créoit la République française, et la multitude, ou plutôt, ceux qui se tenoient assurés de régner en son nom, son nom, n'eussent jamais consenti au partage, encore moins à l'abandon du pouvoir,

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Mais, dans une république de trente à quarante mille lieues carrées, où l'on comptoit vingt-cinq millions d'hommes, il étoit impossible que le peuple exerçât, par luimême les fonctions de la souveraineté. Il fallut donc adopter le Gouvernement représentatif, et confier à un petit nombre de citoyens tous les pouvoirs de la nation.

C'etoit mettre l'oligarchie à la place de

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la royauté: c'étoit anéantir la liberté politique
par l'acte même qui sembloit la créer. Car,
ainsi que
l'observe Rousseau, „ à l'instant
» qu'un peuple se donne des représentans.

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il n'est plus libre, il n'est plus, (*)" Ces délégués du peuple, une fois investis del'autorité, sauront bien empêcher qu'elle ne leur échappe, ou du moins, ils trouveront les moyens de se soustraire à toute responsabilité. Sous un gouvernement représentatif, le peuple est libre et souverain, qu'au moment où il nomme ses représentans. Et encore à quoi se réduit, pour l'immense majorité des citoyens, cet exercice de la souveraineté ? à nommer aveuglément, et sous l'influence d'une faction dominante, les tyrans qui doivent l'opprimer. Dans une nation corrompue, les élections populaires ne produisent que des choix détestables. Le sort donneroit des résultats moins mauvais car on ne peut ni le séduire, ni l'acheter.

La République française est un monstre en politique. Deux obstacles invincibles s'opposeront toujours à l'établissement, et à la solidité d'un pareil gouvernement, la vas te

(*) Contrat social.

étendue, l'immense population de la France, et le caractère de la nation.

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1 Tout bien examiné, dit encore l'auteur du Contrat social, je ne vois pas qu'il soit désormais possible au Souverain, c'est-à,, dire, au peuple, de conserver parmi nous l'exercice de ses doits, si la cité n'est très» petite. “

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De l'aveu forcé du législateur de la Révolution française, le gouvernement populaire ne peut avoiieu dans une cité de vingt-cinq millions d'habitans. Nous avons vu, dans le premier chapitre, que, par la nature des choses, la démocratie ne pouvoit convenir qu'à un petit Etat, et toute l'histoire vient à l'appui de ce principe. Les an ciennes républiques de la Grèce, de l'Italie, de la Sicile égaloient à peine nos villes du second et du troisième ordre. Toutes les républiques modernes ont peu d'étendue, en comparaison de la France, et les démocratiques moins encore que les aristocratiques. Celles-ci se rapprochant davantage de la momarchie, ont un gouvernement plus ferme, plus actif, plus constant dans ses vues, et peuvent embrasser un plus vaste territoire. La démocratie pure, telle que l'établit la Cons

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