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tre, qu'il ne quilte que le soir pour aller à l'école. Il est enfin parvenu à lire très bien , il écrit passablement et il commence à savoir l'évangile d'une manière satisfaisante : M. Meyer, son patron, s'est imposé la tâche de lui donner luimême une lecon tous les lundis. Quoique cet enfant soit éloigné de plus d'une lieue et qu'il ne puisse marcher que difficilement et à l'aide d'un bâton, il n'a jamais manqué ce jour là, quelque temps qu'il fit , de se rendre auprès de l'homme bienfaisant qui l'a adopté. On ne saurait dire, Messieurs, quel est, du pupille ou du patron, celui qui mérite le plus d'éloges : si nous ajoutons que notre enfant place toutes ses économies à la Caisse d'épargne, et que cette excellente conduite dure depuis deux ans et demi, vous reconnaitrez avec nous qu'il avait droit à la distinction que nous lui accordons.

Enfin , Messieurs, peut-être avez-vous conservé le souvenir des réflexions que nous faisions dans notre compte rendu de 1834 , sur les effets du penchant irrésistible que quelques enfants de Paris avaient pour le vagabondage. Nous citions une famille honorable et aisée, qui avait vu ses trois fils succomber à cette passion les uns après les autres ; les deux aînés s'échapper et aller au delà des mers chercher

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un monde nouveau , des émotions nouvelles, au prix de tous les sacrifices , de toutes les misères et de tous les dangers. Le dernier des trois, disions-nous , entraîné par l'exemple de ses frères, monte derrière une diligence à l'insu dụ conducteur , arrive dans un port de mer, se mêle à des passagers qui vont s'embarquer entre furtivement avec eux dans le vaisseau , s'y cache; mais contraint trop tôt, par la faim,

; de se montrer , il est remis à terre, reconduit à Paris où il refuse avec obstination de nommer ses parents, et où on est obligé de le détenir à titre d'hospitalité.

Eh bien, Messieurs, c'est ce jeune enfant qui , ayant été confié à la Société depuis plus de trois ans, a, par ses nobles sentiments, mérité le cinquième prix. Les premiers temps de sa libération furent employés à remplir de grands et bien douloureux devoirs : son père , aisé d'abord , avait, par un de ces revers trop fré. quents à Paris , perdu sa fortune. Il mourut sans laisser même de quoi se faire inhumer. Heureusement notre jeune homme avait passablement appris une profession et amassé un petit pécule dans la maison pénitentiaire : voulant conserver à sa mère le peu d'effets mobiliers qu'elle possédait , il s'engagea à payer, et a ef

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fectivement payé depuis, les frais funéraires de son père et un trimestre du loyer échu. Devenu le protecteur de sa mère et d'une jeune seur, il les fait vivre du fruit de son travail , il les soutient , les console et ne s'est pas démenti un seul instant dans les soins pieux qu'il leur rend.

M. Lendormy , dont la tutelle officieuse s'é. tend sur un si grand nombre de nos enfants , et leur est si utile, est encore le patron de celui-ci.

Tels sont, Messieurs, ceux de nos pupilles auxquels nous avons jugé devoir accorder des prix cette année.

Puissent ces marques de notre satisfaction, produire sur eux comme sur nos autres patronés tout leur effet.

Si nous ne les appelons pas pour les leur remettre directement, ils savent que c'est afin de ne pas blesser une susceptibilité que nous avons à ceur de ménager; ces récompenses auront d'ailleurs plus de valeur à leurs yeux en passant par les mains de leurs patrons qui, seuls, vont être appelés à les recevoir.

Mais que ceux de nos nombreux enfants d'a. doption qui m'entendent, et qui, dans ce moment, se trouvent au milieu de nous, soient bien

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pénétrés de l'idée que leur retour au bien, et par suite leur bonheur, leur bien être, sont l'objet constant de nos sollicitudes et de nos vœux. Que si nous veillons sur eux, c'est comme de tendres pères, non pour les soumettre à une tutelle obséquieuse et humiliante , mais pour diriger leur inexpérience, et pour écarter d'eux les écueils qu'ils sont trop souvent exposés à ren. contrer.

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Ils doivent s'apercevoir à l'éclat de cette solennité, à la présence de tant de personnes distinguées, combien est grand l'intérêt qu'ils inspirent.

Par eux, en effet, commence la plus importante réforme sociale que la philosophie, unie à la charité la mieux entendue, au sentiment religieux le plus éclairé, ait pu entreprendre en

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Réforme qui honorera notre époque, comme elle honorera les Gouvernements qui voudront y attacher leur nom.

Glorilions-nous , Messieurs, de voir ici les hommes généreux qui ont à cæur de la réaliser; Glorifions-nous de ce que des Ministres du Roi et les premiers magistrats de la cité et du pays

veulent bien offrir leur concours à une œuvre si digne de leur appui.

La sympathie qu'ils nous témoignent n'est pas seulement un encouragement à nos efforts, elle est un espoir pour l'avenir.

A tous les titres, elle mérite notre profonde reconnaissance.

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