passer d'un roi. Mais, s'ils étoient assez aveugles pour rejeter celui que le ciel leur a donné, ils ne cesseroient de se battre pour le choix des tyrans; et cette malheureuse nation n'auroit fait que passer de l'anarchie républicaine, à l'anarchie d'un despotisme électif. Je l'ai remarqué ailleurs, d'après Montesquieu: ce n'est pas en faveur des maisons régnantes, c'est en faveur des peuples qu'a été institué le droit d'hérédité. Le bien qu'il produit, en prévenant les troubles qu'entraîne chaque mutation de règne dans les gouvernemens électifs, l'emporte sur le mal que feroit une suite héréditaire de mauvais princes. Quels monstres que les premiers successeurs d'Auguste! un Tibère! un Caligula! un Claude! un Néron! Mais, comme la naissance, ou l'adoption leur donnoit un droit reconnu des peuples, sous ces règnes odieux, l'Empire, du moins, ne fut pas déchiré par les guerres civiles; et quand on songe aux désordres épouvantables dont furent suivies les élections de Galba, d'Othon, de Vitellius et de Vespasien, on est tenté de regarder la mort de Néron comme une calamité publique. L'histoire du bas-empire n'offre quelques intervalles de paix domes tique, que lorsqu'on voit la couronne passer des pères aux enfans. Je ne parle point de la Pologne, ni de l'empire Germanique, avant que la couronne impériale fût devenue, en quelque sorte, le patrimoine de la maison d'Autriche. Je ne citerai plus que la conduite de l'Angleterre, au commencement de ce siècle. Les Anglois avoient interverti l'ordre de la succession, en excluant du trônela postérité catholique des Stuarts; mais ils sentirent combien il étoit nécessaire de conserver le droit d'hérédité. Ils le transportérent dans la ligne protestante; et plutôt que d'exposer l'Etat aux orages d'une élection, ce peuple si fier appela pour le gouverner un prince allemand, dans lequel il reconnoissoit le sang de ses Rois. Sous Charles VII, sous Henri IV, la France a été sauvée par le droit d'hérédité, Aujourd'hui encore, la Providence lui conserve et lui montre un sauveur, dans la personne de Louis XVIII qui, au droit de la naissance, réunit tous ceux que donneroient à une couronne élective les lumières et les vertus. N'en doutons pas: la force des choses, l'ascendant de la raison, la voix de l'intérêt rameneront les Français au Gouvernement de leurs pères. Que dis-je? le Directoire lui-même apprend à toute l'Europe, que déjà le voen national se porte vers le Roi légitime. C'est, en accusant les assemblées primaires, et la majorité du Corps législatif d'avoir cédé à l'influence des Royalistes, qu'il entreprend de justifier l'attentat du 4 septembre. Accusation vraie, sans doute, puisqu'elle est souverainement imprudente, et qu'elle suffit, même dans les principes du Directoire, pour le convaincre du double crime de rebellion et de tyrannie. En effet, quelle est, dans une démocratie, la source de l'autorité souveraine? la volonté du peuple. Comment se manifeste la volonté du peuple? par la pluralité des suffrages, soit dans les assemblées périodiques des citoyens, soit dans l'Assemblée permanente des Représentans de la Nation. Quelle que soit cette volonté ainsi manifestée, elle est essentiellement légale: quels qu'en soient les motifs, il faut s'y soumettre. Ceux-là seuls sont des rebelles et des conspirateurs qui osent accuser le Souverain de révolte et de conspiration.. Toutes les démarches du Directoire. tra hissent ses inquiétudes et sa peur. Il a signalé les premiers momens de son triomphe par une intolérance barbare: Il a renouvelé la persécution contre les prêtres: il a proscrit tous les écrivains qu'il n'a pu ni acheter, ni intimider. Un Gouvernement qui s'estimeroit, et qui oseroit prendre quelque confiance en lui-même, attendroit tout de la persuasion, et n'entreprendroit pas de forcer les consciences et les affections. Mais celui qui se voit chargé de l'exécration pu-. blique, veut être redouté. Oderint dum metuant, c'est la devise des tyrans. Ne pouvant faire aimer la République, le Directoire n'imagine rien de mieux, que d'arracher à tous les hommes en place un serment de haine à la royauté. Il ose même le commander aux ministres d'une religion qui est toute amour, qui ne connoit point d'ennemis, qui fait profession de respecter tous les Gouvernemens, et dont l'histoire nous montre des Rois établis par l'autorité divine. Eh! de quel droit, ces hommes qui, de leur aveu, ne sont que les mandataires du peuple, prétendroient-ils lier par des sermens irrévocables la volonté du peuple? Le peuple ne seroit-il plus le maitre de réformer son Gouvernement, de l'abolir, et de s'en donner un autre? La Nation toute entière eût-elle proscrit le régime monarchique, ce voeu du moment ne sauroit l'engager pour l'avenir. Fût-il prouvé démonstrativement que la royauté est le plus mauvais des Gouvernemens, on ne pourroit prescrire le serment de la haïr, sans attenter manifestement à la souveraineté du peuple. » En tout état de cause, dit Rousseau, >> et doivent dire tous les Publicistes démo» crates, un peuple est toujours le maître de » changer ses lois, même les meilleures. » Car, s'il lui plaît de se faire mal à lui» même, qui est-ce qui a droit de l'en em>> pêcher? «< Les affections et les sentimens ne sont pas du ressort de la puissance politique. Un. Gouvernement légitime peut demander aux citoyens un serment d'allégeance, ou de soumission extérieure, mais il ne peut leur enjoindre d'approuver ses lois, et de les aimer, Des usurpateurs, des tyrans auroient-ils sur les consciences un droit que n'ont pas les Gouvernemens légitimes? Le serment de haine à la Royauté est nul 1 |