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titutions se sont succédé; et après tant d'essais, la nation française attend encore ce bonheur tant promis, et si chèrement acheté.

Et quand on pourroit se persuader, comme sont réduits à le dire les apologistes de la Révolution, que la postérité recueillera le fruit des crimes et des malheurs de la génération présente, ce succès tardif absoudroitil les Novateurs des maux effroyables auxquels ils nous ont condamnés?

Mais vainement ils en appellent à l'avenir. La Révolution ne promet à nos descendans que ce qu'elle nous a donné. L'état actuel. de la France est l'effet naturel et nécessaire de son esprit et de ses principes. Tant que subsisteront ces principes et cet esprit, les lois demeureront sans force, les passions sans frein, les propriétés sans garantie. Partout où ils s'établiront, ils porteront avec eux l'anarchie, le brigandage et l'immoralité.

Pour se convaincre de cette vérité, à laquelle chaque jour fournit une nouvelle preuve, il ne faudroit, ce semble, qu'ouvrir les yeux, et considérer ce qui se passe, nonseulement en France, mais dans les provinces

belgiques, dans la Hollande, en Italie, sur les bords du Rhin, dans les Cantons helvétiques, par-tout enfin où ont pénétré les armées, et la doctrine encore plus re doutable des Français.

Par quelle fatalité, ou plutôt, par quel terrible jugement du Ciel sur l'Europe, les leçons que tant de peuples ont données l'un après l'autre, ont-elles été perdues pour leurs voisins? comment se trouve-t-il encore des esprits assez prévenus, pour ne pas voir que la Révolution française attaque à-la-fois tous les cultes, tous les gouvernemens, tou tes les propriétés? Que l'éclat de tant de victoi res ait imposé à l'opinion publique, qu'aux yeux du vulgaire la gloire des conquérans ait couvert l'infamie des législateurs, et que de grands crimes ayent été annoblis par de grands succès, je n'en suis pas étonné: mais ce qu'il y a d'étrange et de déplorable, c'est de rencontrer dans toute l'Europe des hommes éclairés d'ailleurs, qui détestant les crimes de notre Révolution, se persuadent encore que les principes spéculatifs qui en sont la base n'ont/ rien que de conforme au droit naturel, et à la saine politique; qu'ils ne sont devenus

funestes à la France, que par l'abus qu'en a fait une nation vive et inconsidérée; et qu'il será facile aux autres peuples de profiter de nos lumières et de nos fautes, pour s'arrêter au point où la liberté dégénère en licence.

Laissons donc les faits de côté, et n'envi- . sageons la Révolution française que dans ses príncipes spéculatifs. La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen publiée par la première assemblée nationale, en est le code fondamental. Or, c'est dans cette fameuse déclaration que le peuple a puisé les notions immorales et séditieuses qui l'ont porté aux plus coupables excès: c'est au nom, et en exécution de ces droits préten dus, qu'ont été violés sans pudeur tous les droits de la religion, de la justice et de l'humanité: ce n'est point le caractère national qui a dirigé vers le crime les principes de la Révolution; ce sont les principes de la Révolution qui ont perverti, et totalement oblitéré le caractère national. Dans toute autre contrée, ce ferment empoisonné eût causé autant, et peut-être plus de ravages; car la licence et l'anarchie ne sont pas de simples abus, ce sont les moyens

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nécessaires, et les conséquences inévitables du système révolutionaire. Que les peuples ne se flattent donc pas de pouvoir composer avec la Révolution française: il faut, ou la recevoir avec tous les forfaits qui ont ensanglanté et déshonoré la France, ou repousser au loin les dogmes meurtriers à la faveur desquels elle s'y est établie.

Voilà ce que je me propose de prouver dans cet ouvrage que j'intitule: Défense de l'ordre social, parce que la réfutation des principes de la Révolution mettra dans tout leur jour les vérités antiques et solennelles sur lesquelles repose toute l'économie politique.

Après quelques réflexions générales sur la société civile, et sur les gouvernemens, je discuterai les principes fondamentaux de la Révolution, la liberté, l'égalité, la souve raineté du peuple, le droit d'insurrection. J'examinerai ensuite quels sont les titres véritables, les droits et les limites de la puissance souveraine. Je parlerai de la Religion considérée dans ses rapports avec l'ordre social. Et pour suivre la Révolution à ses différentes époques, je remonterai à la Constitution décrétée en 1791, et je fi

nirai, en jetant un coup-d'oeil sur la République française et sur la Constitution qu'on lui a donnée en 1795.

Heureux! si trompant la vigilance des tyrans qui enchaînent jusqu'à la pensée, ce foible écrit pouvoit pénétrer dans ma patrie, et y réveiller dans tous les coeurs les sentimens d'honneur et de loyauté, qui pen dant quatorze siècles, ont fait le bonheur et la gloire de la nation française. Heureux encore! si, du moins, il peut servir à préserver de la contagion révolutionnaire les contrées hospitalières où j'ai trouvé un asile contre la persécution; s'il peut convaincre tous ceux qui ont une patrie, une famille, une propriété que leur bonheur est inséparable de la tranquillité publique, de la stabilité des gouvernemens, de la soumission à l'autorité légitime, et sur-tout du respect pour la Religion.

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