part active à la législation. C'est en conséquence de ce principe, qu'il est dit dans la déclaration des droits, article VI, » que la »loi est l'expression de la volonté générale, » et que tous les citoyens ont droit de con>> courir personnellement, ou par leurs re» présentans à sa formation. ככ Pour sentir l'exagération et la fausseté de cette doctrine, il suffit de considérer l'extrême différence qui se trouve entre l'esclave qui n'a ni propriété, ni volonté, et le sujet qui, n'obéissant qu'aux lois, conserve sous leur autorité la faculté de disposer de ses actions et de ses biens. Il est vrai que la liberté de celui-ci est limitée par une volonté étrangère; mais c'est par une volonté publique, générale, invariable, qui ne gêne la liberté du sujet, en quelques points, que pour assurer à l'époux, au père de famille, au propriétaire, au mercenaire même, l'usage paisible de tous leurs droits naturels et civils; par une volonté conforme, non-seulement à l'intérêt public, mais encore.. à l'intérêt particulier bien entendu; par une volonté que tous les hommes vertueux et amis de l'ordre s'empressent de ratifier, et à la loi, parce qu'alors il ne donne rien aux passions. La liberté civile suffit à ses besoins et à ses désirs, parce que la loi ne lui interdit que ce qu'il s'interdiroit lui-même. Si la liberté politique est le voeu de quelques ambitieux qui se croient nés pour commander, la plus nombreuse partie du genre humain consent à se laisser gouverner, et ne demande que des maîtres justes. Pauci libertatem, pars magna justos dominos volunt. (*) La liberté civile remplit l'objet que les hommes ont dû se proposer en s'unissant en société, et l'expérience des temps anciens et modernes prouve que les Etats les plus heureux, et par conséquent, les mieux constitués, sont ceux où le peuple jouit de la liberté civile, sans prétendre à la liberté politique. Quel est, en effet, le but des sociétés politiques, sinon de garantir à tous la surété, la propriété, et l'exercice légitime des facultés naturelles? Les sociétés n'ont pas été instituées, pour qu'il existât une autorité, une force publique, une Constitution. Ce sont la les moyens, mais non la fin et le but de l'ordre social. Il est nécessaire (*) Salluste, que tous soient protégés; mais il ne l'est pas que tous gouvernent, et celui qui obéit n'a point à se plaindre de la société, s'il obtient sureté pour sa personne, et pour ses biens. Or il est certain, non-seulement que l'on peut atteindre le but de l'association civile, sans que tous les membres de la société partagent le pouvoir législatif, mais, qu'en général, la tranquillité publique n'est jamais plus assurée, que dans les Etats où la multitude ne sait qu'obéir. Tout ce qu'il y a jamais eu de gouvernemens sur la terre, les républiques même qui portoient jusqu'au fanatisme l'amour de la liberté, concentroient le pouvoir législatif, et soumettoient la multitude au petit nombre. Athènes, Sparte, Syracuse, Rome, Carthage comptoient sur leur territoire infiniment plus d'esclaves que de citoyens. Dans le dénombrement fait à Athènes, sous Démétrius de Phalère, il se trouva, au rapport d'Athénée, 21000 citoyens, 10000 étrangers, et 400000 esclaves. La disproportion étoit encore plus grande à Rome, où tous les métiers étoient exercés par des esclaves, et où il n'étoit pas rare de voir des particuliers qui en avoient cinq à six cents à leur service. Ces anciens gouvernemens, lors méme qu'ils prenoient le nom de démocraties, n'etoient, dans le fait, que des Aristocraties oppressives, où la liberté civile du grand nombre étoit immolée à la liberté politique, c'est-à-dire, au luxe et à la tyrannie de ce petit nombre qui s'appeloit le peuple. Dans nos monarchies modernes, tant calomniées par les philosophes, la dignité de l'homme est plus respectée. On n'y connoît point l'odieuse distinction de citoyens et d'esclaves: tous y jouissent de la liberté civile; et si la liberté politique en est exclue, ce désavantage apparent tourne au profit du bonheur public et de la véritable liberté. La Grèce, au jugement de Polybe, étoit plus heureuse et plus florissante sous l'empire des Romains, qu'elle ne l'avoit été, lorsqu'elle se gouvernoit elle-même. Tite-Live remarque que les villes sujettes à Eumene roi de Pergame n'auroient voulu changer de condition avec celles d'aucune République. Le seul gouvernement où la liberté politique puisse avoir lieu dans toute son étendue, c'est la démocratie pure qui admet tous les habitans d'un pays à partager également l'autorité souveraine et le droit de " دو législation. Mais ce Gouvernement, le plus parfait, le seul légitime, dans les principes de Rousseau, de l'aveu de Rousseau luimême, né convient pas à des hommes, et répugne à l'ordre naturel. A prendre le ,, terme dans la rigueur de l'acception, il , n'a jamais existé de véritable démocratie, et il n'en existera jamais. Il est contre l'ordre naturel que le grand nombre gouverne, et que le petit soit gouverné... S'il y avoit un peuple de dieux, il se gouverneroit démocratiquement. Un Gouvernement si parfait ne convient pas à des hom" mes. (*)" " " " " دو دو En effet, l'histoire ne nous offre aucun exemple d'une démocratie pure. Dans la Constitution d'Athènes, quoique le peuple ne fût déjà qu'un corps choisi et privilégié, son pouvoir étoit néanmoins balancé par l'autorité de l'Aréopage. Des institutions semblables tempéroient la démocratie dans les autres républiques de la Grèce. Mais tel est le vice essentiel d'un gouvernement, où la multitude exerce lè pouvoir suprême, que toutes ces républiques ne durent leur éclat passager qu'aux troubles et aux convulsions (*) Contrat social. |