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titution de 1793, ne conviendroit pas même à la petite république de St. Marin.

Les orateurs de la tribune nationale n'ont pas manqué d'orner leurs déclamations du langage et des sentimens de l'ancienne Rome, et les Parisiens éblouis se sont crus des Romain's. Mais l'exemple de Rome, d'ailleurs étranger à la République française, puisque son gouvernement étoit mélé d'aristocratie, est lui-même une preuve bien sensible, qu'un grand Etat ne peut subsister long-temps avec le Gouvernement républicain. La République romaine, après ses conquêtes en Afrique, en Grèce et en Asie, demeura renfermée dans l'Italie: des Proconsuls gouvernoient despotiquement les provinces. La liberté, comme le remarque Montesquieu, étoit dans le centre', et la tyrannie aux extrémités. Sous ce rapport, la France d'aujourd'hui ressemble à l'ancienne Rome. La République française est dans Paris, le reste de la France est sujet.

Auguste, devenu monarque, parut avoir quelque envie de rétablir la république. Cette magnanimité apparente eut peut-être été plus funeste aux Romains, que les cruautés du Triumvirat. Rome petite, pauvre et

vertueuse avoit fondé la république. Rome puissante, opulente et corrompue ne pou voit étre sauvée que par le gouvernement d'un seul. Discordantis patriae non aliud remedium, quam si ab uno regeretur......Omnem potestatem ad unum conferri pacis interfuit. (*) La France, qui veut passer du régime monarchique au régime républicain, se trouve dans des circonstances toutes semblales à celles qui forcèrent les Romains de chercher un asile dans la royauté.

Les Cantons helvétiques, les provinces unies des Pays-Bas, les Etats-unis de l'Amérique septentrionale n'ont eu garde de se constituer en républiqne une et indivisible. Ils demeurèren: partagés en petits Etats, indépendans quant à l'administration intérieure, et formèrent des républiques fédéra tives, dont tous les membres, comme dans la ligue achéenne, et dans l'empire germanique, se trouvoient réunis par un intérêt commun, et séparés par des constitutions différentes.. C'étoit aussi le plan des Calvinistes qui, sous Henri IV, et sous Louis XIII, méditoient le démembrement de la monarchie française. Moins savans que nos phi

(*) Tacite.

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losophes révolutionnaires dans l'art de renverser les gouvernemens, ils entendoient mieux l'art de les reconstruire.

Non-seulement la France est trop vaste, mais elle est peuplée de nations trop différentes, pour que l'on puisse en former une seule république. Ce gouvernement suppose dans tous les citoyens des moeurs, des habitudes, des intérêts semblables, une jurisprudence commune. Toute diversité, à quelqu'un de ces égards, seroit incompatible avec l'égalité républicaine.

Or, jamais on ne réduira la France à cette uniformité. L'empire français s'est accru successivement par des conquêtes, par dcs successions, ou par des unions] volontaires. Chaque province, avant son accession à la couronne, avoit sa jurisprudence fondée sur d'anciens usages, sur le caractère des peuples, sur la nature du climat et des productions territoriales. La justice et la politique de nos rois avoient constamment respecté ces habitudes locales en les soumettant toutefois aux lois générales que demandoit l'unité du gouvernement. prétendus despotes n'avoient pas entrepris de forcer la nature et les opinions, pour

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donner aux peuples du nord les moeurs du midi; et plus d'une fois, on les a vu renoncer aux projets de réforme les plus spécieux, pour ne pas porter atteinte aux droits particuliers, et aux coutumes de certaines provinces.

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Le niveau révolutionnaire a fait disparoître, en un instant, ces iné alités produites par l'action lente des siècles et du climat. Toute la France, subjuguée par la terreur, a reçu la loi que lui ont dictée ses tyrans. Mais cet asservissement ne sera pas éternel. La violence est plus propre à renforcer qu'à détruire des habitudes anciennes et populaires : les causes physiques et morales reprendront leur empire, quand la terreur aura perdu le sien; et l'on peut prédire hardiment que cet assemblage forcé de municipalités, de districts, et de départemens, la république une et indivisible sera déchirée en une multitude de petites républiques indépendantes, et bientôt ennemies, à moins que les provinces, éclairées enfin sur leurs véritables intérêts, ne secouent le joug d'une Capitale qui les dévore, et ne se réunissent, par un soulèvement généreux, contre les tyrans qui leur ont enlevé leur

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gouvernement, leur religion, leur coutumes, leurs priviléges, et jusqu'à leur nom.

Mais, si la nature, la justice et la saine politique ne permettoient pas que l'on soumît toute la France à cette rigoureuse et minutieuse uniformité, combien est-il plus insensé de prétendre y assujettir des peuples séparés de la France par d'anciennes habitudes politiques, par la diversité de la langue, par une opposition marquée de moeurs et de caractère, que le juste ressentiment de tant d'injures ne peut manquer de convertir en haine nationale? Les Romains, qui savoient encore mieux conserver que conquérir, avoient pour maxime fondamentale de laisser aux nations vaincues leur religion, leurs moeurs et leurs coutumes. Ils ne se seroient jamais crus assez puissans pour entreprendre de faire couler sous les mêmes lois municipales la Garonne et l'Escaut. On ne trouve dans l'antiquité qu'un exemple d'un semblable. projet, et il est donné par un prince dont la mémoire est abhorrée. Le roi Antiochus dit l'Auteur du livre des Maccabées, blia un édit, pour ordonner qu'il n'y eût dans tout son royaume, qu'un seul peu"ple, et que chacun renonçât à sa loi. "

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