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<< rai peut-être besoin plus tard; allez dire à Ber<<thier de lui faire expédier un ordre pour qu'il « se rende en Illyrie.

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L'ordre fut expédié, et le capitaine Bernard, ardent comme l'étaient ses camarades à l'approche d'une campagne, se vit privé d'y prendre part, et regarda comme une punition ce qui n'était de la part de l'empereur qu'un calcul et une précaution pour se conserver un jeune homme qu'il avait su apprécier. A la fin de la campagne, lorsque l'empereur donna de l'avancement aux officiers qui s'y étaient le plus distingués, le nom du capitaine Bernard que l'on croyait en disgrâce ne se trouva pas porté sur la liste de Berthier, parmi les capitaines du génie, dont il proposait la promotion au grade de chef de bataillon. L'empereur inscrivit lui-même le nom de Bernard avant celui de tous les autres officiers. Cependant l'empereur l'oublia long-temps, et ce fut un hasard qui lui rappela cet officier. Je n'ai jamais eu de relations personnelles avec M. Bernard, mais j'ai su par Rapp, comment il devint plus tard son collègue en qualité d'aide-de-camp de l'empereur, et je raconteraiici cette particularité, bien qu'elle se rapporte à une époque plus éloignée.

L'empereur étant à Paris, quelque temps avant

son depart pour la campagne de 1812, voulut avoir des renseignemens exacts sur Raguse et sur l'Illyrie. Il fit venir Marmont dont les réponses ne le satisfirent pas complètement; il interrogea encore plusieurs généraux, mais le résultat de ces interrogatoires était toujours: « C'est bien, mais << ce n'est pas tout à fait cela, je ne connais pas Raguse. » Alors il fit venir le général Dejean qui avait remplacé M. de Marescot dans les fonctions de premier inspecteur-général du génie. « Avez-vous, lui demanda-t-il, parmi vos officiers, quelqu'un qui connaisse bien Raguse? » Alors Dejean cherchant dans sa mémoire, répondit à l'empereur Sire, il y a un chef de bataillon qui << y a été long-temps oublié et qui connaît parfai«tement l'Illyrie. Comment s'appelle-t-il ?

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<< Bernard. Ah!.. attendez... Bernard!.. Je con<< nais ce nom là. Où est-il ?—Sire, il est à Anvers, employé aux travaux des fortifications. - Une dépêche télégraphique ; qu'au reçu de l'ordre << il monte à cheval et se rende ici à franc-étrier. » On sait avec quelle promptitude les ordres de l'empereur étaient exécutés. Peu de jours après le chef de bataillon Bernard fut à Paris chez le général Dejean et bientôt dans le cabinet de l'empereur. Napoléon reconnut tout de suite son fai

seur de plans de campagne, lui fit très-bon accueil, et lui dit pour toute question, ainsi que cela lui était arrivé très-souvent en ma présence quand il voulait connaître une spécialité : « Parlez-moi de

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Raguse!» Le premier consul me dit un jour que par cette manière d'interroger il était plus sûr de savoir ce qu'un homme avait remarqué de plus intéressant sur un pays. Quoi qu'il en soit, il fut pleinement satisfait de la manière dont M. Bernard lui parla de l'Illyrie, et quand le chefde bataillon eut fini de parler, Napoléon lui dit : « Colonel Bernard, << actuellement je connais Raguse. »> Ensuite l'empereur causa avec lui familièrement, entra dans beaucoup de détails sur le système de fortifications établi à Anvers, s'en fit apporter le plan, essaya d'en critiquer quelques parties en indiquant comment, s'il en faisait le siége, il mettrait la défense en défaut. Le nouveau colonel expliqua si bien à l'empereur, comment, lui, il se défendrait contre ses attaques, que Bonaparte en fut enchanté et donna immédiatement à son jeune interlocuteur une marque de distinction qu'il n'a, à ma connaissance, accordée que cette seule fois. Comme l'empereur allait présider le conseil d'état, il dit au colonel Bernard de l'y accompagner, et plusieurs fois, pendant la séance, il lui demanda son avis sur les points

que l'on discutait. En sortant de la séance, Napoléon lui dit : « Bernard, vous êtes mon aide-decamp. « Après la campagne, il fut fait général de brigade, puis, bientôt aprés, général de division, et aujourd'hui il est reconnu par toute l'Europe comme le premier officier du génie qui existe. Une niaiserie de Clarke a privé la France d'un homme aussi distingué, qui a refusé les offres brillantes que lui firent plusieurs souverains de l'Europe pour se retirer aux États-Unis d'Amérique, où il commande le génie et où il a construit les fortifications du côté des Florides, travail que les ingénieurs regardent comme un chef-d'oeuvre.

J'ai été informé de toutes les circonstances que l'on vient de lire, tant par Rapp que par d'autres personnes dignes de foi; j'y trouve, comme je l'ai dit, le caractère de Napoléon tout entier; j'y vois surtout un exemple remarquable de ce coup-d'oeil d'aigle, qui lui faisait deviner le mérite partout où il se trouvait, et de cette sorte d'instinct qui le poussait à s'en emparer comme d'une chose émanée de lui et qui devait y revenir.

CHAPITRE II.

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Une victoire par jour. Rapidité de la marche de Napoléon. Murat à Wertingen. Conquête du duché de Ney. -L'armée française devant Ulm. - Extraits de ma correspondance. Mission du général Ségur. Intempérie de la saison. Le général Ségur chez Mack.

Singulière obstination de Mack, et son erreur sur la marche des Russes.-État de situation d'Ulm.-Plaintes de Mack contre Ney. Désespoir et fermeté de Mack.

Huit jours ou la mort. — Le prince de Lichtenstein au Quartier-général de l'empereur. Proposition rejetée, et hauteur de Napoléon.-Paroles de Bonaparte entendues par Rapp.-Capitulations signées par Berthier et Mack.

Incroyable sécurité du cabinet de Vienne. Lyon promis au roi de Sardaigne. - Bonaparte avant et après une victoire. Les généraux prisonniers devant l'empereur. Paroles de consolation. Profonde pensée de l'empereur sur l'avenir de la Russie.

Si je voulais donner une idée de la brillante campagne de 1805, il me faudrait, en faisant un extrait de tous les rapports, de toutes les lettres que je recevais à Hambourg, m'assimiler en quel

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