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et de se faire un parti puissant dans les deux Conseils.

Le Directoire, dans la nouvelle Constitution, tient la place du Roi dans la Constitution de 1791, mais avec deux différences remarquables. Premièrement, on ne lui a. pas laissé le droit d'admettre, où de rejeter les résolutions du Corps législatif, ce qui est un vice essentiel dans la nouvelle Constitution. Si l'on veut qu'il y ait unité dans le Corps politique, il faut que le Pouvoir exécutif ait part à la législation, ne fût-ce que par le droit d'empêcher. Ceux qui gouvernent ne travailleront pas, avec zèle et franchise, à faire observer des lois qu'ils désapprouvent, et qui auront été portées contre leur gré. Secondement, par la nouvelle Constitution, le Directoire a plus de force et de moyens, pour l'exécution des lois, que n'en avoit le Roi constitutionnel. A cet égard, la nouvelle Constitution vaut mieux que l'ancienne; mais cet avantage est contrebalancé par le défaut d'un principe unique de mouvement dans l'administration. lieu de placer dans une seule main les rênes du Gouvernement, elle abandonne la machine politique aux secousses et aux tiraille

Au

mens de cinq forces égales, entre lesquelles une parfaite et constante harmonie seroit un phénomène bien extraordinaire. Sparte n'avoit que deux Rois, Rome que deux Consuls: cependant, à Sparte, dans tous les temps, le Sénat et les Ephores: à Rome, dans les tems difficiles, un Dictateur ramenoit le gouvernement à l'unité.

Qu'il y ait division, et dans le Direc toire, et dans les Conseils; que, d'un côté, soit la majorité des Conscils, et de l'autre la majorité du Directoire, où est l'autorité qui départagera? Le texte de la Constitution? mais la Constitution est déjà violée, quand la majorité du Directoire résiste à la majorité des Conseils. Il ne reste donc que la force, et l'union cutre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif ne pourra se rétablir que par une révolution qui soumette et asservisse l'un à l'autre.

Les inventeurs de cette Constitution prétendue républicaine ont imité, ou plutôt, ont voulu perfectionner la Constitution britannique. Mais ils l'ont gatée dans toutes ses parties. Leur Pentarchie élective n'est point un principe d'unité, de stabilité, de perpétuité comme la monarchie héréditaire.

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Le Conseil des Cinq-cents, et le Conseil des Anciens ne forment pas deux chambres réellement distinctes, comme sont en Angleterre la chambre des Pairs, et la chambre des Communes. Les membres de ces deux Conseils, étant pris dans les mêmes condi tions, sans autre différence que celle de l'âge, il n'y a pas entre eux cette diversité, cette opposition d'intérêts qui prolonge et éclaire és discussions, qui balance et mûrit les résolutions, et qui, dans un gouvernement représentatif, peut seule assurer la liberté civile, et le droit de propriété.

Dans la Constitution britannique, les

intérêts de la Religion, de la Couronne et des propriétés foncières sont défendus par la chambre des Pairs: la liberté publique, le commerce, les richesses mobiliaires trouvent leur appui naturel dans la chambre des Communes et ce conflit d'intérêts maintient l'équilibre entre toutes les parties de l'Etat. La Constitution française ne connoît point ces contre-poids: le voeu du moment, le premier élan de l'enthousiasme n'y rencontre aucune résistance: les divers intérêts n'y sont pas représentés: celui de la faction dominante écrase tous les autres. En vain l'on

a cru prévenir ce danger, et suspendre l'impétuosité des délibérations, par l'institution de deux Conseils. Ces deux Conseils ne sont pour le bien dire, qu'une même assemblée qui est convenue de se partager en deux salles, et de distribuer entre ses deux sections les différentes fonctions du pouvoir législatif.

Par cette distribution de pouvoirs, l'initiative est réservée au Conseil des Cinq-cents, et il ne reste aux Anciens que le droit d'ac cepter sans amendement, ou de rejeter sans restriction, sans explication les projets de lois qui leur seront envoyés par les Cinqcents. De là il résulte en faveur des Cinq-cents une prépondérance énorme, tandis que les Anciens demeurent sans force, sans activité, sans considération. Le mérite des bonnes lois, ou des décrets populaires appartiendra tout entier aux Cinq-cents qui les auront proposés: on ne saura nul gré aux Anciens de les avoir approuvés: on les rendra responsables de tout le mal qui naîtra des lois qu'ils auront sanctionnées, et de tout le bien que l'opinion publique ou les factions attendoient de celles qu'ils auront rejetées. Des deux parties du corps législatif, la plus

foible, et la moins accréditée sera celle dont on devoit se promettre plus de sagesse, d'expérience et de maturité.

En Angleterre, la chambre des Communes a seule Finitiative, en matière de finances et d'impositions. Mais avec quelle sagesse cet avantage est contre-balancé par tous les moyens de considération dont la Constitution investit les Nobles Lords, membres héréditaires et inamovibles de la représentation nationale !

En Angleterre, le Roi peut rejeter les Bills du Parlement: il peut même convoquer, proroger, dissoudre le Parlement. C'est par là qu'il est assez fort pour maintenir un équilibre invariable entre les deux autres parties du corps législatif, dont il est le chef et le régulateur. Dans la Constitution française, le Directoire, qui représente le monarque n'a point de force qui lui soit propre. Il ne lui est pas permis de se réunir au plus foible des deux Conseils, pour contre-peser le plus puissant. Aux termes de la Constitution, il n'est que le ministre, et l'employé du Corps législatif. Trop puissant pour une république, le Directoire ne

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