Page images
PDF
EPUB

ter et les autres le besoin de vendre les suffrages.

Si, au mépris de ces principes, on s'obstine à vouloir établir une constitution populaire dans un Etat vaste et puissant, ou la république croulera écrasée par sa masse, ou à l'ombre de cette constitution, et sous le prétexte de la défendre, il s'élevera un gouvernement despotique, d'autant plus formidable, que les lois n'auront pu ni en prévoir, ni en réprimer les excès.

Puisqu'un grand Etat ne peut se passer d'un gouvernement monarchique, il faut aussi qu'il ait une constitution monarchi que. Il n'y a pas de plus grand vice politique que l'opposition entre le gouverne ment d'un Etat, et sa constitution.

Tout ce qui sort de la main des hommes porte le caractère de l'instabilité; les gouvernemens plus que toute autre chose, car non-seulement, ils sont l'ouvrage des hommes, mais les hommes en sont les élémens.

La constitution d'un Etat peut changer de deux manières, ou par des innovations violentes et soudaines, ou par des variations graduées que le temps et les circonstances amènent insensiblement. Les innovations

violentes entraînent presque toujours la ruine, ou du moins, la désolation de l'Etat. „Rien

[ocr errors]

"

[ocr errors]
[ocr errors]

dit encore Montagne, ne presse un Etat » que l'innovation. Le changement donne seul forme à l'injustice et à la tyrannie. Quand quelque pièce se démanche, on peut l'étaier: on peut s'opposer à ce que » l'altération et corruption naturelle à toutes choses ne nous éloigne trop de nos commencemens et principes. Mais d'entreprendre à réformer une si grande masse, et à changer les fondemens d'un si grand ,, bâtiment, c'est à faire à ceux qui veulent amender les défauts particuliers par une confusion universelle, et guarir les maladies la mort. Toutes grandes mutations ébranlent l'Etat et le désordonnent. " Les variations insensibles, au contraire, tendent presque toujours à l'affermir, et souvent à perfectionner son régime: elles sont moins l'ouvrage des hommes, que celui de la nature et des événemens, dont la marche entraîne les gouvernemens.

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

» par

[ocr errors]

Jusqu'à l'époque désastreuse de la Révolution, la Constitution de la monarchie française n'avoit éprouvé que des innovations de ce dernier genre. Sous la troisiè

La

me race, et sur-tout, depuis le règne de Louis-le-gros, l'autorité des rois s'étoit accrue aux dépens de la puissance que les Grands avoient usurpée sur les foibles successeurs de Charlemagne; et cet accroissement, ou pour mieux dire, ce rétablissement de la prérogative royale avoit tourné à l'avantage du peuple qui, sous le règne de Philippe-lebel, se vit appelé aux Etats-Généraux. sage politique de nos Rois secondée par le caractère national, par l'esprit du Christianisme qui favorisa singulièrement l'affran chissement des serfs, par les progrès du commerce et de l'industrie, vint à bout de détruire, sans secousses et sans révolution, ce qu'il y avoit d'oppressif dans le gouvernement féodal. A peine en restoit-il quelques vestiges, dans des cens, ou redevances modiques qui n'étoient, pour la plupart, qu'un juste aveu des concessions faites par de riches propriétaires à des colons indigens. Le peuple avoit profité de toutes les victoires que la Couronne avoit remportées sur la noblesse, depuis le ministère de l'abbé Suger, jusqu'à celui de Richelieu. Il étoit devenu libre, parce que les rois s'étoient rendus absolus.

Loin d'altérer la Constitution d'un Etat, de pareils changemens l'améliorent. Les Gouvernemens, comme toutes les choses humaines, doivent se perfectionner avec le temps; et il ne faut pas écouter ces Publicistes chagrins qui, comptant pour rien la sagesse et l'expérience des générations qui nous ont précédés, croient épurer les Gouvernemens, en les rappelant à la rudesse de leur première origine...

Il est permis, sans doute, de chercher avec Montesquieu les premiers élémens de notre droit public dans les forêts de la Germanie. Mais il ne faut pas, à l'exemple du Comte de Boulainvillers, et de l'abbé de Mably, entreprendre de ramener dans une nation riche, instruite et civilisée les usages et les lois barbares des Mérovingiens. Les Français du dix-huitième siècle ne sont pas les Francs de Clovis. Un Roi, une noblesse héréditaire, des assemblées générales, voilà les premiers linéamens de notre Constitution, tels qu'on les voit dans l'admirable tableau que Tacite nous a laissé des moeurs de nos ancêtres. Le temps, le progrès des lumières et de l'industrie, les changemens introduits dans les moeurs na

tionales ont modifié ces formes primitives. Les lois fondamentales qui en découloient naturellement se sont établies l'une après l'autre notre droit public s'est développé à mesure que les circonstances demandoient de nouvelles dispositions.

[ocr errors]
[ocr errors]

L'ancienne Constitution de la France, etil en est de même de tous les Etats de l'Eu rope, est un vaste édifice qui n'a été construit, ni tout entier à-la-fois, ni d'après un plan symétrique et régulier. Tous les âges y ont ajouté, corrigé, réparé, selon leur goût et leurs besoins; et toute la suite de notre histoire démontre à l'observateur attentif que, malgré les fautes et les erreurs fréquentes du Gouvernement, notre Constitution, sous les rois de la troisième race, alloit s'affermissant, et se perfectionnant de siècle en siècle.

On dira peut-être que, depuis le règne de Louis XIII, la puissance royale sembloit croître d'une manière alarmante, et que la désuétude des Etats-Généraux ne laissoit à la nation aucun moyen de revendiquer les droits que lui donnoit la Constitution.

Mais, d'abord, il faut observer que c'est la Nation elle-même qui s'est dégoûtée des

« PreviousContinue »