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indignation, et répondit à Loizeau que s'il n'avait pas d'autres moyens pour servir les Bourbons qu'un lâche assassinat, il pouvait aller ailleurs chercher des complices. Cette circonstance que je sus d'une manière certaine par un ami de M. de Gimel, qui la tenait de lui, jointe aux propos atroces que tenait Loizeau, me décida à le faire arrêter. N'ayant aucun moyen de police pour y parvenir, je chargeai un agent affidé de se tenir constamment sur la promenade qui sépare Hambourg d'Altona, et au moment où Loizeau serait sur la partie de cette promenade dépendant du territoire Hambourgeois, de lui chercher querelle, et de se faire conduire avec lui au corps-de-garde hambourgeois le plus voisin. Loizeau fut pris à ce piége; mais quand il vit qu'on allait le conduire du corps-de-garde à la prison de Hambourg, et qu'il sut que c'était à ma réquisition qu'il était arrêté, il défit sur-le-champ sa cravate, déchira avec ses dents les papiers qu'elle contenait, et en avala une partie. Il en avait aussi sous les bras, qu'il s'efforça de déchirer, mais il n'en eut pas le temps: les cinq soldats qui l'escortaient le serrèrent de plus près; saisi de fureur, Loizeau se défendit contre eux, en maltraita plusieurs très rudement, et ne fut conduit en prison qu'après avoir reçu

une légère blessure, son premier mot, en entrant dans la prison, fut: Je suis perdu!

Loizeau disait dans une lettre à M. de Beauveau, auquel il écrivait sous le nom de l'abbé Saint, Kiusington place, no. 5, qu'il n'avait pas voulu se présenter chez la personne chargée des intérêts du prétendant; mais il en avait été si bien reçu qu'il n'osait en faire l'aveu à son correspondant. Loizeau fut remis entre les mains de la police de Paris. J'ignore quel a été le sort de ce misérable, mais on peut s'en rapporter à ce qu'aura fait Fouché pour le mettre dans l'impossibilité de

nuire.

En même temps que je faisais conduire Loizeau à Paris, j'en reçus l'ordre de surveiller et même de faire arrêter un sieur Martelly, qu'on accusait d'être l'auteur d'un libelle contre l'empereur et les généraux français. On lui reprochait aussi d'avoir contribué à la reddition de Toulon aux Anglais. Je fis venir Martelly, et je lui fis part de ce dont on l'accusait. Il me répondit qu'il n'avait jamais été à Toulon, qu'il avait émigré de Marseille, et que,quant au libelle, c'était son frère, actuellement en Portugal, qui en était l'auteur. Je lui fis subir un long interrogatoire, et je

connus qu'il avait vécu long-temps à Londres ; il

me parut très-intelligent. Je lui fis entendre qu'il pourrait servir la France en Angleterre. Je fus satisfait des renseignemens qu'il me donna, quoiqu'il se fût exprimé avec incertitude, ce qu'il attribua au temps qui s'était écoulé depuis son départ de Londres.

Après m'être assuré, autant que cela est possible en pareil cas, de son dévouement, je résolus de l'envoyer à Londres, et je lui fis part de tout ce dont le ministère français voulait être instruit. Avant de partir, Martelly me dit de ne m'étonner de rien de ce que les journaux anglais pourraient contenir pour ou contre lui, que tout tendrait au but de sa mission; il me dit aussi qu'il croyait très-important de surveiller à Paris un abbé Lajarre, employé aux relations extérieures' Ce Lajarre, ancien amant de la comtesse de Saint-Martin, depuis maîtresse de Dumouriez, correspondait avec elle, et c'était par lui que l'on savait en Angleterre tout ce qui se passait en France. Martelly désirait que l'on n'éclatàt pas contre Lajarre, avant son retour de Londres. La personne avec laquelle Martelly était lié à Londres, et dont

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M. Labarre, abbé de Cherval, avait été secrétaire de légation à Lisbonne, pendant l'ambassade de Lannes.

il tenait ce renseignement, était le chevalier Dublin, aide-de-camp de Dumouriez, et qui, las de la vie qu'il menait, désirait ardemment se réconcilier avec sa patrie et y rentrer. C'était auprès de lui que devait se rendre Martelly. Au moment de partir pour Husum, Martelly reçut du chevalier Dublin une lettre qu'il me fit lire. Celui-ci lui mandait que Dumouriez allait retourner sur le continent', et qu'il se préparait une grande expédition pour la Hollande ou pour le Hanôvre, mais plus vraisemblablement pour ce dernier pays. Martelly vit beaucoup les émigrés français à Altona, et fut même chargé par eux de plusieurs lettres pour Londres. Il était vivement recommandé à quelques-uns des personnages marquans du parti. Martelly partit pour Londres. Je sus par lui beaucoup de choses, et malgré les soupçons dont le ministre de la police m'avait fait part sur son compte, il me servit avec beaucoup de fidélité et une rare intelligence.

' Dumouriez faisait de fréquens voyages en Angleterre.

CHAPITRE X.

Menaces de la Prusse. Ultimatum insolent.

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restituer le Hanôvre à l'Angleterre.

Offre de

- Esprit belliqueux de la Prusse. Rupture des négociations avec l'Angleterre. Le premier capitaine du siècle. M. Jacobi à Hambourg. Ordre donné à M. Jacobi de se rendre à Londres.-Commencement des hostilités entre la France

et la Prussc.

à Hambourg.

Nouvelle d'une grande victoire apportée Bataille d'Auerstaedt.-Entrée à Hambourg du prince de Brunswick porté sur un brancard.La duchesse de Brunswick.

Regret des émigrés.

Bernadotte à Hambourg. Davoust et Bernadotte.

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L'empereur et la colonne de Rosbach..

Lubeck.

Les Suédois à

Le major Ameil. Témoignage de reconnaissance que me donne le sénat de Hambourg.

Nous approchions du moment où la guerre allait de nouveau ensanglanter l'Allemagne, et à mesure que les espérances de paix disparaissaient, la Prusse redoublait ses menaces. Les souvenirs' du grand Frédéric l'agitaient; la paix lui était odieuse; ses mesures, jusque-là assez modérées,

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