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de Padarborn, de Fulde, du Brunswick et d'une partie de l'électorat de Hanôvre. En même temps, Napoléon, quoiqu'il n'aimât pas les demi-mesures, pour ne point toucher aux provinces russes et autrichiennes de l'ancienne Pologne, planta sur les bords de la Vistule le grand duché de Varsovie qu'il donna au roi de Saxe, sauf à le faire grandir plus tard ou à l'étouffer. Par là il permettait aux Polonais d'espérer mieux pour l'avenir et s'assurait des partisans dans le nord si les chances de la fortune devaient l'y rappeler. Alexandre séduit, plus encore que ne l'avait été son père, par les coquetteries politiques de Napoléon, qu'on me passe ce terme, consentit à tous ces arrangemens, reconnut in globo tous les rois couronnés de la main de Napoléon, et accepta quelques provinces, qui avaient appartenu à son allié dépouillé, pour se consoler sans doute de n'avoir pas pu lui en faire restituer d'avantage. Les deux empereurs se quittèrent les meilleurs amis du monde; mais le système continental était là!

CHAPITRE XXII.

Mes notes et mes souvenirs.

Effet produit à Altona par

le traité de Tilsitt. Les deux louis d'un émigré. - La

-

Prusse à la discrétion de l'empereur.

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Départ du duc de Mecklembourg. — Passage du Sund par une flotte anglaise -M. Didelot à Hambourg. -Bombardement de Copenhague. Lâcheté et perfidie des Anglais. -Souvenir antérieur et mot de Bonaparte à M. Lemercier.- La Prusse rayée de la carte. Retour de Napoléon à Paris. Les cartes brouillées. Influence de l'Angleterre sur le divan. Politique nouvelle. Destruction du Tribunat. - Les muets et les complaisans.— Opiniâtreté de Mustapha-Baraictar. - Singulière exigence de la Russie. La rapine en régie. Confiscation de marchandises anglaises. - Je fais gagner neuf millions à la France. Le prince de Neufchâtel et M. Daru. Sacrifices productifs.

Je vais m'occuper actuellement du développement partiel de quelques-unes des choses que je viens de dire ou seulement d'indiquer dans le chapitre précédent, m'en rapportant uniquement à mes notes, aux souvenirs dont je suis sûr, à ce que

j'ai vu personnellement, sans doute je serai obligé de garder le silence sur des affaires plus importantes que celles dont je serai à même de m'occuper avec connaissance de cause, mais au moins on ne pourra pas me reprocher d'avancer légèrement des faits, et l'on a pu remarquer que je n'en emprunte guère aux lectures que j'ai faites que pour les rectifier, quand l'erreur ou la fausseté en est par trop évidente. En un mot, je ne tiens pas moins à faire connaître la vérité sur ce que j'ai vu et su à Hambourg, que sur ce que j'ai vu et su en Italie, en Égypte, à Paris, au Luxembourg, aux Tuileries, à Malmaison et à Saint-Cloud.

Le traité de Tilsitt dès qu'il fut connu à Altona y jeta la consternation parmi les émigrés. L'un d'eux, cependant, qui ne prit pas d'autre qualité, qui ne se fit pas connaître, et que, malgré toutes les recherches que je fis faire, je ne pus découvrir, m'envoya deux louis pour être remis à deux soldats français blessés pendant la campagne.

Quant aux princes d'Allemage qui étaient venus attendre soit à Altona, soit à Hambourg, l'issue

I Je n'ai pas voulu omettre ce fait; mais en examinant la date de la note où je l'ai consignée, je vois qu'il doit se rapporter à la suite de la bataille d'Austerlitz.

des événemes, quand ils surent que l'on traitait définitivement de la paix entre la France et la Russie et que la monarchie prussienne avait été mise, deux jours après le traité de Tilsitt, à la discrétion de Napoléon, chaque courrier qui arrivait les mettait dans des transes inexprimables; selon la volonté de l'empereur, ils allaient être ou ne pas être.

Le duc de Mecklembourg Schwerin n'avait pu être, comme je l'ai dit, réintégré dans ses États par une mesure exceptionnelle, comme le duc de Weimar; mais enfin la restitution lui en fut assurée sur la demande de l'empereur Alexandre, et le 28 de juillet il quitta Hambourg pour retourner dans son duché.

Le chargé d'affaires du Danemarck me communiqua, à peu près vers le même temps, un rapport officiel de son gouvernement. Il annonçait que le lundi 3 août, une division, forte de douze vaisseaux de ligne et de douze frégates, commandée par l'amiral Gambier, avait passé le Sund, le reste de l'escadre était signalé dans le Categat. En même temps les troupes Anglaises qui étaient dans l'île de Rügen se rembarquaient. Nous ne pouvions alors deviner ce qu'allaient entreprendre des forces aussi considérables; hélas!

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notre incertitude a bientôt cessé M. Didelot, ministre de France à Copenhague, arriva à Hambourg le 12 août à neuf heures du soir. Il avait eu le bonheur de traverser le Grand-Best à la vue des Anglais, sans être arrêté. J'envoyai son rapport à Paris par un courrier extraordinaire.

Les Anglais envoyèrent dans la Baltique vingt mille hommes et vingt-sept bâtimens; le lord Cathcart les commandait. Les rivages de la Zélande furent bloqués par quatre-vingt-dix voiles. M. Jackson, envoyé par l'Angleterre pour négocier avec le Danemarck, dont elle craignait l'invasion par les troupes françaises, appuya de ces forces considérables la demande qu'il était chargé de faire au Danemarck. Elle ne tendait à rien moins qu'à exiger du roi la remise de toute la flotte danoise et de son matériel. On devait la garder, il est vrai, en dépôt, mais il y avait dans la condition un jusqu'à qui ne rassurait pas sur l'avenir; c'était jusques au temps où l'on n'aurait plus besoin de telles sûretés. La menace et son exécution suivirent de près son insolente demande. Après une noble, mais inutile résistance, et un horrible bombardement, Copenhague se rendit, et la flotte danoise fut détruite. On trouverait difficilement dans l'histoire un abus plus làche, plus révoltant

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