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maintenant raconter ce que je fis à Hambourg, afin de seconder les succès de l'armée française, dans le sens de mes instructions; je dirai ensuite ce que j'ai su relativement à cette bataille mémorable et au traité de Presbourg qui changea la forme politique de l'Europe en créant de nouveaux royaumes.

J'avais envoyé un agent au devant des troupes russes qui s'avançaient à marches forcées sur les bords de l'Elbe. Cet agent m'écrivit de Gadbusch qu'une colonne russe, suivant la route de Wissembourg, passerait l'Elbe à Boëtzembourg; une autre colonne qui venait par Rhéna et Platzeburg, devait passer ce fleuve à Lauenburg; une troisième colonne venant par Custrin et Grabo, devait le passer à Domïtz. On supposait alors que ces troupes qui avaient mis une grande hésitation dans leurs opérations, se dirigeraient sur la Hollande par les duches de Bremen et d'Oldenhourg. A ces nouvelles, l'électorat de Hanôvre fut évacué les Français, et le général Barbou qui y commandait, se concentra dans Hameln.

par

Le 2 novembre 1805, le roi de Suède arriva à Stralsund. Je prévins le gouvernement que son armée donnerait probablement aux opérations de l'armée combinée, une autre tournure; car

jusqu'à ce moment l'indécision de sa marche, l'incertitude de ses mouvemens, les contre-ordres successifs, n'avaient pas permis d'apercevoir un plan déterminé. Il paraissait d'abord que toutes les troupes suédo-russes passeraient l'Elbe sur le même point, à Lauenbourg, à six milles de Hambourg; et il n'y avait pas encore, le 5 novembre, un seul Russe sur la rive méridionale de l'Elbe.

La première colonne de la grande armée russe avait passé à Varsovie le 1er novembre; le 2, on attendait le grand-duc Constantin avec les gardes. Cette colonne qui se montait à six mille hommes, était la première qui traversait la Pologne prus

sienne.

Dans ce moment, nous étions encore menacés de voir débarquer incessamment dans le Weser et dans l'Elbe, l'armée hanôvrienne augmentée de quelques milliers d'Anglais. Leur projet était vraisemblablement, ou d'attaquer la Hollande, ou de tenter quelque opération sur les derrières de la grande armée française.

Le gouvernement français tenait beaucoup à avoir des détails exacts sur la marche des troupes suédo-russes dans le Hanôvre, et sur celle de l'armée russe pour la Pologne. Mes agens à Varsovie

et à Stralsund me servaient on ne peut pas mieux. J'envoyai le bulletin suivant :

<< Les troupes russes sont en pleine marche vers Le Hanôvre, elles passent l'Elbe à deux endroits distans l'un de l'autre de trois lieues, Lauenbourg et Boltzbourg. Les troupes suédoises vont suivre. «Le roi de Suède vient aussi dans le Hanovre. Il a quitté Stralsund le 9 novembre.

<< Il règne en Hanôvre une très-grande disette de grains et de tous autres objets de première nécessité. Il n'y a aucune espèce de magasins, et je ne sais pas comment feront les anglo-suédorusses pour y rester long-temps, d'autant plus que les troupes prussiennes contribuent à la consommation et à la chèreté des vivres.

« La première colonne de la troisième armée russe, qui passe à Varsovie, a traversé cette ville le 2 novembre; elle était composée de quatre mille hommes, et accompagnée du général prince Volkonski, du lieutenant-général Von Essen, du prince de Mecklenbourg, des lieutenans-généraux Bourke et Steinow. Cette colonne avait avec elle douze canons de 12, quatorze de 9, vingt-deux de 6; total, quarante-huit. Trois cents hommes d'artillerie légère.

<< La deuxième colonne a traversé Varsovie le 4.

Elle est composée de deux mille quatre cents grenadiers, deux mille hommes d'infanterie, cinq cents cosaques, dix pièces de canon, soixantedix charriots.

Force de l'armée combinée dans le Hanóvre.

Quinze mille Russes, huit mille Suédois, douze mille Anglais; total, trente-cinq mille hommes. Voilà ce qu'il y aura de réuni, d'ici à quinze jours, dans l'électorat. L'opinion générale est que ces troupes sont destinées à faire une diversion en Hollande.

« Les Anglais débarquent dans l'Elbe et le Weser, où ils sont arrivés sur cent six bâtimens. La traversée ayant été plus longue qu'on ne pensait, la plupart des chevaux ont péri faute de fourrages; un bâtiment de transport, portant deux cents hommes, a échoué à l'embouchure du Weser; on n'a pu sauver personne.

« Le roi de Suède est attendu à Lunebourg aujourd'hui ou demain. Il paraît que le roi de Prusse va occuper Bremen, pour empêcher, ditil, que d'autres ne s'en emparent : c'est du moins ce que m'écrit notre commissaire des relations commerciales dans cette ville. >>

C'est probablement à cause de ce bulletin que

Napoléon dit à Duroc qu'il était content de mes services; on verra par une autre lettre de lui, antérieure à celle que j'ai citée, pourquoi l'empereur, tout en rappelant Duroc, ne lui témoigna aucune crainte sur la Prusse, puisque Duroc espérait encore un raccommodement général lorsqu'il quitta Berlin. La Prusse était bien décidée à faire la guerre, mais avec l'ennemi qu'elle avait en tête, elle ne savait à quelles mesures s'arrêter. Voici cette lettre :

<< Mon cher Bourrienne, Sa Majesté ayant jugé mes services nécessaires à l'armée m'a rappelé près d'elle. J'ai eu hier mon audience de congé du roi et de la reine, et j'ai été traité avec infiniment de bonté. Sa Majesté m'a fait remettre son portrait enrichi de diamans.

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« L'empereur Alexandre partira probablement demain, et l'archiduc Antoine aussi incessamment. Nous ne pouvons qu'espérer que leur réunion ici apportera des facilités pour un accommodement général.

« DUROC. >>

Toutes les fois que les armées étrangères étaient en mouvement contre la France les émigrés reprénaient quelque espoir, se figurant, bien à tort, que les puissances coalisées contre Napoléon travail

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